L'article est très intéressant.
Néanmoins, il y a deux-trois choses qui me chiffonnent :
1. L'idée que non, les réseaux sociaux ne sont pas un tribunal :
Je crois que les mouvements balancetonproc et MeToo n'ont jamais eu vocation à être des tribunaux. J'ai vu passer beaucoup de témoignages de femmes sur ces RS, et très peu de "noms jetés en pâture", comme on a pu le reprocher dans les médias. Donc je vois pas très bien en quoi c'est un "tribunal".
En outre, quand on voit comment fonctionne la justice dans ce domaine, c'est méconnaître les difficultés que les victimes de tels agissements ont pu connaître. J'ai connu dans mon entourage proche, pas mal d'expérience de femmes confrontées à un comportement de supérieurs, et systématiquement, quand elles ont suivi la voie de la justice (ou des RH), cela les a plutôt desservies, elles.
Sans compter les propos justifiant par exemple le harcèlement à l'hôpital parus dans plusieurs journaux "c'est notre meilleur chirurgien, on est obligés de fermer les yeux, sinon il va partir". Alors la justice, là-dedans... A fortiori quand ce type d'actes sont très difficiles à prouver en justice, puisque les harceleur-e-s s'arrangent souvent pour être seul-e-s au moment de ces actes avec la personne qui les subit.
2. Les questions des "attaques" sur Cantat et Ploanski (et consorts)
J'ai longtemps également pensé qu'il fallait "séparer l'homme de l'oeuvre"' et rester mesurée face à cela. D'ailleurs, dans une autre veine, j'ai lu des livres de Céline ou de Drieux la Rochelle. Sans adhérer à tout, loin de là.
Et puis, au final, ce qui me gène, dans cette idée, c'est la légitimation. Bien sûr qu'on peut trouver une oeuvre superbe. Mais il ne faut pas oublier le contexte dans lequel cette oeuvre a été produite, et c'est surtout qu'on absolve ces "grands hommes" sur le fait que leur oeuvre dépasse le cadre de leur vie. Sauf qu'à côté de cela, on voit toujours les mêmes têtes, on récompense et on prime toujours les mêmes (voir la cérémonie desGolden globes pour les catégories non genrées : seuls des hommes ont été nominés et primés !). Si on était dans un monde où le travail de tout-e-s les artistes était reconnu, cela me gènerait moins. Et non, il n'y a pas moins de femmes artistes, elles sont juste moins mises en valeur, voire oubliées, quand leur travail n'est pas juste l'objet d'une appropriation masculine (voir à ce sujet le fonctionnement des écoles de peinture néerlandaise, tous signés du "grand maître" alors que certains tableaux ont en réalité été exécutés par des disciples, dont des femmes), elles ont moins accès aux financements et leur travail fait l'objet d'un biais de genre quand il est jugé (soeurs Brontë, George Sand qui ont publié sous des pseudos masculins par exemple).
Du coup, je me dis, et c'est personnel, que mon argent vaut mieux que ces artistes et ce système et sa perpétuation.
3. parler de levrette avec son collègue n'est pas dérangeant
J'ai tout à fait compris qu'il ne s'agit pas d'une vérité universelle, néanmoins, comme souligné par d'autres Madz, parler de sexualité en milieu professionnel est une "stratégie" souvent utilisée pour harceler des femmes, surtout dans un univers masculin. Et surtout, c'est la loi : les propos à caractère sexuel sur le lieu du travail suffisent à caractériser le harcèlement (tout comme un calendrier de femmes nues au travail : c'est pas juste du mauvais goût, c'est légalement du harcèlement). On a parfaitement le droit d'être à l'aise avec sa sexualité, d'évoquer ce thème avec des collègues dans un cadre privé, au travail, ce sont des propos qui entrent dans le cadre du harcèlement.
Pour le reste, oui, cette tribune méconnaît (volontairement ? involontairement ? ) les objectifs réels de ces mouvements. Il ne s'agissait pas de "balancer", mais de réaffirmer que quand une personne dit non, c'est non. Et que quand on la place en situation de ne pas pouvoir dire non (parce qu'elle est précaire professionnellement par exemple), alors son "oui", son "peut-être" ou son "non" doivent être compris comme des "non".
La "maladresse" dans les relations humaines, ça arrive tous les jours. Quand je dis "bonsoir" le matin au conducteur-trice de bus parce que je suis pas réveillée, je me sens maladroite. Quand je croise quelqu'un dont je ne sais plus si je le-la tutoie ou vouvoie, je me sens maladroite. Quand un homme m'aborde pour me demander avec insistance de "faire connaissance" alors que je ne suis pas en position de faire retraite (genre, je suis à l'arrêt) et que je dis (gentiment parce que je suis gentille) que je ne suis pas intéressée, et que c'est non, c'est pas de la maladresse.
Je me souviens avoir été abordée dans un parc, alors que je marchais, par un homme. Qui m'avait tenu ces propos, en me demandant, d'abord, si ça ne me dérangeait pas qu'on discute ensemble. Ensuite, il m'a dit qu'il me trouvait très belle, et m'a proposé qu'on déjeune ensemble. Je n'étais pas intéressée, je le lui ai dit, il en était désolé mais n'a jamais insisté. Là, c'était une approche de séduction (qui a tourné court, ça arrive).
Dans ma vie sentimentale et sexuelle, j'ai eu des relations avec des hommes sans signer de formulaire de consentement au préalable. Mais des fois j'étais avec quelqu'un de pas très enthousiaste, et dans ces cas-là, je m'arrêtais, en demandant à mon partenaire "tu es sûr que tu en as envie ?". Des fois, c'est moi qui faisais une drôle de tête, par exemple parce que j'avais mal, et j'ai toujours su gré à mes compagnons successifs de savoir s'arrêter à ce moment là, pour me demander "tu es sûre que tu en as envie ?". Et des fois, j'avais plus vraiment envie, et on s'arrêtait, on se faisait un câlin et on le vivait très bien tous les deux. Je ne vois pas très bien en quoi ce genre de chose c'est du puritanisme, c'est juste du bon sens.