D'accord avec toi
@Madhiko
Ca me fait le même effet avec certains accords, on sait qu'ils sont en train de fusionner pour se fixer sur la forme au masculin aujourd'hui.
D'un côté les français accordent de moins en moins (et n'ont jamais réellement bien accordé) et ce pour des raisons purement linguistiques : ce n'est pas très important, c'est rajouter beaucoup de lettres pour préciser un détail facultatif, le ratio effort-intérêt est négatif.
Pour prendre un exemple très parlant, pour passer le bac, ça m'arrangerait de ne pas avoir à me soucier de ça, ça me ferait gagner du temps, ça préserverait un peu ma main, ça m'éviterait d'avoir à réfléchir sur les accords et de faire des erreurs. D'ailleurs un certain nombre de filles n'accordent pas ou pas systématiquement quand elles parlent d'elles mêmes, je pense que c'est moins une question de renoncement, d'écrasement face au masculin, que le fait que c'est juste plus rapide et plus simple, donc plus efficace pour écrire le français.
D'un autre les accords notés é-e-s sont plutôt généralisés dans les papiers "officiels", dans certains médias, dans les milieux militants etc.
Ca doit dépendre des cercles qu'on fréquente, mais dans les miens c'est très répendu.
Ca ne me choque pas de le lire, tant qu'on ne m'oblige pas à l'écrire. Je ne trouve ça ni illisible ni moche.
En revanche je m'interroge sur le fait qu'un choix unilatéral qui a priori va à l'encontre d'une évolution naturelle du langage (qui tend à se simplifier) doive primer.
Si le féminin s'efface par rapport au masculin, c'est avant tout parce qu'il est plus compliqué. Et c'est parce que le masculin est plus commode d'utilisation qu'il prévaut pour beaucoup de gens, et qu'il est utilisé en tant que neutre, et que probablement si les genres disparaissaient du français ce serait au profit du masculin en tant que neutre.
Ce n'est pas un réquisitoire contre le langage inclusif en ce qui me concerne, je répète que je n'ai rien de résolument contre. Mais là il s'agit d'une question de morphologie et de grammaire. On a le droit de se poser des questions sémentiques et c'est légitime, ça fait totalement partie du débat. Mais ce n'est pas une raison pour nier ce fait. Je nuance les propos de
@Nienke : le langage est avant tout un outil de communication, en ce sens il tend à se simplifier, à s'adapter aux usages les plus pratiques pour la personne qui parle cette langue. Le langage est également un outil politique, on peut le modifier dans ce sens et ça a déjà été fait par le passé. Ces deux visions de la question ont leur place et sont valables, même lorsqu'elles s'opposent. Tout simplement parce qu'elles ne répondent pas au même problème.
Sur la question du langage politique : reste à savoir qu'elle vision politique du langage on privilégie. Parmi les défenseurs de l'écriture inclusive on trouve des pratiques TRES différentes, des pronoms et des néologismes variés, il y a surement des listes exhaustives quelques part mais... sincèrement je ne comprend pas qu'on puisse en vouloir imposer une maniere d'écrire avec des regles aussi peu claires et aussi peu normées.
On peut aussi s'interroger sur les motivations, et c'est ce qui a été fait, de manière polie il me semble. L'argument de l'invisibilisation des femmes ne me parle pas. C'est absolument pas sûr qu'une majorité de femmes se sentent invisibilisées aujourd'hui dans leur pratique de leur langue. Beaucoup sont capables de faire la distinction entre genre grammatical et genre social.
Par ailleurs et je l'ai déjà dit, c'est pas non plus un consensus de dire que le genre est essentiel dans la langue. De nombreuses langues s'en passent et personnellement, je trouve ça intrusif, qu'on se soucie de mon genre quand on s'adresse à moi. Autant que si on allait "regarder dans ma culotte" ou qu'un pronom faisait référence à ma couleur de peau.
Je crois que c'est la même chose qui me dérange quand certaines féministes parle de sororité, se représentent le monde comme deux blocs séparés entre les hommes oppresseurs et les femmes oppressés. La réalité est plus complexe. Et surtout, on peut être féministe en considérant qu'il y a des inégalités, que ce n'est pas souhaitable, qu'on croit très fort à l'humanité naissant libre et égaux en droits, et qu'on voudrait l'appliquer réellement là où l'on vit, motivé par la justice sociale avant tout et pas dans un positionnement type "je défend les intérêts de mon groupe". Tout en ne se sentant pas de destin commun avec les femmes en général, tout en n'ayant pas un fort ressenti par rapport au genre, tout en étant à peine conscient d'être soi meme un femme.
On se construit tous différemment. Il y a un paquet de fille qui ne se sont pas construits en opposition avec les garçons, mais justement avec l'intime conviction qu'elles valaient n'importe qui, et ne ressentent donc pas le besoin de se visibiliser parce qu'elles le ressentent, comme moi, comme une mise à l'écart.
