Veille permanente Parentalité et Société

[Cline39]

Mes parents ne nous ont jamais lu de contes de fées, mon frère et moi avions plein de livres mais aucun conte. Et comme nous n'avions pas la tv petits et n'allions pas au cinéma on est passés à coté de tous les disneys.
J'ai juste un vague souvenir d'une lecture du petit poucet à l'école ou j'avais ete scandalisée que les parents décident d'abandonner leurs enfants dans la foret.
En grandissant on a découvert l'univers de la magie avec les chevaliers de la table ronde, puis la littérature fantastique, Tolkien en tete.

Du coup je me demande en quoi les contes peuvent influencer ou non des enfants? ca joue sur l'imaginaire? les comportements genrés?

 

[Mama Sara]

@Cline39
Oui, potentiellement tout ça, mais c'est aussi valable pour les histoires de chevaliers (je connais moins la littérature fantastique).
En tout cas c'est l'idée qui est développée dans les différents articles partagés ici ces derniers jours.

Pour résumer: beaucoup de contes présentent le couple hétérosexuel comme étant la clé du bonheur (Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants). Les garçons y apprennent qu'ils doivent être forts et conquérir le cœur de la princesse inaccessible (et si la princesse refuse leur amour malgré qu'ils aient "prouvé" leur bravoure et leur loyauté ce n'est pas normal), et les filles apprennent à rester passives et à attendre d'être courtisées (et si elles ne le sont pas ce n'est pas normal non plus).
Cela aurait une incidence IRL: les filles attendent le prince charmant. Certaines peuvent croire que si elles ne sont pas draguées, voir harcelées, c'est qu'elles ont un problème. A contrario le fait d'être harcelée devient rassurant (j’ai encore eu récemment une discussion sur ce sujet avec des adultes qui me disaient être ravies lorsqu'elles se font siffler dans la rue). Elles ont besoin d'être "validées" par le regard des hommes et n'ont pas confiance en leur propre jugement.
Les garçons pensent devoir se conformer à l'image qu'ils se font du chevalier servant. Ils attendent des filles qu'elles se soumettent et leur tombent dans les bras à partir du moment où ils ont montré leur "valeur". Si ce n'est pas le cas (et si elles ne correspondent pas à l'image de la princesse), ils peuvent accumuler une rancœur envers les femmes, qui les conduit parfois jusqu'au féminicide. Certains peuvent aussi penser qu'il est normal qu'une femme résiste, refuse et qu'ils doivent insister, harceler, voir forcer, jusqu'à ce qu'elle "accepte".

Bon c'est vraiment un résumé grossier hein, je suis loin de maîtriser le sujet! Si d'autres veulent développer ou me reprendre, n'hésitez surtout pas.

D'un autre côté, et c'est ce qui est développé dans le billet de Géraldine, le conte peut susciter l'imaginaire et familiariser l'enfant avec le vocabulaire et la littérature en général. Il peut avoir des vertus thérapeutiques, cathartiques, pédagogiques, permettre une ouverture vers sa propre culture avec les contes d'ici et vers d'autres cultures avec les contes d'ailleurs etc etc

Ca fait des années que je dois lire Bettelheim, il faudrait vraiment que je m'y mette un jour...

 

[Mama Sara]

Effectivement, les contes n'influencent pas forcément l'individu et toutes nos difficultés relationnelles et amoureuses ne sont pas à mettre sur le dos des contes. Ils participent simplement à notre culture, que ce soit de manière positive ou négative. Je pense par exemple à la Belle au bois dormant qui présente le fait d'embrasser une fille sans son consentement comme positif (et encore je crois que dans la version originale, la princesse est violée) (Il y a peut-être d'autres leçons plus positives à en tirer, mais il me semble difficile de passer à côté de celle-là). Ce n'est probablement pas ce conte là en particulier qui va nous influencer, mais il participe à notre culture du viol.

Personnellement je reste pour la transmission des contes: pour leurs aspects positifs, parce qu’ils font partie de notre culture et parce-que je les ai beaucoup aimé petite (et en aime encore beaucoup maintenant). Par contre si je devais les transmettre à un enfant je m'interrogerai peut-être sur la manière de les présenter, d'amorcer la discussion et je tenterai de contrebalancer avec des contes qui apportent une autre vision sur les relations amoureuses...
D'ailleurs si vous avez des références de beaux contes véhiculant des valeurs plus positives ça pourrait être chouette de les partager ici .

 

[Kettricken]

Au niveau des contes de fée, je ne saurais que trop conseiller "La psychanalyse des contes de fées" de Bethelheim.
Je trouve que sa lecture permet de mettre une distance avec une lecture trop littéral des contes de fées. Ainsi, on entend très souvent dire à l'heure actuelle que "La Belle et la Bête" est une représentation de violence conjugales et du syndrome de Stockholm. Or d'après Bethelheim, ça n'est pas du tout ça. Ce que le conte dirait à un niveau plus inconscient, c'est que pour une jeune fille qui n'est pas "prête", un homme, même un prince, aura toujours l'air bestial. Qu'il faut donner le temps à la jeune fille d'être mature pour une relation amoureuse, et là, sa peur s'envolera.

De la même manière, j'avais un collègue qui à chaque fois qu'il racontait à ses enfants un conte avec un grand méchant loup faisait un débrief derrière pour rappeler que le loup n'est pas un monstre, que c'est un mammifère qui n'est pas pire qu'un autre, qu'il ne mérite pas d'être chassé etc... Et autant je suis pour la défense des loups, autant je pense que ce genre de mise au point (si elle n'est pas souhaitée par l'enfant) et contre-productive pour ce qui est du côté catharsique du conte. Dans le conte, un loup n'est pas un loup. C'est un danger. C'est un prédateur, quelqu'il soit.

