Moi aussi, j'aimerais bien qu'on puisse faire ses choix sans autre perspective que son propre bien-être et bonheur, mais malheureusement c'est pas le cas
J'ai énormément de mal avec cette façon de penser. Je sais pertinemment que je suis issue d'une classe privilégiée (relativement, mais je n'ai jamais manqué de rien) et que forcément ça joue sur ma possibilité à faire des choix. Je le sais bien hein. Mais je refuse de croire que nos choix doivent se faire selon d'autres critères que notre propre bien-être et bonheur.
Je sais que cela se fait énormément de nos jours hein (et par le passé également, bien sûr), mais "je suis contre".
Je suis intimement persuadée qu'il est au contraire essentiel que les gens en général axent davantage leurs choix et décisions en fonction de leur propre bonheur plutôt que "par défaut", "parce qu'il faut bien..." etc. MAIS ça demande un énorme travail sur soi, déjà en commençant par se défaire du formatage de la société qui nous faire croire à UNE certaine idée du bonheur qui est loin de convenir à tout le monde (mais qui peut convenir à certains, je ne dis pas le contraire).
(parce que ne nous leurrons pas, mêmes s'ils sont heureux, ce que je ne conteste pas, l'insertion sera plus difficile)
Typiquement, tu soulignes le fait que le bonheur personnel d'un individu risque fort de ne pas pouvoir s'harmoniser avec sa place au sein de la société.
Avec tout mon idéalisme, pour moi c'est juste une hérésie (ou un mot dans le genre
) que de pouvoir accepter un tel mode de pensée !!!
Je rêve d'une société "idéale" tout en sachant qu'elle n'existera jamais puisque le propre de l'idéal est de ne jamais être atteint, mais j'estime qu'il est de mon devoir de faire en sorte de participer à la création d'une société qui s'en rapproche. Contrairement à ce que tu dis dans ton post, je pense que la société peut changer
grâce aux personnes qui la composent, et pas l'inverse. Ce que tu dis sur le cadre, idem, je pense exactement l'inverse : c'est précisément en se retirant du cadre qu'on peut réussir à faire émerger des alternatives, des idées, des solutions ! (
) Pour moi (et comme l'a dit Ghandi ou Einstein il me semble
) : ce n'est pas le système qui a créé les problèmes qui pourra en trouver les solutions (je paraphrase
). C'est en sortant du cadre, en voyant la société et le système de l'extérieur, avec un oeil neuf et pas déjà "corrompu" (au sens large) par le formatage de la société, que l'on pourra trouver des façons de penser et de faire complètement différente et (peut-être ?) meilleures. (D'autant plus que le problème de l'éducation nationale n'est pas propre à cette institution, c'est tout un mode de pensée qui est à revoir, du règne de la compétition à la perte de solidarité entre les gens, de la recherche perpétuelle de profit financier en dépit du développement personnel et de l'épanouissement des gens).
Comme tu l'as dit, c'est simplement "pas pire", et moi, perso, tant que c'est pas "mieux", je vois pas de raison de l'encourager plus que l'école s'il n'y a pas de bénéfice significativement plus élevé
En soi ma position c'est seulement de ne pas décourager l'IEF (ce qui est le cas aujourd'hui), et éventuellement dans le meilleur des cas de faciliter sa mise en oeuvre pour tout le monde (c'est-à-dire d'en faciliter l'accès, pas de l'imposer, bien évidemment !). Aujourd'hui l'école c'est la norme, y'a pas besoin de l'encourager ou d'en faire la promotion, c'est déjà ce que tout le monde fait.
Il n'y a qu'à voir la méconnaissance des gens sur cette "école obligatoire", alors que non, c'est bien l'instruction qui l'est, pas l'école. C'est aussi en développant l'information comme quoi des parents peuvent instruire eux-mêmes leurs enfants que cette IEF sera, à terme, accessible à d'autres classes que les CSP+.
