destynova;4384393 a dit :
Oui c'est important que qu'on reconnaisse que les hommes aussi puissent être victimes de viol, mais ça l'est tout autant pour les femmes.
Ce que je pointais du doigt c'est le double standard qu'on peut voir ici.
Oui évidemment ! Pardon, mon post semblait tenter d'invalider le tien sous le seul prétexte qu'un petit progrès avait été fait ; alors que pas du tout, une légère avancée a été faite, mais il en reste tellement à faire !
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Bon, à l'origine je voulais poster ceci sur l'article concernant les Sworn Virgins d'Albanie (mais j'ai oublié de le faire, et j'ai la flemme de le rechercher), donc je le fais ici. Ça n'a pas forcément énormément de liens direct avec le sexisme en tant que tel, mais je pense que c'est intéressant, notamment pour voir l'étendue des possibilités concernant le sexe et le genre, dans le monde, et voir ainsi que, non, la manière dont nous voyons le sexe, le genre et le clivage homme/femme n'est pas immuable et universel, et que le genre n'est pas qu'une invention de féministes hystériques et poilues.
Les Sworn Virgins d'Albanie, ou
burnesha, sont des femmes qui, dans la société rurale du nord de l'Albanie, choisissaient de devenir des hommes, c'est-à-dire d'adopter tous leurs codes, de l’apparence au rôle social, pour échapper au système patriarcal bridant les femmes. En "contrepartie", ils ne peuvent ni se marier, ni avoir de relations sexuelles.
Mais devenus hommes, ils peuvent prétendre à hériter des biens familiaux, travailler dans d'autres domaines que le privé (= la cuisine, la couture, etc., bref, tout ce qui concerne les tâches ménagères et les enfants), participer au conseil municipal, être à la tête de sa famille, ainsi que fumer, boire et manger avec d'autres hommes, porter des armes etc.
Et ils sont traités par tous en tant qu'homme (même lorsqu'on sait pertinemment que cet homme est un
burnesha).
Certaines familles, qui n'ont pas de descendants mâles, désignent donc une de leurs filles pour être un homme ; d'autres fois, c'est un choix de ces burnesha (notamment par exemple pour échapper au mariage arrangé).
Cette pratique vient du Kanun, un ensemble de lois ("terrestres", par opposition à "céleste/spirituel" : le Kanun n'est pas religieux, et est observé tant par des musulmans (religion majoritaire en Albanie), que par des chrétiens catholiques ou orthodoxes. Ce Kanun organise la société de manière à ce qu'elle soit patrilinéaire (l'héritage vient du lignage paternel) et patrilocale (les époux doivent s'installer près de/avec les parents de l'époux - donc la femme doit rejoindre la famille de son époux). Et c'est aussi le Kanun qui permet cette pratique.
Quatre liens 'en anglais) qui les évoquent : sur le
Wahington Post, le
Sydney Morning Herald,
die Welt, et
ici.
Autre pratique semblable : les bacha posh d’Afghanistan.
En Afghanistan, c'est un choix de la famille, et non de la jeune fille concernée. Les familles qui n'ont pas d'héritiers mâles déguisent une de leur fille en garçon, pour éviter le déshonneur d'être sans garçon. C'est nécessaire pour certaines familles : les femmes ne peuvent rien faire au sein de la société afghane, alors qu'un garçon peut aider son père à son travail (les enfants travaillent beaucoup pour aider leur famille, on estime qu'ils sont plus d'un millions à travailler toute la journée, bien que l'école soit obligatoire jusqu'à 13 ans (et d'ailleurs, presque rien à voir, environ 80% des afghanes sont illettrées)), sortir, etc. Et les bacha posh sont exemptées - comme les garçons - des tâches ménagères, échappent au voile.
Mais cette pratique est interdite par l'islam, et mal vue par la société : les talibans ont rendu cette pratique taboue. Les Bacha posh sont donc tolérées jusqu'à leur puberté ; ensuite, elles sont censées redevenir femmes - de force, sous la pression de leur famille, de la société, parfois sous les insultes, les menaces, les coups. Mais certaines font le choix de rester homme. Pour beaucoup de bacha posh, redevenir femme, c'est renoncer à des privilèges, aux privilèges masculins - alors, ce choix qui leur fut d'abord imposé devient parfois le leur.
Dans la société afghane, les sexes sont très compartimentés, et la femme qui tente de s'échapper de sa condition est rejetée, insultée, considérée comme une honte - les femmes qui jouent au foot par exemple. Une famille dont une des filles est une bacha posh raconte dans le documentaire
Kaboul, tu seras un garçon ma fille qu'une douzaine d'hommes les ont attaqués une nuit, parce que leur fille était une Bacha Posh.
Deux documentaires, en français, que l'on peut regarder sur youtube - l'un fut diffusé sur LCP, l'autre sur Arte, constitués pour beaucoup de témoignages (le premier étant quand même bien plus intéressant que le second) :
Ces deux exemples ne sont pas tellement transposables à la transsexualité ou au travestissement tels que réfléchis en Occident - il ne s'agit pas dans les deux cas de se sentir homme, mais de se faire passer pour homme, d'embrasser leur statut pour plus de liberté. Mais ils n'en restent pas moins intéressant, notamment parce qu'ils détournent les règles du clivage homme/femme qui s'est installé dans ces cultures (et montre du coup, que le rôle social de l'homme peut être tenu par une femme : rien, biologiquement, ne l'empêche de prendre ce rôle-ci).
Bien plus proche de notre conception de la transsexualité, chez les Maadan (qui vivent dans les marécages du delta du Tibre et de l'Euphrate) (je vous recopie l'extrait
Des arabes des marais, (1959), de Thesiger, que j'ai moi-même choppé d'un vieil exemplaire de Géo) :
Et dans un autre domaine de réflexion :
En Ouganda, les femmes de la tribu Lugbara, uns fois ménopausées, deviennent les égales de l'homme dans la société, et peuvent donc exercer leur autorité sur les enfants de la tribu. [
source]
Et au Soudan, les femmes stériles de la tribu Nuer sont considérées comme des hommes, et peuvent même épouser une autre femme. Lorsque cette dernière tombe enceinte (donc d'un autre homme), son enfant est reconnu comme celui de la femme-époux. [Selon les travaux de Evans-Pritchard].
Donc d'une certaine manière, là-bas, seule la capacité à donner la vie, à être enceinte, fait de quelqu'un une femme. Donc la femme qui ne peut pas/plus donner la vie est "déchue" de cette condition de femme, et devient un homme social.
Comme quoi, si notre manière de comprendre le sexe est censée avant tout se baser sur le biologique, il y a une grande part de subjectif (comme pour toutes données d'ailleurs).
Donc, non, finalement, déterminer qui est homme et qui est femme a toujours été bien plus complexe que ce que certains en disent - à moins que des féministes enragées aient foutu le bordel chez les Nuer et les Lugbara