Bref, je pense sincèrement que les contes de fées sont important. Leur violence peut être importante pour les enfants. Parce qu'ils ont besoin d'appréhender les aspects violents de ce monde. Notre tante (qui a joué le rôle de grand-mère) nous racontait les versions les plus sanglantes des vieux contes et on en redemandait.


@Kopses Je pense sincèrement me l'acheter pour moi toute seule, il a l'air si beau ! Et j'ai une amie qui bien qu'étant blanche devrait avoir un enfant métisse s'ils se lancent un jour. Et je compte bien le lui offrir si ça arrive

 

[Mama Sara]

Concernant les livres pour enfants, je n'ai pas en tête de contes à proprement parlé qui ne soit pas oppressifs, il faudrait que je me replonge dans les recueils. Par contre, lorsque je gardais un petit garçon, j'avais trouvé dans sa bibliothèque une fable que j'avais adoré: La maison la plus grande du monde de Leo Lionni. Beaucoup le présente comme un livre sur la modestie, mais moi j'y ai vu une vraie réflexion sur le consumérisme ou comment nos possessions finissent par nous posséder.

De mes souvenirs d'enfant, j'ai gardé un classique: La tempête de Claude Ponti. Ce livre m'a transportée durant des années et a eu un véritable impact sur la construction de mon imaginaire.

 

[Weena88]

Ah ben voilà, c'est du propre, maintenant, il y a plein de livres que j'ai envie d'acheter ...
Sinon, on a un livre de conte de Russie pour FeuFolet et on a eu une très belle édition des contes de Perrault pour LutinCoquin, mais pour l'instant, ils ne sont pas intéressés . Par contre, ça me donne envie de les lire

 

[didinebdx]

@Kopses C'est une amie à moi donc j'avais l'excuse de l'acheter pour soutenir le projet ulule.
Mais il est magnifique *_*
(le livre est en dédicace demain aprèm au marché de noël de ulule dans le 2nd arrondissement de paris)

 

[Mama Sara]

Extrait du Banc du temps qui passe de H.Reeves:

Faut-il faire des enfants?

Lorsque je décrit en conférence les menaces qui pèsent sur la vie terrestre, de jeunes couples viennent parfois me confier leurs hésitations à faire des enfants. Ils me demandant mon opinion. Je leur cite d'abord une phrase de l'écrivain roumain Emil Cioran connu pour son pessimisme:

"Il n'y a rien, mettons presque rien, à attendre de la vie".

Ensuite je leur demande: "Selon votre vécu personnel, comment réagissez-vous à cette affirmation? Si vous n'êtes pas d'accord avec Cioran, si vous estimez que, malgré tous ses drames et ses inconvénients, votre vie vaut la peine, si vous préférez ne pas être resté dans le néant, alors vous avez votre réponse. Ne privez pas vos futurs enfants de ce que vous avez apprécié vous-même. Donnez-leur leur chance."

 

[Mama Sara]

Comme on en avait parlé un peu plus tôt, je me permets de vous signaler que le podcast Histoire de darons sur la PMA est sorti hier (ici).

Merci @Fab pour cet épisode qui permet de se rendre compte que finalement, les hommes éprouvent des sentiments qui sont proches des nôtres. J'ai transmis le lien à mon mari, j'espère qu'il aura le temps de l'écouter et qu'on pourra en discuter après. En tout cas il a été agréablement surpris de voir qu'on donnait enfin la parole aux mecs sur ce sujet là.

 

[Fab]

Comme on en avait parlé un peu plus tôt, je me permets de vous signaler que le podcast Histoire de darons sur la PMA est sorti hier (ici).

Merci @Fab pour cet épisode qui permet de se rendre compte que finalement, les hommes éprouvent des sentiments qui sont proches des nôtres. J'ai transmis le lien à mon mari, j'espère qu'il aura le temps de l'écouter et qu'on pourra en discuter après. En tout cas il a été agréablement surpris de voir qu'on donnait enfin la parole aux mecs sur ce sujet là.

Merci je suis ravi d'avoir eu Manu pour parler de ce sujet, c'était vraiment cool, très "ambivalent" dans l'aspect "tout bien caler comme il faut pour la grossesse", tout en laissant la place à ses émotions, c'était une belle discussion ! J'espère que ça vous donnera l'occaz d'en discuter après avec ton mari

 

[Mama Sara]

On reste dans la thématique des pères avec le magazine Cheek qui pose la question: le congé paternité est-il la clé de l'égalité dans le couple (de parents du coup)?

 

[Gabelote]

@Mama Sara tout pareil que @Kopses : si j'avais l'assurance que mon conjoint pourrait prendre un vrai congé paternité, je n'aurais pas autant d'appréhension face à l'idée de faire un enfant. J'ai des envies de carrière que je ne sais compatibles avec la parentalité que si mon conjoint est mis à contribution (et s'il prend la majeure partie de la parentalité en charge).
La notion de répartir le risque "famille" entre les conjoints pour les employeureuses me paraît être à double tranchant : les employeureuses verront l'incertitude sur ce risque augmenter (aujourd'hui le risque famille repose majoritairement les femmes, ce qui fait que les employeureusess peuvent plus ou moins le prévenir _ en embauchant moins de femmes à certains postes_ou le limiter_en ayant des équipes mixtes où le risque familles porté par les femmes ne fait pas obstacle au travail) car ielles ne pourront pas le limiter aux femmes : tous-tes les employé-es seront "à risque". Ce qui explique en partie pourquoi certain-es employeureuses ne sont pas favorables à ce type de mesure et font du lobbying pour les éviter.