Bonjour,
Je suis toute nouvelle inscrite sur le forum, déjà spectatrice des vidéos de Marion, notamment.
Celle-ci fait particulièrement écho aujourd’hui, dommage que je ne l’ai pas vue la semaine dernière… elle m’a fait réagir et m’inscrire (thank you à une amie chère qui m’a recommandé fortement de la regarder).
Je suis une femme, pour l’instant malade et handicapée, à la moitié de la trentaine, et j’ai été harcelée dans la rue dimanche dernier… j’ai été agressée dans la rue.
Oh, ça a commencé comme du harcèlement de rue de base, celui qu’on connaît toutes… Celui qui n’est déjà pas acceptable. Ça a continué par une agression.
Les mots qui vont suivre vont être un pavé, ça se voit déjà rien qu’à l’affichage sur les écrans, évidemment. Je préfère prévenir tout de même.
Les mots suivants vont être les faits décrits et mes réactions ; d’abord dans un mail personnel, que j’ai envie pour l’occasion de partager avec vous :
« Demain je ne pourrai pas venir à la soirée, j'ai dû prendre rdv chez le médecin.
Je sais pas trop comment dire ça mais dimanche j'ai subi une agression dans la rue, inconnu bourré qui m'a donné un coup dans le sein pour m'arrêter et "discuter", comme je ne voulais pas il m'a suivie sur 50 mètres en me hurlant dessus et en m’insultant pour finalement tenter d'arracher ma béquille en me disant que j'en n'avais pas besoin que j'étais pas malade, mais j'ai pas lâché ma béquille.
Du coup main courante au commissariat pour coups et blessures mais je me sens pas bien et j'enchaîne les crises de panique incontrôlées... de plus vu la nature de l'agression j'ai possibilité de porter plainte pour violence aggravée et je m'interroge sérieusement... bref les transports et la rue avec les gens et les endroits avec les gens me sont très difficiles pour l'instant et je vais voir avec le médecin ce qu'on peut faire.
Je suis désolée parce que tu sais que je suis forte mais j'arrive pas à gérer correctement pour l'instant et malheureusement je passerais pas un bon moment à la soirée...
Je me dis que c'est arrivé parce que je suis une femme, et en état de faiblesse physique, et que si j'avais été un homme, valide, ça aurait jamais eu lieu. C'est con peut être de penser ça mais voilà. J'ai pas à me faire taper, même si c'était pas fort j'ai senti le contact quand même, me faire barrer le passage, me faire poursuivre, me faire crier dessus, me faire nier ma maladie, me battre pour garder ma canne, juste parce que je suis une femme, en jupe et bottes, qui rentrait du bureau de tabac un dimanche après-midi et qui avait pas envie de discuter, bourré ou pas ça change rien.
Alors oui y a plus grave, mais je me sens rabaissée, humiliée, révoltée, faible, dégoûtée, impuissante, en train de ressasser, une victime quoi.
Je n'ai pas peur, mais mon corps me dit le contraire. Je ne vais pas m'arrêter de vivre, mais j'ai besoin de réfléchir. Je vais pas m'arrêter de pleurer juste parce que bon j'ai pas été violée et puis ça arrive tout le temps et puis c'est pas si grave. Parce que c'est grave. Parce que des merdes je sais ce que c'est d'en gérer et pour être dans un état pareil c'est que oui je le vis très mal.
Parce que j'ai pas envie d'en parler mais en même temps j'ai envie de dire à la terre entière ce que je ressens parce que putain être victime je savais pas que c'était ça et c'est juste pas possible.
Je surmonterai. Merci de m'avoir lue... »
(Depuis, je suis en état de stress post-traumatique, même si le délai est court, il me semble une éternité.)
Les mots vont être aussi ce que j’ai (et d’autres ont) pu entendre, en petit bonus mode clin d’œil, rapport à la vidéo, quand même:
- T’as été harcelée mais : pourquoi t’as pas crié au secours ?
Ah oui, alors ça, c’est mon côté maso qui ressort. Je me sentais bien ces derniers temps, peut-être un peu trop, alors je me suis dit, et si je me tapais un petit stress post traumatique ? Bon, comme physiquement je ne passerais pas les tests médicaux d’aptitude à l’armée, je vais plutôt descendre dans la rue acheter des clopes.
