Je veux revenir sur « c'est culturel », « c'est une marque de respect ». En quoi ça change le résultat ? J'aurais pu écrire « Marie Thérèse, cette « catholique normale » qui refuse de serrer la main des gays ».
Toute proportion gardée, ce n'est vraiment pas la même chose. Nous vivons dans une société qui crée une différence de traitement entre les hommes et les femmes pour établir une différence entre les genres et par là légitimer le sexisme. Mais cette différence de traitement ne se fait pas ostensiblement dans le mépris des femmes: au contraire, la galanterie, dans la tête des personnes non déconstruites, c'est toujours une marque de respect ou de politesse.
Ainsi, faire la bise aux femmes et serrer la main aux hommes, ou ne pas serrer la main des personnes de genre opposé, c'est la même chose, de la galanterie, et c'est souvent fait dans le respect, sans que les participant-es ne se rendent compte du sexisme du geste.
Il en est tout autrement pour tout traitement qui crée une différence entre les personnes hétérosexuelles et les personnes qui ne le sont pas (appelons-les altersexuelles): cette différence n'existant pas, n'ayant jamais été enseignée comme une marque de respect, son mécanisme devient visible aux yeux de tous: c'est un mécanisme d'exclusion, qui est volontairement choisi pour causer du tort aux personnes altersexuelles -
au contraire de la galanterie qui est un acte sexiste qui se fait dans les meilleures intentions du monde, celles qui consistent à vouloir marquer le respect.
Sans vouloir remuer un sujet sensible, mais seulement parce que ça me semble important de le pointer, c'était vous (l'équipe madmoizelle) qui parliez de team intention, et toi Bodoc qui voulait écrire cet article: vous aviez dit qu'il ne fallait jamais oublier de prendre en compte les intentions des personnes. On est là devant un cas qui illustre très bien votre position : la galanterie du monsieur, au contraire d'un acte volontairement homophobe, est présentée sans intention de sa part, et beaucoup de madz intervenant ici vous ont souligné que le fait de ne pas serrer la main d'une femme était une marque de respect dans la culture musulmane. Pourquoi donc attribuer ici au monsieur des intentions détestables alors qu'il ne pensait sûrement pas à mal? Ca ne change rien au sexisme de son acte, mais ça change tout sur la réponse à lui donner: on est en droit de présumer de sa bonne volonté.
Enfin, pour continuer, je trouve que vous interrogez très peu dans cet article les intention de l'émission télé qui l'a reçu: il s'est plaint d'avoir été coupé au montage, et tout cet article, comme l'extrait de l'émission, comme les questions qu'on lui a posé (sur Daesh, sur sa religion, sur son traitement envers les femmes) ne parlent aucunement de ses actions et des actions de l'association dont il fait partie, mais cherchent à illustrer de mauvais comportements et de mauvaises intentions de la part de ce monsieur. Pourquoi ne pas interroger ça? Pourquoi ne pas interroger les intentions qui ont amenés ces questions à lui être posées?
Vraiment, j'ai le sentiment qu'il y a un fort deux poids deux mesures à l'encontre de cet homme et qui se fait à son détriment, parce qu'il est musulman. Il est galant, et c'est sexiste, mais il est à l'image de tous les autres français - seule la façon qu'il a d'exprimer cette galanterie diffère. Il n'y a donc aucune raison de faire un article pour pointer sa religion du doigt, car il n'y a rien de spécifique à ça.
Et je reviens sur Danish Girl, vraiment : vous étiez plusieurs à expliquer que le film est « transmisogyne », et là, vous êtes plusieurs à me dire que refuser de serrer la main des femmes, ça n'est pas sexiste.
Qu'il suffisait que des personnes trans soient offensés pour que les personnes cis acceptent que ce film pose problème, point. Là, je suis une femme, je suis offensée. Mais c'est culturel, donc c'est à moi d'accepter la situation ?
Pour Danish Girl, si des personnes trans sont offensées, alors le film pose problème car il représente une personne trans.
