Il faudrait vraiment, vraiment arrêter de fantasmer sur les salaires soit-disant mirobolants des cheminot.e.s et leurs "privilèges". A noter que c'est un angle d'attaque qui a grandement été utilisé par le gouvernement, avec une efficacité certaine (et relayé par beaucoup de grands médias) pour justifier la casse du statut cheminot au printemps 2018.
Je ne reviendrait que brièvement sur le fait que, déjà, une personne gagnant 3 000€ par mois n'est pas un.e "privilégiée", parce que ça a déjà été pas mal souligné ici. En effet, ça serait la moindre des choses que chacun.e soit correctement rétribuée pour son travail et qu'on cesse de mettre sans arrêt en contradiction les "très pauvres" , les "un peu moins pauvres" "les moyennement pauvres mais pas trop". Tout cela participe à 1/ la division 2/ le maintien du statu quo ("il y a pire que toi, accepte ce salaire plus bas que terre, puisqu'il y a des gens qui, eux, ont encore moins que toi." "Je n'ai pas le droit de me plaindre, certes je viens de me faire virer mais il y a des gens qui survivent avec moins de 500€ par mois..."). Quand ce n'est pas les cheminot.e.s, c'est les profs, quand ce n'est pas les profs, c'est "les fonctionnaires" avec la vieille division salarié.e.s du privé vs salarié.e du public, etc etc etc. Pour moi, tout cela relève d'une rhétorique qui malheureusement a fait ses preuves et qui finit par dresser les unes contre les autres des personnes qui ont, in fine, les mêmes intérêts. Bref, ça, c'est sur le principe.
Deuxièmement, les fameux salaires des cheminot.e.s qu'on nous rabâchent à tout bout de champ... ça fait plusieurs fois que la manière dont ils sont présentés sont contestés par les cheminot.e.s eux mêmes. Évidemment, c'est orienté (comme tout, car il me semble qu'
absolument tout est orienté, rien n'est neutre ou a partisan), mais ça illustre selon moi la colère qui s'exprime dans un secteur qui se sent pointé du doigt injustement :
Ici, avec une pétition lancée en 2016 contre les affirmations du JT de TF1, ou plus récemment, des cheminot.e.s qui sont allées...jusqu'à partager leurs bulletin de paies sur les réseaux sociaux (compilation
ici, attention accrochez vous car le site assume une ligne d'extrême gauche) On voit notamment dans ces témoignage l'importance que revêt l'ancienneté dans ces fameux salaires, et donc en quoi la figure du cheminot-à-3000€-par-mois-qui-s'accroche-avec-ses-petites-griffes-à-ses-privilèges est figée et bancale.
Concernant les primes, les "avantages" etc. Déjà, ce qu'on ne précise vraiment pas assez, c'est que les cheminot.e.s ont parfois des journées plus longues que les 7h prévues par la loi. Il y a des horaires difficiles, de nuit, le week-end. Aussi les horaires décalés, le fait de ne pas forcément pouvoir rentrer chez soi... Il me semble bon de rappeler que la
pénibilité d'un travail compte lorsqu'il s'agit des primes et autres. Deux exemples d'articles sortis pendant la mobilisation de l'année dernière contre la fin du statut et qui prennent un peu plus en compte ce fait :
ici et
ici
Pour en revenir au fond de l'affaire... Je soutiens pour ma part totalement les cheminot.e.s qui ont exercé leur droit de retrait pour la sécurité des usager.e.s et pour leur propre sécurité. Oui, les premier.e.s impacté.e.s par un arrêt de la circulation des trains, des RER... c'est nous, les usager.e.s. Mais personnellement je préfère poireauter sur un quais ou trouver un autre moyen de transport qu'être mise en danger à cause des mauvaises conditions mises en place par la direction de la SNCF. Je poireauterai sans doute en trainant sur mon portable/en lisant un bouquin plutôt qu'en faisant du shopping, vu l'état de mon compte en banque, mais là n'est pas le fond du problème. Ou peut être que si ? Peut être qu'avant d'être une usagère, j'ai les mêmes intérêts objectifs que les cheminot.e.s, disons à tout hasard, puisqu'on parle d'actualité, vis-à-vis de la réforme des retraites,
qui risque fort de creuser les inégalités et d'appauvrir tout un tas de gens. Et pour laquelle on nous refait le coup des "privilèges" et de "la réforme au nom de l'équité".