Si je n’ai pas crié au secours, et bien peut-être qu’on va trouver que c’est con, mais c’est que je n’y ai même pas pensé. Il m’a eue par surprise, un dimanche à 14h30, dans la rue à côté de chez moi, sur « mon » terrain, « mes » habitudes. D’un coup le monde a cessé d’exister, la rue s’est effacée. C’était juste lui et moi, et moi qui me demandais comment faire pour que ça s’arrête, comment m’en sortir.
Je n’ai pas la possibilité physique de courir…
D’où le :
- T’as été harcelée mais : c’est parce qu’il a bien choisi sa cible, une femme avec une béquille, sans défense.
Ben c’est bizarre, dans les films les cibles c’est des mecs en 2D qui n’ont qu’un torse, pas de visage distinct, et des sortes de cercles tout autour d’eux… j’ai pas l’impression que la description me corresponde vraiment … on m’aurait menti, je vis pas dans un film ?
Alors non, je ne suis pas une cible. Je ne suis pas faible parce que je suis en béquille, on n’a pas à me choisir comme cible. Personne d’ailleurs n’est censé être une cible, nulle part. Pour me décrire je dirais que je suis avant tout un être humain… demain je me remate E.T., ou Alien maybe, juste pour être sûre.
- T’as été harcelée mais : t’es sûre que tu t’es assez défendue ? (variante pour une amie chère)
Oui, oui, je reconnais, que j’avais acheté trop de chaussures en même temps, et que c’était pas les soldes, du coup ben j’ai pas eu les moyens de renouveler mon abonnement aux cours de krav maga à la dernière rentrée, alors j’ai sûrement perdu un peu de technique depuis et là bah forcément hein pim pam ça me tombe dessus… c’est pas de chance quand même.
C’est quoi se défendre ? Pourquoi on devrait se défendre ? Pourquoi on ne devrait pas juste ne pas avoir à se faire harceler à la base, tout simplement ?
Alors certes, je provoque un peu avec cette réplique.
Oui ok, dans un monde merveilleux, si l’on est attaqué(e), c’est utile de se défendre. Dans le même monde merveilleux ou moins, on peut aussi avoir une réaction complètement inconsciente et inattendue, se retrouver paralysé(e) de peur, ne pas avoir forcément les bons réflexes d’auto-défense, juste, être un être humain quoi. Faillible. Donc ce serait aussi notre faute si on se fait harceler, « parce qu’on ne s’est pas assez défendu ». Forcément. Ce n’est pas que de la faute du harceleur, après tout on doit sûrement y être pour quelque chose, pour que ça nous arrive (grosse nausée).
- T’as été harcelée mais : il était bourré alors il s’en souvient même pas.
Ouais c’est vrai que l’autre jour, quand j’étais bourrée, j’avoue, j’ai vu un mec dans la rue, je lui ai gentiment touché le cul quand il est passé à ma hauteur, je sais pas pourquoi, j’avais senti le feeling entre nous de loin, je voulais lui parler un peu, comme ça tranquille, puis quand j’ai vu qu’il s’en allait direct, je me suis dit « hum, le petit coquin, il veut jouer au jeu du chat et de la souris, il veut que je le suive ! Mais quelle canaille ! ». Alors je l’ai suivi, pis après ben…
Bon en fait je m’en souviens pas vraiment, j’étais bourrée, tout ça c’est ma pote qui me l’a raconté le lendemain, et j’ai trouvé ça marrant.
Ahah oui mais non. Mon agresseur ne s’en souvient peut-être sûrement pas, tant mieux pour lui. Moi je me souviens. Bizarrement, aucune personne que je connaisse, ni même moi, n’agissons de la sorte quand on est « bourrés » (on voudrait bien une médaille). Ou alors on ne s’en souvient pas, et tant mieux pour nous.
- T’as été harcelée mais : bon tu lui as parlé aussi, fallait pas, c’est pour ça qu’il a continué.
C’est aussi vrai que souvent, je suis « trop bonne, trop conne ». Alors je me suis dit, ce pauvre individu en mal de solitude, qui veut sûrement un petit coup d’autre chose que de l’alcool vite fait bien fait, et qui pour cela commence par me barrer le passage dans la rue et par me mettre un coup dans la poitrine pour m’arrêter - histoire d’engager sympathiquement la discussion sûrement -, bon je suis sympa, je vais quand même lui parler. Qu’est-ce que je pourrais bien trouver à lui dire ?