Il en est de même ici: si des femmes se sentent offensées, alors la pratique de ne pas serrer la main pose problème et est à questionner.
Mais là s'arrête la comparaison, parce qu'il convient de questionner
pourquoi est-ce que ça pose problème. Et ici, rien n'est fait pour interroger le fait que c'est ce passage, ce petit bout d'interview, qui est brandi en étendard, rien n'est fait pour interroger la présentation qu'on a faite de cet homme au travers de l'émission télé. J'ai l'impression qu'on a donné au public de quoi s'offenser, et que le public a plongé dedans. Et cela sans remettre en question le fait que la galanterie, c'est sexiste: oui, mais pourquoi en faire tout un plat? Pourquoi prendre un ton aussi scandalisé dans l'article (cf mon post précédent page 15.) Il en était tout autre pour le film Danish Girl qui n'avait pas l'intention d'être transphobe, à ce que je sache, et où le but était de montrer pourquoi est-ce que c'était offensant malgré les meilleures intentions des personnes qui ont réalisé le tournage de ce film (à savoir qu'il s'inscrivait dans l'éternelle tradition qui consiste à faire des films sur les trans mais sans les trans).
Expliquez-moi comment on avance vers une société égalitaire si on accepte « c'est culturel » comme raison de traiter différemment les femmes et les hommes ? « Par respect », ça n'a jamais été une excuse (ou alors que vouloir régir la sexualité des jeunes filles, c'est aussi une forme « de respect » pour leur pureté ?).
Parce que la réponse à donner en dépend.
Et aussi parce que parfois, quelque chose qui se présente d'une façon simple (c'est sexiste /c'est pas sexiste) peut se révéler plus compliqué (comme le montrent les commentaires ici : il faut répondre à la galanterie dans toutes ses formes, pas juste celles que l'on connaît).
Mais raison de plus.
pourquoi est-ce qu'on parle de « culture » alors que ce monsieur est français ? C'est pas un Tibétain de passage à Paris qui va évidemment pas changer sa façon de s'habiller et de se comporter pour pas choquer les Parisiens... C'est un Français vivant en France. C'est quoi, sa culture ?
La culture française, et la France ainsi que ses habitants, ne sont pas un monobloc uniforme partageant les mêmes valeurs, les mêmes croyances, les mêmes origines et le même vécu.
La France possède sur son territoire et dans le corps de ses citoyens une immense richesse qui est la pluralité des religions, des traditions qui en viennent, une certaine pluralité des langues aussi, et une pluralité des cultures et des faits culturels. Cela peut venir de plein de sources différentes, que ce soit régional (comme la langue bretonne ou les créoles des DOM TOM) ou autre.
La France est aussi un corps de valeurs et de faits culturels unis et partagés par tou-tes (comme le français) qui fait que nous sommes tou-tes français-es je suppose.
Il n'y a pas besoin d'être tou-tes pareil-les pour être tou-tes égales/égaux ou pour vivre ensemble. La devise de la France ne continent pas le mot "uniformité".
Désolée d'insister, mais tu as pris une part active aux débats sous la critique de Danish Girl, donc je me permets de te poser la question : où est la place des trans dans l'acceptation d'un fait culturel qui traite différemment les femmes et les hommes ? (j'entends les trans qui ne sont pas passing H ou F, ou les genderfluids, agender, intersexes, etc) ?
Enfin, je réponds à ça: je trouve que c'est beaucoup demander à ce monsieur dans le cadre d'une interview qui n'avait pour but affiché que de parler de son asssociation et des activités de cette association.
Il n'y a pas à demander à tous les musulmans d'être des savants en leur religion. Ils ont déjà bien du mal à tous être des féministes accomplis qui ne commettent jamais d'erreurs ou d'offenses comme leurs pairs français non musulmans.
Quant à la place des trans non-binaires, il y a beaucoup à faire pour leur acceptation au sein de toute la société. Le cissexisme est quelque chose d'omniprésent et n'est pas uniquement circonscrit à ce monsieur, ni à sa religion ni à sa culture; en conséquence il n'y a pas à lui faire un article dédié.