Finalement, votre débat sur la différence entre la littérature et la paralittérature (je ne connaissais même pas ce terme là
) répond au "débat" qui entoure la définition du mort "art". Est-ce qu'il se définit par rapport à des critères techniques (c'est bien fait, donc c'est de l'art), à des critères esthétiques (c'est beau, donc c'est de l'art), à des critères déjà définis (une oeuvre dans un musée - coucou Duchamp - ou s'il appartient à un domaine considéré comme étant artistique - peinture, sculpture, littérature, etc.), aux motivations et raisons qui se cachent derrière l'oeuvre (expression d'un artiste) ou par rapport à sa capacité à parler, à évoquer quelque chose pour quelqu'un (ça me touche ou touche quelqu'un, ça a un certain effet sur telle ou telle personne, donc ça en devient artistique) ? Est-ce que "
Demain dès l'aube" est considéré comme étant de l'art parce que c'est un poème, parce qu'il est beau, pour son rythme et la beauté des images, parce que son auteur évoque et exorcise ses propres souffrances, ou parce qu'on accède à cette souffrance et qu'on la partage ?
C'est selon la définition que l'on donne au mot "art" qu'on arrive à distinguer l'art du reste, ou justement qu'on choisit d'englober plusieurs oeuvres sous le terme d'"art". Si je reconnais que la musique est un art, je place sous l'étiquette "art" Bach, Nina Simone, les Sex Pistols, David Guetta ; si je pense une autre définition au mot "art", je peux en exclure certains (si pour moi art = technique (en gros, recherche du "bien fait"), alors les Sex Pistols n'en font pas partie ; si pour moi art = recherche de toucher d'une manière ou d'une autre le spectateur, le récepteur, alors tous sont de l'art).
On sait que dans l'absolu, il y a des oeuvres qu'on nous apprend à considérer comme étant artistique, et des Hommes comme des artistes (par exemple, la
Vénus de Milo,
Notre-Dame de Paris de Hugo,
L'origine du Monde de Courbet, le château de Versailles,
La Follia de Vivaldi, etc.). Pourtant, rien ne nous empêche, pour une raison ou une autre, d'avoir du mal à considérer ces oeuvres comme des oeuvres d'art, de ne pas comprendre pourquoi elles, elles en seraient alors que d'autres non (je connaissais une fille qui par exemple ne voyait pas
La Joconde de De Vinci comme une oeuvre d'art : selon elle, c'était "bien fait", mais ce n'était pas véritablement joli et elle ne ressentait rien devant, c'était juste un simple portrait).
Je pense aussi que ça revient au même pour la question de concernant ce qui mérite d'être appelé littérature ou non : ce n'est qu'une question d'attentes personnelles, de sa propre façon de voir ce domaine.
On vient d'une école française qui nous inculque que la littérature, ce sont certains grands noms des temps passés : ce sont Homère, Chrétien de Troyes, Rabelais, Racine, Molière, Hugo, Zola, etc.. Du coup, il est généralement établi que ces auteurs ont fait de la littérature.
Par contre, si je n'arrive pas à considérer telle ou telle des leurs oeuvres comme étant de la littérature, ou de l'art, rien ne m'en empêche. Ça ne me choquerait pas qu'on puisse dire - à titre personnel évidemment - que Gargantua de Rabelais n'est pas de la littérature, parce que tout simplement, on est passé à côté de l'oeuvre
(huhu, exemple pris tout à fait au hasard évidemment) (en vrai, j'avoue, j'ai pris autant de plaisir à le lire que j'en ai pris à lire Et si c'était vrai... de Lévy/Musso/je confonds les deux, désolée - donc pas des masses).
C'est finalement des distinctions ultra-personnelles, qui reposent sur des goûts, une culture personnelle, un environnement précis, etc.
(Mais même avec ça à l'esprit, c'est vrai que si on me disait que Et si c'était vrai vaut bien Notre-Dame de Paris, je m'étranglerais très certainement avec mon dentier ).
Rien que le terme "littérature", et l'envie de séparer toute la production livresque, romanesque en deux cases - ce qui est de la "littérature" et ce qui n'en est pas - est très certainement très représentatif d'une certaine classe sociale et d'une certaine idée de ce que doit être un livre, de ce que doit être l'écrit.