« Non, je n’ai pas envie de discuter ». « Non, j’ai dit non, c’est non » « J’ai dit que c’était non » « Non non ça suffit ! »
Alors je lui ai parlé oui, vu comme ça, en gros. Je lui ai surtout fait part de mon non-consentement, chose qui pour moi aurait pu et dû lui faire arrêter tout ça, c’était tout ce que je voulais, que ça s’arrête enfin, mais je n’aurais sûrement pas dû parler. Même si qui ne dit mot consent, soit disant… (grosse nausée bis)
- T’as été harcelée mais : fallait juste lui lâcher ta béquille et t’enfuir.
Il se trouve que c'est une béquille customisée, qui me plaît beaucoup. Donc bon, je comprends qu'elle lui ait plu aussi, elle est super belle, mais il avait qu'à avoir 7 euros sur lui pour en acheter une en pharmacie et la customiser lui-même si lui aussi il voulait faire trop stayelé en marchant avec dans la rue. Non mais.
Alors clairement, ma béquille, ce n'est pas ce qu'il voulait de moi je pense. Et je faisais comment pour rentrer chez moi après? Si je me déplace avec une béquille, c'est peut être avant tout parce que j'en ai besoin pour marcher... juste une supposition comme ça... m'enfuir sans, ben j'ai jamais su courir sur les mains, dommage.
- T’as été harcelée mais : fallait aller dans un café ouvert et t'y réfugier.
Ben oui, quoi de mieux en plein harcèlement que d'aller se prendre un petit expresso ou une bonne binouze, histoire de se donner un coup de fouet pour la suite, quand on sortira du refuge et qu'on se jettera dans l'inconnu des grands sommets...
Il se trouve que la fin de l'agression s'est déroulée sur la terrasse d'un café. Avec des gens installés, beaucoup. J'aurais pu rentrer dans le café, mais allez savoir pourquoi il me barrait encore ce passage là...
Du coup :
- T’as été harcelée mais : les gens autour, s’ils ne se sont pas interposés, c’est parce qu’ils croient souvent que c’est une dispute de couple.
Bon, ok, Dédé et moi, on adore se donner en spectacle dans la rue. Ça va faire 5 ans qu’on est mariés et du coup, quand y a besoin d’un peu de piment, on se fait des courses poursuites comme ça, on s’insulte, on se bagarre un peu en public, on dirait pas mais en fait c’est planifié et préparé pendant des semaines, faut bien occuper nos week-end.
Quand bien même cela aurait été une dispute de couple… alors parce que cela aurait été mon conjoint (et on suppose donc directement sans me connaître, juste en me voyant dans la rue, que je suis hétérosexuelle, mais bon c’est encore autre chose…), ça aurait été moins grave ? Attention, c’est un couple qui s’engueule, on va pas les déranger, ils ont l’air de vachement bien s’amuser, et puis après tout, si nous on s’en prenait une aussi parce qu’on intervient ?
Dans le doute, on s’abstient ?
- T’as été harcelée mais : ça va, tu n’as rien.
Ces mots viennent de moi. « Non mais ça va, j’ai rien, je ne suis pas blessée, ça aurait pu être pire ».
C’est vrai. Mais il se trouve que si, je suis blessée. Et que je n’ai pas à avoir honte de le dire. Passons les détails des multiples crises de panique, de tremblements incontrôlés, d’esprit dans le vide, de troubles du sommeil, de maux de bide, de colère, de peur dehors et chez soi, de suspicion, de « mon dieu il s’avance vers moi ça va recommencer », de mais comment je vais faire et quand est-ce que ça va passer et pourquoi c’est pas déjà du passé et que c’est toujours dans mon présent, et compagnie, c’est ça mes blessures. Et cette culpabilité bizarre qui pourrit, aussi.
Donc non, ça ne va pas, et je n’ai pas « rien ». Un jour je sais que je n’aurai plus peur, et ça non plus ce n’est pas rien.
La prochaine fois que je veux aller acheter des clopes à côté de chez moi… à la place j’arrête de fumer ?
