Soit on dit que le bashing ne peut jamais être cautionné dans aucun cas (et donc il ya pas de raison de dire "surtout le bashing d'une femme quand on est féministe").
Je pense effectivement que le bashing ne peut jamais être cautionné : j'ai amèrement regretté en avoir déclenché un contre Guillaume Pley (je reviendrais sans doute là-dessus prochainement), et j'ai très mal vécu que mes articles qui se voulaient pédagogiques au sujet des vidéos de Rémi Gaillard aient été repris et utilisés pour nourrir un bashing à son encontre.
Donc je comprends que parfois, on participe/alimente un bashing, puisque comme je viens de le dire, j'y ai moi-même contribué... Sans en avoir conscience d'abord (avec Pley), mais aussi contrairement à mes intentions : je n'étais pas maître de la façon dont mes articles étaient utilisés.
Pour prendre l'exemple du cas Enjoy, concrètement : faire un article pour expliquer les dangers de la cannelle, en profiter pour rappeler que de nombreux ingrédients utilisés en cosmétiques présentent des risques sanitaires, alors là oui, pas de souci. Mais angler cet article autour de l'idée "haha, nouveau fail de cette cruche", non.
Le comble étant Madame Figaro qui fait un article alors même qu'ils ont eux-mêmes publié cette recette l'année dernière... (leurs excuses sont cool, mais éditer leur article pour dégager les passages vraiment de mauvaise foi aurait été préférable à mon sens.)
Ce que je dis, c'est qu'on pouvait s'en tenir à la critique objective, constructive, à un traitement productif de ce fail pour tout le monde. Difficile de ne pas y voir le mépris qu'entretiennent tant de gens (et de médias) envers les Youtubeurs, et notamment les YoutubeuSES, beauté qui plus est, sujet déjà considéré comme superficiel par tant de gens...
C'est comme si j'avais fait mon article sur la vidéo Dog de Rémi Gaillard comme ça : ok donc ce clown de rue est décidément un gros beauf qui fait de la merde. Go le pourrir !
(pour reprendre une rhétorique de bully très en vogue sur JVC
) Quel est l'intérêt de ça ? Qu'est-ce que j'aurais apporté à mon lectorat ?
Donc une fois qu'on a dit « attention à la cannelle tout de même, ça peut être dangereux », pourquoi on continue à se moquer d'elle, à l'enfoncer ? Ça apporte quoi au débat ? Toutes les interrogations que tu soulèves (
@Gingermind ) sur la responsabilité d'Enjoy en tant que potentiel média ont été également posées par
Vincent Glad, dans cet excellent article. Il pose les mêmes questions, fait un traitement pertinent et informatif de ce badbuzz, sans attaquer inutilement la youtubeuse.
C'est vraiment possible d'exprimer un désaccord, de formuler des critiques, y compris d'être en opposition totale avec quelqu'un, sans forcément attaquer sa légitimité. Je vais prendre un exemple extrême : je vomis le Front National, mais je n'irais JAMAIS attaquer Marine Le Pen sur le fait qu'elle raconte n'importe quoi parce que c'est une grosse bonne femme, fifille à son papa. Je vais reprendre son discours, ses arguments, et répondre à ça. Je redoute sincèrement le jour où je serais peut-être contrainte de prendre la plume pour la défendre, si elle était un jour attaquée juste parce qu'elle est une femme...
Je ferme la parenthèse, je reviens au sujet :
si je suis contre le bashing en général, pourquoi la précision "surtout contre une (jeune) femme, surtout quand on est soi-même une militante féministe" ?
Parce que quand on est une militante féministe, on ne peut pas ignorer l'effet de meute : on se le prend régulièrement dans la gueule. On le vit sur Twitter, on le vit en société avec les "vous êtes pas d'accord les gars ?! lol !" ([HASHTAG]#SeuleContreTous[/HASHTAG]...)
Je m'interroge : comment peut-on être/avoir été victime de harcèlement/de bashing/ de l'effet de meute, avoir été témoin de ce phénomène, et ne pas réaliser quand on y participe, ne pas réfléchir aux conséquences de son ton, de ses paroles ?
On peut détester 50 shades, écrire mille articles pour détruire le bouquin et le film point par point, mais à quel moment ça nous donne le droit d'aller insulter l'auteure ? On peut trouver le travail d'Enjoy absolument creux et sans intérêt, mais à quel moment ça nous donne le droit d'écrire et de relayer des articles qui la traite, en substance, d'idiote inconséquente ?
Je pose ces questions avec d'autant plus d'assurance que j'ai moi-même énormément travaillé sur le ton de mes articles. Justement pour éviter qu'ils ne soient lus et utilisés pour « enfoncer des gens ». J'avais l'habitude de glisser des sarcasmes, du mépris, de la colère... avant de réaliser que ça ne servait absolument pas mon propos.
À quoi ça sert d'exprimer sa haine, envers quiconque ?
Je souligne juste que les (jeunes !) femmes sont encore plus susceptibles d'être la cible de haine et d'effets de meute, encore plus susceptibles que d'autres de voir leur légitimité professionnelle attaquée, remise en question, alors je m'interroge : en tant que militante féministe, est-ce que je participe à un effet de meute en écrivant ça ? Si oui, comment l'exprimer autrement, pour ne pas me retrouver dans « le même camp » que les trolls misogynes, par exemple ?
Je crois que ça me fait mal de voir EnjoyPhoenix attaquée pour un mauvais conseil quand la publicité, tous les jours, nous donne des conseils plus que douteux niveau santé. Du coup, ça m'interpelle. Pourquoi un tel acharnement ? Ah, c'est parce que c'est « une youtubeuse beauté » et pas une grande entreprise de cosmétique ?
Du coup, est-ce que j'ai envie de participer à un mouvement de foule qui semble l'avoir prise pour cible ? Non, vraiment pas. Pareil pour Mélanie Laurent, pour Marion Cotillard, pour Maitena, pour Enora, pour tout le monde, en fait.
C'est à moi, en tant que militante féministe, de réaliser que certaines critiques sont plus ou moins légitimes, plus ou moins pertinentes,
c'est à moi d'avoir conscience du cadre sociétal dans lequel ma parole est perçue. À mon avis très humble !