Simplement pour tou.te.s les gen.te.s pour qui ce n'est pas un choix délibéré mais une contrainte subie par déterminisme social (parce que oui, ça existe), c'est tout à fait différent. Et tout le monde n'a sans doute pas ta volonté, ton investissement... Plein de personnes n'ont peut-être pas envie tout simplement d'enseigner.
Oui, on est bien d'accord.
Mais concernant le déterminisme social, je pense quand même que l'on peut s'en extraire, mais forcément c'est une démarche active ! C'est aussi une famille qui va ou non t'encourager dans tes démarches, se poser en soutien ou non, etc., mais c'est aussi à l'individu lui-même à un moment donné de se dire "ok, je suis maitre de ma vie, je fais les choix qui me correspondent sans m'imposer des barrières...".
Enfin, c'est compliqué, mes connaissances en socio se limitent aux contributions des madz sur ce forum mais je crois qu'il faut aussi savoir mettre de côté la théorie et voir les vrais gens en face qui vivent et qui ne sont pas des statistiques ou des "clichés" sociologiques. Ok il y a du déterminisme social, mais donc on fait quoi ? Tu es fils d'ouvrier, donc tu ne pourras jamais faire tes propres choix car toute ta vie est déjà déterminée à l'avance ?
Moi je préfère dire au fils d'ouvrier "Ouais tu pars déjà avec plusieurs handicaps [enfin sauf si t'es un mec cis blanc hétéro
], mais tu veux faire quoi dans ta vie ? C'est quoi ton rêve ? De quelle manière tu peux y accéder ou t'en rapprocher ? Tu rêves d'avoir une Jaguar ? Commence par être mécano dans un petit garage et prends le temps de te faire un réseau, qui sait, on sait jamais, peut-être que dans 5 ou 10 ans tu bosseras chez un concessionnaire Jag et peut-être qu'un jour tu pourras aussi t'en payer une." Je trouve ça beaucoup plus encourageant que de tout de suite se mettre une barrière "Mais mec regarde la réalité en face, les Jaguar c'est pour les mecs à particule, pas les fils d'ouvriers".
Evidemment, si l'individu n'a aucune envie de sortir de son quotidien, bah, j'ai envie de dire, je parle pas de lui en fait.
Plein de personnes n'ont pas envie d'enseigner, ben, ouais, ok, ça tombe bien ils peuvent mettre leur enfant à l'école ! ...
En fait j'ai rencontré plein de gens issus de classes plutôt pauvres mais qui avaient décidé de tout lâcher pour faire autre chose, c'est ce qui me fait dire que ok, le déterminisme social est une réalité, mais
ce n'est pas une fatalité. Et je suis plus intéressée par encourager les gens à réaliser leurs rêves qu'asséner des vérités universitaires sur ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire. (Je ne dis absolument pas ça contre toi, c'est plus général et je pense que ça a aussi sa place dans les réflexions sur le classisme, menées certainement essentiellement par des gens issus d'une CSP+ qui regardent les classes plus pauvres comme on observerait ..des êtres vivants dans leur milieu naturel, ahem.)
Mais, faire des choix c'est renoncer. Renoncer parfois à un confort de vie si on reste dans les cases, renoncer parfois au soutien de sa famille, renoncer parfois au confort financier, renoncer parfois même à une vie sociale décente... L'essentiel pour moi étant de garder du sens dans ce qu'on fait. Malgré les difficultés et galères plus que quotidiennes que je vis, mes convictions m'aident à prendre ça avec le sourire (presque toujours
), alors qu'il m'aurait été tellement plus simple de suivre la voie qui m'était tracée (enfin, pas forcément d'ailleurs vu le marché de l'emploi mais bref).
Désolée je digresse totalement !!