Je suis toute nouvelle inscrite sur le forum, déjà spectatrice des vidéos de Marion, notamment.
Celle-ci fait particulièrement écho aujourd’hui, dommage que je ne l’ai pas vue la semaine dernière… elle m’a fait réagir et m’inscrire (thank you à une amie chère qui m’a recommandé fortement de la regarder).
Je suis une femme, pour l’instant malade et handicapée, à la moitié de la trentaine, et j’ai été harcelée dans la rue dimanche dernier… j’ai été agressée dans la rue.
Oh, ça a commencé comme du harcèlement de rue de base, celui qu’on connaît toutes… Celui qui n’est déjà pas acceptable. Ça a continué par une agression.
Les mots qui vont suivre vont être un pavé, ça se voit déjà rien qu’à l’affichage sur les écrans, évidemment. Je préfère prévenir tout de même.
Les mots suivants vont être les faits décrits et mes réactions ; d’abord dans un mail personnel, que j’ai envie pour l’occasion de partager avec vous :
« Demain je ne pourrai pas venir à la soirée, j'ai dû prendre rdv chez le médecin.
Je sais pas trop comment dire ça mais dimanche j'ai subi une agression dans la rue, inconnu bourré qui m'a donné un coup dans le sein pour m'arrêter et "discuter", comme je ne voulais pas il m'a suivie sur 50 mètres en me hurlant dessus et en m’insultant pour finalement tenter d'arracher ma béquille en me disant que j'en n'avais pas besoin que j'étais pas malade, mais j'ai pas lâché ma béquille.
Du coup main courante au commissariat pour coups et blessures mais je me sens pas bien et j'enchaîne les crises de panique incontrôlées... de plus vu la nature de l'agression j'ai possibilité de porter plainte pour violence aggravée et je m'interroge sérieusement... bref les transports et la rue avec les gens et les endroits avec les gens me sont très difficiles pour l'instant et je vais voir avec le médecin ce qu'on peut faire.
Je suis désolée parce que tu sais que je suis forte mais j'arrive pas à gérer correctement pour l'instant et malheureusement je passerais pas un bon moment à la soirée...
Je me dis que c'est arrivé parce que je suis une femme, et en état de faiblesse physique, et que si j'avais été un homme, valide, ça aurait jamais eu lieu. C'est con peut être de penser ça mais voilà. J'ai pas à me faire taper, même si c'était pas fort j'ai senti le contact quand même, me faire barrer le passage, me faire poursuivre, me faire crier dessus, me faire nier ma maladie, me battre pour garder ma canne, juste parce que je suis une femme, en jupe et bottes, qui rentrait du bureau de tabac un dimanche après-midi et qui avait pas envie de discuter, bourré ou pas ça change rien.
Alors oui y a plus grave, mais je me sens rabaissée, humiliée, révoltée, faible, dégoûtée, impuissante, en train de ressasser, une victime quoi.
Je n'ai pas peur, mais mon corps me dit le contraire. Je ne vais pas m'arrêter de vivre, mais j'ai besoin de réfléchir. Je vais pas m'arrêter de pleurer juste parce que bon j'ai pas été violée et puis ça arrive tout le temps et puis c'est pas si grave. Parce que c'est grave. Parce que des merdes je sais ce que c'est d'en gérer et pour être dans un état pareil c'est que oui je le vis très mal.
Parce que j'ai pas envie d'en parler mais en même temps j'ai envie de dire à la terre entière ce que je ressens parce que putain être victime je savais pas que c'était ça et c'est juste pas possible.
Je surmonterai. Merci de m'avoir lue... »
(Depuis, je suis en état de stress post-traumatique, même si le délai est court, il me semble une éternité.)
Les mots vont être aussi ce que j’ai (et d’autres ont) pu entendre, en petit bonus mode clin d’œil, rapport à la vidéo, quand même:
- T’as été harcelée mais : pourquoi t’as pas crié au secours ?
Ah oui, alors ça, c’est mon côté maso qui ressort. Je me sentais bien ces derniers temps, peut-être un peu trop, alors je me suis dit, et si je me tapais un petit stress post traumatique ? Bon, comme physiquement je ne passerais pas les tests médicaux d’aptitude à l’armée, je vais plutôt descendre dans la rue acheter des clopes.
