@Noémie la fourmi (C'est long désolé, en plus j'arrive après ta réponse. Je laisse quand même.)
Un gros problème des arguments à base de "on est les plus forts donc on a le droit de", c'est qu'on peut justifier n'importe quelle discrimination ainsi, de la plus légère à la plus abjecte. Par exemple, l'homme est plus fort que la femme, donc pourquoi n'aurait-il pas le droit de la soumettre et de la frapper ? Les malades et les handicapés sont moins forts que les autres, pourquoi ne pas les dépouiller et les exploiter ? Les noirs se sont développés moins vite que les européens, pourquoi serait-ce mauvais de les coloniser et de les asservir ? En fait, c'est le principe même d'une discrimination : partir de l'idée qu'un individu (si possible, soi-même) a plus de valeur qu'un autre et en déduire que le privilégié doit dominer l'autre. D'ailleurs, techniquement, rien ne nous empêche de faire ça. Si je décide d'aller tuer mon voisin avec un couteau, la nature ne m'en empêchera pas. La loi, elle, me condamnera, parce que ça fait bien longtemps que les humains ont compris, bien qu'ils l'oublient ponctuellement quand ça les arrange, que notre espèce ne se résume plus à des équations naturelles, à de simples schémas gène -> comportement. Et le principe de la loi et des règles issues de la culture, c'est que ce qui
peut être fait ne
doit pas forcément l'être. J'ai la possibilité naturelle et technique de tuer mon voisin, ça ne veut pas dire que je suis obligée de le faire. C'est pourquoi je ne le fais pas.
Ce qui dérange les gens vis-à-vis des dominations (sans qu'ils savent forcément l'exprimer clairement), c'est qu'un équilibrage des droits passe nécessairement par la diminution des privilèges des dominants. C'est bien ce qu'il y a derrière les arguments gustatifs. "Si je concède le droit aux animaux de ne pas être exploités et tués, je me prive du droit de les manger." Car oui, on s'ampute véritablement de quelque chose en faisant le choix du végétarisme. Tout comme on s'ôte des possibilités chaque fois qu'on est dominant et qu'on cherche à atteindre l'égalité. En tant que blanche par exemple, je profite involontairement de la discrimination raciale. Si demain la société offre d'égales chances à toutes les ethnies, automatiquement mon pourcentage de chances d'être recrutée quelque part diminue et celui d'être contrôlée par les policiers augmente.
Je pense que ce n'est pas de la naïveté de défendre les droits des dominés, mais au contraire du courage, car on accepte de s'enlever des choix pour en offrir à d'autres. En plus, les autres dont il est question ici, les animaux, ne nous remercieront jamais. Il faut une certaine force de caractère pour modifier son mode de vie sans même pouvoir espérer être félicité par ceux qu'on défend.
Quant à "sans l'élevage certaines espèces mourront", eh bien je dirais : tant mieux (ou tant pis selon les cas). La vie n'est pas un cadeau inconditionnel, nécessairement bénéfique en toute situation. Sinon alors les enfants qui naissent dans des familles horribles, qui à six ans savent déjà ce qu'est l'alcoolisme, la violence grave et le viol, devraient remercier leurs parents ? Est-ce qu'on pourrait dire "mais sans leurs parents, ils ne pourraient pas survivre et ils ne seraient même pas nés" ?
Si on retourne chez les animaux d'élevage, le veau qui est venu au monde, qui a été retiré à sa mère et qui a été tué quelques mois après, qu'est-ce qu'il a gagné à être né ? Où est le cadeau de la vie dans l'histoire ? Même chose pour le poussin qui a vécu quelques jours avant de passer au broyeur. Même chose pour le porcelet qui a été écrasé par ses congénères à cause du manque d'espace. Etc.
De plus, une fois encore, on peut justifier de bien vilaines choses avec ce raisonnement. Il y a des humains qui sont dépendants des autres humains, parce qu'ils sont trop jeunes, trop vieux ou qu'ils portent des maladies ou des handicaps. C'est vrai, sans humains pour aider les aveugles par exemple, ils ne survivraient pas. Cela peut-il justifier qu'on ne les traite pas bien ? Qu'on les tue ?
Je termine sur une chose : il ne faudrait pas inverser les rôles. Ce n'est absolument pas par altruisme qu'on élève des animaux. Ils existent parce qu'ils nous servent ou nous ont servi un jour, l'élevage est à destination des humains, pas des animaux. Et d'ailleurs, en dehors des cas où les gens essayent de se justifier face à un végé, ils se fichent de savoir si leur consommation contribue ou non à la biodiversité. Qui achète de la viande dans le but clair et exprimé d'entretenir la population des vaches ou des cochons ? C'est peut-être pratique comme argument mais ça ne reflète pas du tout les réelles motivations des consommateurs.