Je vois que certain.e.s personnes parlent énormément de
passer par le système judiciaire et qu'ielles ne
comprennent pas l'utilisation de Twitter. Je me permet donc de citer mon message sur le médiateur, qui parle de ma propre expérience avec la justice et qui peut peut-être permettre de remettre en perspective le côté "sacro-saint" de la justice.
Pour apporter une petite pierre sur le principe de faire appel aux procédures judiciaires, toutes aussi bien établies qu'elles soient théoriquement.
Je suis en ce moment dans une procédure judiciaire, sans ressources personnelles mais avec un conjoint qui "gagne trop" pour obtenir toute aide juridique (
l'indépendance dans le couple, c'est pas encore au point), et je peux dire que je me suis pris une sacrée claque de la part du système judiciaire niveau protection des victimes. Parlementer à n'en plus pouvoir pour avoir le droit de porter plainte et ensuite être culpabilisée pour ne pas accepter une médiation avec la personne qui me menace de mort (
après deux mois sans aucune aide psychologique proposée), ça m'a franchement étonnée et ébranlée. Je comprend d'autant plus la difficulté de passer par la justice quand on est reçu.e de cette façon là
.
Alors je ne peux qu'imaginer la montagne de raisons qui nous poussent à rester sans rien dire lorsque cela rentre dans une sphère professionnelle, qui peut nous griller des cartes d'emplois, donc de salaire, donc d'avenir. Je suis plus que d'accord sur les faits théoriques d'aller aux Prud'hommes, des aides juridictionnelles, des accompagnements (
et heureusement que tout ça est en place !) mais la pratique (
de ma simple expérience) fait l'effet d'une douche froide.
Pour développer un peu,
mon expérience tient compte de plusieurs ressorts.
Le coût des procédures, qui n'est absolument pas pris en charge pour ma part : je n'ai aucune ressources personnelles mais mon conjoint si (
malheur, il a un CDI 35h) (
c'est hors sujet mais si c'était contre lui que je devais aller en justice, je serais totalement bloquée). Je parle de médiation que j'ai refusé, mais il faut savoir que si je l'avais accepté,
les frais auraient été à ma charge : je paye pour rencontrer mon agresseur et trouver un accord, merci. Alors je ne peux qu'imaginer les coûts vertigineux -surtout sur la durée- d'une procédure amenée aux Prud'hommes avec un avocat (
compétent de préférence, pour augmenter ses chances).
L'acceptation d'une procédure et le rôle des preuves. C'est peut-être bête de parler de ça : c'est dans les droits, donc il suffit de suivre la marche à suivre. Et bien j'ai découvert que non ! J'ai dû parlementer durant des heures (
littéralement, c'est pas une façon de parler) pour avoir le droit d'être reçue et de porter plainte : pourtant, j'avais 6 messages répondeurs, chacun proférant des insultes, menaces de mort, description, etc.
Les preuves, si souvent demandées, étaient là et ne semblaient pas se suffirent à elles-mêmes. Le premier barrage est la personne à l'accueil du commissariat qui t'explique que t'es pas dans les heures (
ouais, sauf que h24 les plaintes), qui t'explique que c'est pas pressé, revenez (
non, c'est vrai, c'est rien ne presse, c'est juste des menaces de mort), le deuxième est le chef de patrouille qui te décrédibilise et minimise les faits (
sans même écouter les messages ?!), le troisième obstacle est la personne qui prend ta plainte (
non, vraiment, les mots prononcés comptent s'il vous plait) et c'est une suite d'embuches qui te donnent envie d'abandonner (
au pif, la médiatrice qui te fait remarquer que "quand même, il ne s'est rien passé finalement" ou la police qui veut te refuser une nouvelle plainte/main courante lorsque c'est la "compagne" qui t'intimide face à ton choix de continuer les poursuites, pas la personne qui t'a directement menacé, c'est complètement différent).
Ça, c'est une réalité vécue de la justice, de la procédure à suivre, lorsqu'on a des preuves solides et acceptées sans sourciller par le code pénal. Je vous laisse vous faire votre avis quand les preuves sont sujettes à "interprétation" (
càd ce n'est pas clairement dit "ceci est un harcèlement" "je vais te virer sinon" etc.), que les procédures sont bien plus longues, que la présence et les conseils d'un avocat sont indispensables, que ça concerne pas ta sphère privée mais ta sphère professionnelle, ...
Donc concernant
l'utilisation de Twitter et ce choix -certes un peu naïf- de
l'anonymat, je le comprend totalement. C'est un choix qui peut sembler judicieux quand on ne veut pas se griller professionnellement ou trouver du soutien, de l'aide et des conseils ou penser qu'au pire ces 140 caractères n'auront que peu d'impact vu que son "ressenti" est déjà piétiné depuis longtemps ou être le premier pas vers la déculpabilisation de n'avoir rien dit au moment opportun ou ... (
rayer la mention inutile). Mais cela permet quand même de
faire valoir sa voix, trouver un premier pas plus "facile" au système judiciaire parfois enraillé et surtout permettre aux personnes victimes de retrouver une confiance parfois mis à mal par leurs expériences, par les paroles de proches qui n'ont pas compris/apporter un soutien/une solution et qui se sont senties illégitimes à avoir un ressenti négatif alors que les autres semblent aller bien (
"c'est moi qui déconne" "c'est pas ma place" "je me suis fait des idées" "je suis trop sensible" etc.)
Nous avons
la chance d'avoir un système judiciaire qui nous offre la possibilité de se défendre, et c'est déjà un belle avancée de notre société, mais
croire que la justice est infaillible et facile serait bien naïf, malheureusement.