Cette vision n'empêche absolument pas d'être conscient des enjeux de pouvoir et de domination.
Par contre ça peut expliquer que certaines personnes, comme moi encore, n'ont juste pas envie, quand on est seule au milieu de 99 garçons, qu'on note notre présence comme si elle était différente. Ca me met mal à l'aise, et je crois bien que ce malaise est tout autant à prendre en compte que le malaise des trans qui ont besoin qu'on valide leur genre (et perso c'est comme ça que moi je le ressens, quand on me demande quel est mon pronom ça me gene, j'ai l'impression qu'on me dit "dis moi un truc intime, comme ça chaque fois que je m'adresserais à toi je pourrais te rappeler que je suis au courant, je sais que t'es un fille, regarde, je sais que t'es un fille, je fais bien l'accord, j'utilise le bon pronom". Ce qui me mettrait à l'aise en revanche c'est que ce détail ne soit important pour personne, et surtout qu'on ne le rende pas important à ma place). En fait je trouve justement ça tout aussi genant et intrusif que si quelqu'un me demandait ce que j'avais dans le slip pour pouvoir utiliser le pronom qui convient
Or je n'accuse pas les gens qui ont ces pratiques de transphobie ou de sexisme, alors que je le ressens comme ça. Parce que je sais quelle intention il y a derriere et que cet avis vaut autant que le mien.
Je dis ça parce que je me suis senti visée lorsque
@Mozart Hella accusait certaines personnes de transphobie.
Lorsque je disais que pour beaucoup de gens le masculin et le féminin se référait bien au sexe, ce n'est pas parce que je le crois ou que c'est bien, c'est parce que c'est un fait : dans les maternités on dit "c'est un garçon !" quand il y a un pénis.
Quelle est l'explication la plus probable : soit ces gens sont transphobes (franchement ?), soit ils appliquent juste une regle de grammaire qui fait une distinction flou et arbitraire, et que tout le monde s'approprie comme il peut.
On peut le remettre en question, c'est une pratique que je trouve étrange et elle ne me plait pas, mais d'un point de vue linguistique ça a autant de sens que de se référer au genre, n'en déplaise.
Ca m'angoisse un peu parce que j'ai l'impression de rajouter de l'huile sur le feu alors que mon message est tout autre. J'aimerai que les arguments soient plus posées et qu'on puisse admettre que différentes approches sont valables et qu'il n'y a pas de vrai et de faux, de bien ou de mal dans ce domaine. Différentes approches interprétations du problème (historique, linguistique, politique etc.) ne font qu'éclairer plusieurs pistes de réflexions, ils ne devraient pas être utilisés comme des arguments d'autorité d'un côté comme de l'autre.
Je rajouterai aussi que les avis ne sont jamais si tranchés qu'il y parait. Ma vision du point de vue de la grammaire et de mon ressenti personnel font que je m'intéresse peu au genre à l'écrit comme à l'oral. En revanche quand je suis avec des amis trans je ne leur impose pas cette vision, et je genre les gens comme ils le souhaitent, parce que j'estime que c'est pour le coup le ratio effort-gain me semble positif, que ça ne change pas ma pratique du français outre mesure (mais, désolée, je n'arrive pas à m'habituer aux iels, ul, ol et autres. Ce n'est pas pour des raisons idéologiques, je suis plutot favorable au neutre par ailleurs. Mais le il neutre me parait plus naturel et plus simple, c'est comme ça
), et que mon malaise personnel est moins important que le malaise des personnes à qui je m'adresse.
Pourtant mes idées et mon ressenti vont à l'encontre de ça, aucun argument me parle, mais je le fais parce qu'il y a des vecteurs de normes et qu'il faut s'y plier pour être accepté dans un groupe, de la meme maniere qu'on ne parle pas à l'école comme à la maison, ou au travail et ce même quand on est pas d'accord avec ces normes.
On pourrait aussi longtemps de poser la question de, est-ce que le but de la langue est de ne blesser personne ? Est-ce que les personnes qui se sentent blessées ont pour autant la légitimité d'imposer leur pratique du français ?
En bref ça me paraitrait bénéfique les personnes qui défendent becs et ongles l'écriture inclusive s'interrogent justement sur ce fameux ratio effort-bénéfices.
Ma conclusion c'est que l'imposer serait vraiment énormément d'efforts pour un bénéfice assez marginal.
Cependant j'admet que la suite me donnerait peut être tort puisque cette écriture (qui je le rappelle ne me dérange aucunement lorsque je dois la lire, même si je n'y met aucun enjeu) s'est généralisée assez facilement en très peu de temps, et certaines formes sont plutot bien parties pour rester.
A mon avis, les formes qui vont rester (regle de proximité par exemple) le feront pour des questions d'aisance d'utilisation dans la langue, et pas forcément parce que ce sera la solution la plus pertinente aux yeux des militants.