Certaines me l'ont demandé donc je vais répondre ici, à "
comment j'ai réussi à m'accepter", que je n'ai pas spécialement développé dans l'article - parce que c'est un peu longuet, un peu chiant à lire je pense, mais bon on ne sait jamais, cela peut en intéresser quelques unes.
Pour résumer, actuellement, je me sens bien, j'ai toujours des hauts et des bas, mais qui n'en a pas ? Si une taille 36 suffisait au bonheur, ça se saurait. Si une taille 36 suffisait à assurer une bonne santé, ça se saurait aussi.
Quand ça a changé : tout a commencé quand j'ai déménagé pour la énième fois, je vivais seule et je me suis dit qu'il fallait que j'essaie de me sentir mieux car j'étais vraiment au fond du trou. Dépressive, agoraphobe, triste à crever, quand on vit toute seule en pays étranger, ça peut vite dégénérer. Du coup j'ai commencé à cuisiner un peu, à apprécier ce que je cuisinais et à ne plus manger pour me réconforter. Je passe sur les années de thérapie et autres rééduc alimentaires / les forums d'acceptation de soi / Zermati etc, j'avais beau avoir compris le principe, je n'arrivais pas à l'appliquer.
Le déclic : il a eu lieu chez le médecin qui a détecté mon début de diabète (y en a dans ma famille en plus donc bon). J'y étais allée en janvier dernier parce que j'étais tout le temps fatiguée, je buvais beaucoup, je mangeais des sucres lents le matin et le midi mais rien à faire, je piquais du nez l'après-midi mais je ne dormais pas la nuit. J'étais vraiment fatiguée alors que j'avais l'impression de suivre une alimentation correcte. Le médecin a été très clair : il fallait que je réduise les sucres (lents ou rapides) dès que possible, je faisais une résistance à l'insuline (et j'ai des soucis hormonaux liés à ça).
Je suis rentrée chez moi le moral dans les chaussettes, quelque chose de grandiose. Le mot diabète à 22 ans, ça fait pas vraiment plaisir. Ensuite j'ai googlisé quelques mots clés (je vis en pays anglophone donc je me suis farci tous les sites "low carbs") et ai vu que bon, je pouvais quand même très bien manger même si je devais trouver une alternative à 90% de mes repas.
Ne plus manger de pain, pâtes, riz, patates et farine comme avant, ça m'a fait tout drôle. Cependant je me suis dit que je
méritais quand même un effort d'adaptation et j'ai commencé à me faire à manger en accord avec les recommandations du médecin. Les deux premiers jours ont été durs car ma glycémie faisait un peu du yoyo mais ensuite, nickel. J'ai recommencé à dormir la nuit et à ne plus piquer du nez après le déjeuner, je ne bois plus autant d'eau etc. Maintenant je consomme de nouveau des glucides car je fais de l'exercice, mais bon je n'ai plus spécialement "envie" ou "besoin" de manger autant qu'avant.
Mon rapport à la nourriture maintenant : on va dire que maintenant, quand j'ai une envie folle d'un truc sucré, je me
pose deux minutes et je me demande si c'est vraiment par faim (ce qui est rare car je mange de façon régulière) ou plutôt par ennui, frustration, tristesse et tutti quanti. (C'est un peu le principe de la rééducation alimentaire, pour celles qui connaissent). Cela n'empêche rien mais je suis plus posée quand je mange du coup, je sais ce qui se passe, je sais pourquoi je le fais. Bon et puis le fait qu'ensuite je me sente pas bien (à cause de mes soucis d'insuline) ne me motive pas particulièrement à noyer mes états d'âme dans un paquet de sucre (dans le fromage, par contre...)
Autre chose qui m'a vraiment tirée du trou, rencontrer ma coach de sport. J'étais mais allergique au sport, quelque chose de grandiose. Je voulais même pas marcher deux kilomètres, quand je vivais en région parisienne. Puis j'ai eu trois hernies discales diagnostiquées (après une séance de Zumba pas des plus astucieuses) et mon kiné m'a dit direct que la rééducation, ça allait deux minutes, mais qu'il fallait que je maigrisse et que je muscle mon dos. J'ai été donc voir un coach de gym qui est depuis devenue une de mes amies, une fille extra, qui m'a mise à l'aise au bout de 2 minutes.
Donc j'ai commencé par prendre des séances personnelles avec elle car j'avais la condition physique d'un bulot mort, et la première séance, j'ai cru que j'allais y passer
. Mais ensuite, ça n'a été que plus facile. Elle ne me pèse pas mais prend surtout mes mesures et j'ai perdu dès le début plusieurs cm, ce qui m'a encouragée. Maintenant on se voit toujours 3 à 4 fois par semaine et je suis vraiment pas bien quand je ne peux pas y aller (quand je rentre en France par exemple). J'ai trouvé un truc pour canaliser toute mon énergie.