Si je n’ai pas crié au secours, et bien peut-être qu’on va trouver que c’est con, mais c’est que je n’y ai même pas pensé. Il m’a eue par surprise, un dimanche à 14h30, dans la rue à côté de chez moi, sur « mon » terrain, « mes » habitudes. D’un coup le monde a cessé d’exister, la rue s’est effacée. C’était juste lui et moi, et moi qui me demandais comment faire pour que ça s’arrête, comment m’en sortir.
Je n’ai pas la possibilité physique de courir…
D’où le :
- T’as été harcelée mais : c’est parce qu’il a bien choisi sa cible, une femme avec une béquille, sans défense.
Ben c’est bizarre, dans les films les cibles c’est des mecs en 2D qui n’ont qu’un torse, pas de visage distinct, et des sortes de cercles tout autour d’eux… j’ai pas l’impression que la description me corresponde vraiment … on m’aurait menti, je vis pas dans un film ?
Alors non, je ne suis pas une cible. Je ne suis pas faible parce que je suis en béquille, on n’a pas à me choisir comme cible. Personne d’ailleurs n’est censé être une cible, nulle part. Pour me décrire je dirais que je suis avant tout un être humain… demain je me remate E.T., ou Alien maybe, juste pour être sûre.
- T’as été harcelée mais : t’es sûre que tu t’es assez défendue ? (variante pour une amie chère)
Oui, oui, je reconnais, que j’avais acheté trop de chaussures en même temps, et que c’était pas les soldes, du coup ben j’ai pas eu les moyens de renouveler mon abonnement aux cours de krav maga à la dernière rentrée, alors j’ai sûrement perdu un peu de technique depuis et là bah forcément hein pim pam ça me tombe dessus… c’est pas de chance quand même.
C’est quoi se défendre ? Pourquoi on devrait se défendre ? Pourquoi on ne devrait pas juste ne pas avoir à se faire harceler à la base, tout simplement ?
Alors certes, je provoque un peu avec cette réplique.
Oui ok, dans un monde merveilleux, si l’on est attaqué(e), c’est utile de se défendre. Dans le même monde merveilleux ou moins, on peut aussi avoir une réaction complètement inconsciente et inattendue, se retrouver paralysé(e) de peur, ne pas avoir forcément les bons réflexes d’auto-défense, juste, être un être humain quoi. Faillible. Donc ce serait aussi notre faute si on se fait harceler, « parce qu’on ne s’est pas assez défendu ». Forcément. Ce n’est pas que de la faute du harceleur, après tout on doit sûrement y être pour quelque chose, pour que ça nous arrive (grosse nausée).
- T’as été harcelée mais : il était bourré alors il s’en souvient même pas.
Ouais c’est vrai que l’autre jour, quand j’étais bourrée, j’avoue, j’ai vu un mec dans la rue, je lui ai gentiment touché le cul quand il est passé à ma hauteur, je sais pas pourquoi, j’avais senti le feeling entre nous de loin, je voulais lui parler un peu, comme ça tranquille, puis quand j’ai vu qu’il s’en allait direct, je me suis dit « hum, le petit coquin, il veut jouer au jeu du chat et de la souris, il veut que je le suive ! Mais quelle canaille ! ». Alors je l’ai suivi, pis après ben…
Bon en fait je m’en souviens pas vraiment, j’étais bourrée, tout ça c’est ma pote qui me l’a raconté le lendemain, et j’ai trouvé ça marrant.
Ahah oui mais non. Mon agresseur ne s’en souvient peut-être sûrement pas, tant mieux pour lui. Moi je me souviens. Bizarrement, aucune personne que je connaisse, ni même moi, n’agissons de la sorte quand on est « bourrés » (on voudrait bien une médaille). Ou alors on ne s’en souvient pas, et tant mieux pour nous.
- T’as été harcelée mais : bon tu lui as parlé aussi, fallait pas, c’est pour ça qu’il a continué.
C’est aussi vrai que souvent, je suis « trop bonne, trop conne ». Alors je me suis dit, ce pauvre individu en mal de solitude, qui veut sûrement un petit coup d’autre chose que de l’alcool vite fait bien fait, et qui pour cela commence par me barrer le passage dans la rue et par me mettre un coup dans la poitrine pour m’arrêter - histoire d’engager sympathiquement la discussion sûrement -, bon je suis sympa, je vais quand même lui parler. Qu’est-ce que je pourrais bien trouver à lui dire ?
