C'est intéressant la discussion sur la perception des gens de leur propre richesse (oui, j'ai un peu saumonné).
Je crois qu'il y a plusieurs points intéressants dans l'histoire :
1. On vit dans une société complètement infusée par le mythe de la méritocratie. Basée à la fois sur un individualisme profond qui a tendance à nier/minimiser fortement les dynamiques des groupes sociaux (classes, genre, race...) on a toutes entendu "si tu veux tu peux" "faut travailler dur" (spoiler : tout le monde travaille dur).
+ Une moralisation du travail (depuis Sarkozy je dirais
) qui devient une valeur ; il FAUT travailler dur, ça devient une qualité, un attribut moral et non plus une nécessité économique (en tout cas, pour les plus riches). "Le meilleur moyen de se payer un
costard, c'est de travailler" selon notre cher président.
Donc on efface les notions de classes sociales pour les remplacer par la pensée qu'on est seulement des individus qui sont plus ou moins motivés, qui se donnent plus ou moins et dont le travail et ses conséquences/bénéfices sont censés être le fruit d'une volonté, d'un trait de caractère. Et le développement personnel a pu renforcer cette idée ; tous ces propos sur l'exploitation de son potentiel, de la sacro-sainte productivité etc....
2. Les dominants ont pas l'habitude d'avoir de discours sur eux-mêmes. Ils en créent à propos d'autres classes sociales mais en sont relativement exempts eux-mêmes. Se dire riche implique de reconnaître un privilège surtout si on a hérité de nos parents cette fameuse richesse (pratiquement toujours le cas). Il s'agit de comprendre combien notre capital économique, culturel, social diffère selon notre classe sociale et forcément, les riches en question ont vite l'impression qu'on leur vole leur légitimité, tout le discours du travail qui paie quand il s'agit de dire qu'ils ont profité du système, qu'ils connaissent des avantages/une réalité bien différente de beaucoup.
Et ça se limite pas à un pouvoir économique, il y a des codes différents, une sécurité et un confort de vie assurés, un accès à la culture différent (les cours d'équitation de Gabriel, ceux de violon d'Anne-Marie...).
3. Faut arrêter de chaque fois dire "bon je sais qu'il y a pire que moi/je mange à ma faim/etc" je vois pas l'intérêt de diviser la classe moyenne en des milliers de strates même si c'est évidemment que les plus précaires ont des problématiques encore différentes (vivre au jour le jour, endettement régulier, aucun confort/sécurité/plaisir dans plein de domaines, accès au logement désastreux....). Mais niveller par le bas/se sentir obligé.e de se justifier dès qu'on parle de ses difficultés, de son appartenance dans la classe moyenne (qui est un peu floue et vaste certes) n'aide pas le "combat". Il faut diriger sa colère contre celleux qui tiennent le pouvoir et absolument pas museler des attentes légitimes ; avoir accès à des logements décents, à un certain confort de vie, avoir des conditions de travail corrects, à une éducation de qualité etc....