Vous n'êtes pas des parents en cartons. vous avez fait de votre mieux, avec des filles pas forcément faciles non-plus. Simplement, il faudrait que vous vous rendiez compte que chacun de vos mots, de vos actes, a des répercutions sur nous.
Vous ne vous en rendez pas compte, mais rentrer le week-end après une semaine dans un 9m² pour vous entendre vous gueuler dessus pour des broutilles, même si c'est pas sérieux, c'est pire que difficile à supporter. Quitter la maison, même si c'était trop tôt à votre goût, c'est la meilleur chose que j'ai faite, parce que ça m'empêcheras de finir comme vous, des chiens blessés qui s'aboient dessus à longueur de temps comme pour oublier votre propre misère, votre propre solitude et puiser des forces dans les faiblesses des autres. Et là, je ne parle pas seulement de vous, mais de L aussi. L, rends-moi ma petite sœur. Ce truc que j'ai aperçu ce week-end, c'était elle, mais sous une couche d'immondices, de crasse intérieure. Barricadée de sentiments noirs et de ce genre que tu essaye de te donner avec nous. Tu mens, je le sais. J'étais exactement pareille à ton âge, rappelle-toi. Il est temps de prendre un douche, dis.
Maman, c'est pas parce que je ne t'aime pas, au contraire. Mais arrête de me dire ce que je dois faire. Ça fait longtemps que je ne t'écoute plus. Et maintenant que je peux prendre totalement ma vie en main, ne viens pas tenter de grappiller quelques parcelles d'autorité. Ça fait longtemps qu'il n'y en a plus. Non, je ne boufferais pas bio. Oui, je mangerais des plats instantanés à réchauffer au micro-ondes. Et des corn-flakes bourrés de sucres, et toutes ces choses de marques de distributeurs qui te rebutent. Oui j'ai maigris, mais crois-moi j'ai encore de la marge. Et même si je ne suis pas au top de ma forme, je ne me suis jamais sentie aussi vivante, autant à ma place que dans ce monde-ci. Et tu le sais, tu me l'a dit. Alors ne me gâche pas ce plaisir par tes petites réflexions sur mon jean qui bâille ou ce que je devrais faire chez moi pour vivre mieux. Je sais bien que c'est pour m'aider, mais je VEUX y arriver toute seule. Je veux pouvoir me retourner et regarder ce que je suis devenue en me disant "ça, c'est grâce à moi". Laisse-moi m'envoler. Laisse-moi rêver que je ne te dois rien.
Papa, bon sang, si j'avais su après des mois de "vivement que tu te casses" qu'il suffirait que je le fasse pour enfin entendre les marques d'affection qui m'ont tant manqués, c'est à 14 ans que j'aurais pris ma piaule. Il y a toujours l'alcool et le joint, mais finalement c'était peut-être pas ça le problème. C'était peut-être qu'on était trop semblables, qu'on avait des égos trop encombrants et identiques pour avoir la place de vivre sous le même toit. On est pareil, et si différents. Chaque ressemblance, chaque différence entre nous n'est que désillusion, parce qu'on se ressemble trop pour le supporter, et que nos différences nous étonnent, nous rebutent parfois. Toi et moi, on est fait pour se retrouver. Pas pour cohabiter.
Si on fini par se voir de moins en moins, je sais que vous prendrez ça pour de l'abandon. Mais c'est juste que je veux garder au fond de moi la bulle d'espoir et de confiance en l'avenir que vous percez de vos mots et maux sans même vous en rendre compte. Je n'ai jamais été plus heureuse qu'aujourd'hui, que maintenant que je peux prendre ma vie en main, moi-même, que plus personne ne m’interrompt quand j'écris, quand je chante, quand je joue, que je compose ou autre. Maintenant j'ai une chance de devenir intérieurement l'artiste que j'ai toujours espéré. Parce que plus personne ne bouffe ma créativité. Je sais que ce n'est pas ce que vous voulez, que si vous lisiez ce message, vous hurleriez au scandale, à la fille indigne, au manque de reconnaissance et "sortez les bannières", "qu'on lui coupe la tête" etc. Mais c'est comme ça que je l'ai toujours vécu. Vous me bouffiez de l'intérieur. Je suis trop libre pour supporter une quelconque autorité, un ordre ou même un conseil trop insistant, même à 17 ans. Ça a toujours été, c'est ce que je suis. C'est pour ça que ça a clashé longtemps, et qu'aujourd'hui que je goûte à la liberté, je suis si sereine et heureuse au quotidien.