A mon avis, il faut admettre quand même que le principe d'une société, c'est de s'entraider, et que certaines tâches incombent à certaines personnes : aux médecins de soigner, aux professeurs d'enseigner, aux couturières de coudre, aux boulangers de faire le pain... On peut tous se rendre service grâce à nos compétences, et au-delà du fait que l'IEF soit bénéfique pour un certain nombre d'enfants à qui le système n'est pas adapté (et ça, je l'admets bien volontiers), je trouve que ça encourage une forme d'individualité dont je me méfie un peu. Tout vouloir faire seul, par ses propres moyens, sans jamais accepter des choses établies, ou que certains savoirs théoriques sont mieux transmis par certaines personnes que par d'autres, ça n'encourage pas la collectivité et ça me gêne.
Là par contre je suis pas tout à fait d'accord.
D'abord, telle que je conçois l'IEF (et on a vu qu'il n'y a pas de modèle unique), au contraire les intervenants extérieurs sont les bienvenus et c'est aux parents de multiplier les occasions de rencontres, que ce soit avec des commerçants comme on a déjà vu, mais aussi avec des professionnels par exemple à travers les expositions, ateliers etc. qui peuvent se faire au niveau des communes (et je dis ça en habitant dans un désert culturel, et pourtant on trouve des trucs intéressants à faire ou à voir !). Ensuite, je trouve au contraire que l'hyper dépendance de notre société est un frein au bonheur (rien que ça
). On ne sait plus rien faire seul, on est globalement incapables de faire pousser nos propres légumes, incapables de gérer notre propre argent, incapables de repriser nos propres vêtements, et tout ceci s'inscrit dans une logique hyper consumériste à laquelle je suis foncièrement allergique. Si chaque personne savait se prendre en main seule, chacun n'aurait plus nécessairement besoin d'acheter à tout-va, donc moins besoin d'argent, donc moins besoin de travailler pour d'autres, donc plus de temps pour penser et réfléchir, créer et s'épanouir.
Ensuite, on vit au contraire dans le règne de l'hyper individualité aujourd'hui, donc finalement notre société telle qu'elle est aujourd'hui n'est pas tant que ça favorable à la collectivité, si ? Quand on voit l'absence totale d'empathie de nos concitoyens vis à vis des migrants ou plus généralement des "très pauvres", alors que l'on vit dans l'un des pays les plus riches du monde avec l'un des niveaux de vie les plus élevés, il y a quand même de quoi se poser des questions !..
Retour sur l'IEF : justement encore, je pense dans ma vision des choses que chacun a son propre domaine de compétences, que chacun peut partager son savoir, et que donc un enfant peut apprendre de tous, mais sans discriminer ceux qui ont le diplôme-qui-prouve-leur-valeur contre ceux qui ont seulement leurs connaissances de "l'école de la vie". Là où je vis, je rencontre énormément de gens aux "parcours atypiques" qui me prouvent concrètement que rien n'est acquis et rien n'est figé. On peut être pâtissier deux ans, puis formateur en entreprise, puis ouvrir un café, puis se lancer dans le commerce de pièces détachées, se décider à ouvrir un journal et finalement se retrouver à la direction d'une institution telle qu'une Alliance française. Sans diplôme, et pourtant avec énormément de choses à partager et à apprendre à ceux qui veulent bien...
Bref je suis partie super loin aussi
Pour conclure, telles que je vois les choses, pour moi mener à bien mon IEF (je préfère parler très perso puisque je ne veux en aucun cas faire de généralités), je crois qu'il faut aussi accepter de ne pas contrôler. Si j'ai dans l'idée que ma fille puisse par exemple apprendre un peu plus sur telle période de l'histoire donc je ne suis pas spécialiste, je me dis que je vais attendre et ouvrir grand mes yeux et mes oreilles jusqu'à tomber sur quelqu'un ou quelque chose (ça peut être une expo, une rencontre..) qui pourra lui apporter ce savoir. Sans garantie de trouver.
Très bon exercice de lâcher prise.