« Non, je n’ai pas envie de discuter ». « Non, j’ai dit non, c’est non » « J’ai dit que c’était non » « Non non ça suffit ! »
Alors je lui ai parlé oui, vu comme ça, en gros. Je lui ai surtout fait part de mon non-consentement, chose qui pour moi aurait pu et dû lui faire arrêter tout ça, c’était tout ce que je voulais, que ça s’arrête enfin, mais je n’aurais sûrement pas dû parler. Même si qui ne dit mot consent, soit disant… (grosse nausée bis)
- T’as été harcelée mais : fallait juste lui lâcher ta béquille et t’enfuir.
Il se trouve que c'est une béquille customisée, qui me plaît beaucoup. Donc bon, je comprends qu'elle lui ait plu aussi, elle est super belle, mais il avait qu'à avoir 7 euros sur lui pour en acheter une en pharmacie et la customiser lui-même si lui aussi il voulait faire trop stayelé en marchant avec dans la rue. Non mais.
Alors clairement, ma béquille, ce n'est pas ce qu'il voulait de moi je pense. Et je faisais comment pour rentrer chez moi après? Si je me déplace avec une béquille, c'est peut être avant tout parce que j'en ai besoin pour marcher... juste une supposition comme ça... m'enfuir sans, ben j'ai jamais su courir sur les mains, dommage.
- T’as été harcelée mais : fallait aller dans un café ouvert et t'y réfugier.
Ben oui, quoi de mieux en plein harcèlement que d'aller se prendre un petit expresso ou une bonne binouze, histoire de se donner un coup de fouet pour la suite, quand on sortira du refuge et qu'on se jettera dans l'inconnu des grands sommets...
Il se trouve que la fin de l'agression s'est déroulée sur la terrasse d'un café. Avec des gens installés, beaucoup. J'aurais pu rentrer dans le café, mais allez savoir pourquoi il me barrait encore ce passage là...
Du coup :
- T’as été harcelée mais : les gens autour, s’ils ne se sont pas interposés, c’est parce qu’ils croient souvent que c’est une dispute de couple.
Bon, ok, Dédé et moi, on adore se donner en spectacle dans la rue. Ça va faire 5 ans qu’on est mariés et du coup, quand y a besoin d’un peu de piment, on se fait des courses poursuites comme ça, on s’insulte, on se bagarre un peu en public, on dirait pas mais en fait c’est planifié et préparé pendant des semaines, faut bien occuper nos week-end.
Quand bien même cela aurait été une dispute de couple… alors parce que cela aurait été mon conjoint (et on suppose donc directement sans me connaître, juste en me voyant dans la rue, que je suis hétérosexuelle, mais bon c’est encore autre chose…), ça aurait été moins grave ? Attention, c’est un couple qui s’engueule, on va pas les déranger, ils ont l’air de vachement bien s’amuser, et puis après tout, si nous on s’en prenait une aussi parce qu’on intervient ?
Dans le doute, on s’abstient ?
- T’as été harcelée mais : ça va, tu n’as rien.
Ces mots viennent de moi. « Non mais ça va, j’ai rien, je ne suis pas blessée, ça aurait pu être pire ».
C’est vrai. Mais il se trouve que si, je suis blessée. Et que je n’ai pas à avoir honte de le dire. Passons les détails des multiples crises de panique, de tremblements incontrôlés, d’esprit dans le vide, de troubles du sommeil, de maux de bide, de colère, de peur dehors et chez soi, de suspicion, de « mon dieu il s’avance vers moi ça va recommencer », de mais comment je vais faire et quand est-ce que ça va passer et pourquoi c’est pas déjà du passé et que c’est toujours dans mon présent, et compagnie, c’est ça mes blessures. Et cette culpabilité bizarre qui pourrit, aussi.
Donc non, ça ne va pas, et je n’ai pas « rien ». Un jour je sais que je n’aurai plus peur, et ça non plus ce n’est pas rien.
La prochaine fois que je veux aller acheter des clopes à côté de chez moi… à la place j’arrête de fumer ?