Hey! Je me permets un petit (tout est relatif) message pour parler d'un bouquin que je suis en train de lire et qui n'est pas du tout focalisé sur les questions de racisme ou de xénophobie a priori, mais dont les enseignements sont à mon avis cruciaux pour comprendre en quoi le racisme est par essence-même (vi je fais de l'essentialisme) profondément ancré dans nos sociétés. Mais ce que je trouve très bien c'est que cette lecture donne aussi des clés très claires, à mon sens, sur la façon efficace de le combattre et franchement je vous conseille ce bouquin. Ça vaudrait aussi pour combattre toute autre forme de préjugé en fait, mais je pense que c'est vraiment très net pour ce qui concerne les "minorités visibles".
Ce bouquin c'est "Système 1 / système 2 : les deux vitesses de la pensée" (ou "thinking, fast and slow" en anglais, ce qui est beaucoup plus percutant).
En fait, c'est une collection de description d'expériences et de leurs résultats qui montrent toutes à quel point nous pensons "mal", c'est à dire que nous sommes en moyenne et dans la plupart des situations incapables de penser statistiquement et donc rationnellement. Nous pensons principalement par proximité, c'est à dire que l'information que l'on peut sortir le plus facilement de notre mémoire est celle que nous allons prendre comme représentative de la réalité. Nous mettons de la causalité où il n'y en a pas, de manière totalement incontrôlée. Notre système cognitif est par essence très flemmard et crée des contre-vérités sans cesse. Quelques exemples :
- Les papiers académiques dont le nom de l'auteur est difficile à prononcer dans une langue sont moins cités par les gens parlant cette langue,
- Une entreprise dont le nom est loin des sonorités de la langue verra sa valeur boursière augmenter moins qu'une entreprise dont le nom est proche lors des premières semaines de sa mise en bourse (après ça s'estompe)
- Nous avons tendance à croire toute information qui va dans le sens de ce que nous croyons déjà
- Nous sommes très impactés par le contexte dans lequel sont données les informations, et même par l'ordre dans lequel elles sont données (exemple : les gens votent davantage en faveur d'une mesure pour l'école si le vote a lieu dans une école que s'il a lieu dans une église)
En fait je crois qu'on sait déjà un peu tout ça mais le voir compilé et démontré c'est assez bluffant.
Pour moi ce que ça montre clairement, c'est que la "pédagogie" face au racisme, appuyée par des statistiques, des recherches etc., ne sert à rien. Les gens qui sont racistes, ça ne fera pas changer leurs schémas mentaux automatiques, qui sont sûrement largement créés par le fait que les personnes racisées leurs provoquent un inconfort cognitif (leur nom est "bizarre", leur physique "pas pareil") qui fatigue leur cerveau flemmard. Pour s'éviter l'effort, ils préfèrent penser qu'il s'agit d'une anomalie à corriger.
Quelque chose qui fait changer clairement les schémas cognitifs, par contre, c'est l'habitude. Si tu vois des choses souvent, la proximité se crée et tu vas finir par créer un système cognitif qui l'intègre. Ça explique très bien que les gens votent moins xénophobes dans les endroits où il y a le plus de diversité par exemple.
Je ne comprends pas qu'avec l'existence de tels travaux, robustes scientifiquement et apparemment très connus (rapport au prix Nobel et au fait que le livre soit un best seller), on laisse encore croire que la diversité des représentations n'est pas un problème absolument fondamental, alors que c'est clairement la meilleure façon de lutter contre les préjugés (créés eux-mêmes par de mauvaises représentations). En gros, nous ne croyons que ce que nous voyons, et surtout ce que nous voyons régulièrement.
J'ai sûrement simplifié pas mal de choses (n'ayant aucune formation en psychologie) mais honnêtement cette lecture m'a semblée fondamentale, et une bonne manière de renvoyer à leurs bouquins ceux qui demandent aux racisés de "faire de la pédagogie" : c'est peu efficace pour faire changer les gens d'avis, il est probablement beaucoup plus efficace de supprimer les propos racistes pour éviter leur normalisation.