Si je devais conseiller quoi que ce soit, je ne sais pas trop ce que je pourrais dire car chaque situation est différente. D'un point de vue personnel, je pense que le sport est vraiment important car j'avais bien trop d'énergie pour ce que j'en faisais (c'est-à-dire, rien) et cela se retournait contre moi. Mais il faut trouver vraiment ce qui plaît, ce qui motive, moi par exemple on m'a toujours dit "va nager", eh bien rien à faire, même après des séances de piscine ou d'aquagym, je me disais "ouais ok, ça a été, mais jamais je veux y retourner". Je me faisais royalement ch*er, pour être honnête. Tous les sports d'endurance me filent des boutons, j'ai l'impression de rien faire et de perdre mon temps car je ne "ressens" pas l'effort autant que je le voudrais.
Finalement, mon truc c'est la cardio, le fitness, les trucs de barbare un peu
, mais c'est ça qui me motive, et je n'y vais pas en traînant les pieds. Et trouver le bon coach aussi, c'est peut-être même plus important ; la mienne, j'y suis allée en lui disant tout de A à Z, et elle a préparé des exos pour moi et elle a bien compris ce qu'il me fallait et ce que j'allais aimer ou non. Et je "sens" mon corps maintenant, alors qu'avant, j'étais en squatteuse là-dedans. Je ne sais pas comment le dire autrement. Mais se sentir aliénée à son propre corps, cela peut arriver peu importe son poids (mes amies ex-anorexiques avaient le même sentiment).
Bref, en résumé, ça a été 22 ans de souffrances et d'humiliation suivies d'un déclic sur plusieurs mois et maintenant, je sais que je suis sur le bon chemin.
Au final, je suis assez contente du chemin parcouru cette année car j'ai une relation plus détachée avec la nourriture, j'ai compris les mécanismes de pourquoi je mangeais pour me réconforter, j'ai éliminé pas mal de frustrations en faisant du sport et les séances sont vraiment les bons moments de la semaine, pendant lesquels je me sens vivante. Avant, j'avais l'impression d'étouffer, de m'enterrer vivante et voir la vie passer derrière une vitre, en fait.
Maintenant j'hésite plus quand on me propose une randonnée parce que je marche mieux qu'avant, j'ai plus de souffle et je ne me sens plus aussi prisonnière du regard des autres (bon je vis plus en France non plus, ça aide). Pour Noël là, j'ai pu m'acheter une robe de soirée - fait complètement anodin pour 90% des femmes mais pour moi c'est absolument énorme, sans mauvais jeu de mot
Et j'ai pu me regarder sans me dire "quelle horreur".
J'ai des coups de blues occasionnels, comme tout le monde, mais il y a un réconfort certain à savoir que le pire est derrière moi, toutes ces années à me détester plus qu'aucun gugus dans la rue ou derrière un écran ne peut le faire.
Autre chose, j'ai beau avoir une hygiène de vie très bonne,
ce n'est pas pour autant que je fais des remarques aux gens. J'ai une connaissance tout à fait mince qui bouffe de la merde tous les jours, qui peut pas faire plus de 500m à pied, qui fume et boit copieusement tous les week-ends et je ne lui dis rien. Pourtant son taux de cholestérol et compagnie, ça doit pas être triste, mais sincèrement, je m'en fous. Et j'aurais bien aimé que les inconnus dans la rue s'en foutent aussi avant de me faire des oeillades genre "hum hum". Me pousser à me sentir comme un criminel n'a pas vraiment aidée.
Je ne me promène pas dans la rue à dire "hey toi, laisse tomber la clope, c'est mauvais pour la santé", "vous allez au MacDo ? mais ça va pas !" ou "ouh là, vous m'avez l'air bien maigre, faut manger hein".
C'est toujours à double tranchant le style "je me préoccupe de mon prochain", on est généralement pas fichu d'aider quelqu'un qui fait un malaise mais on se sent tout à fait capable d'aller dire à la grosse du coin qu'elle ferait mieux de manger 5 fruits et légumes par jour et de faire du sport parce qu'elle coûte cher à la société blabla (et je vis dans un pays sans sécurité sociale donc bon à la limite ça ne me concerne même plus). Donc bon, les remarques des gens au hasard, je trouve ça carrément déplacé. Et pour les autres, il y a des façons de dire et de faire.
Perso si le médecin que j'ai vu à mes 12 ans voulait me faire réagir, ce n'est pas en me disant que je lui racontais des salades et que je devais sûrement tartiner 2 cm de beurre sur mon pain le matin qu'elle allait y arriver. J'ai appris une chose : que quand on veut vous faire rentrer dans une case, on y arrive. Pour elle, j'étais la petite grosse sans volonté qui bouffait trois kilos de gras par jour, donc j'avais beau dire que ce n'était pas le cas, cela ne servait à rien. C'est ça qui me rendait folle, le fait que l'on me considère comme une menteuse.
Voili voilou, je ne me place pas en experte ès dodues, ce n'est qu'une expérience parmi tant d'autres et j'espère que cela ne vous aura pas trop endormies
. Juste pour dire qu'on peut s'en sortir et qu'on peut finir par ne plus se haïr pour ce que l'on est.