Je suis née à Paris et j'y ai grandi et je crois que beaucoup de gens confondent "les Parisiens" avec "la bourgeoisie parisienne", en tout cas ça me parait être le milieu que fréquente l'auteur de l'article sans s'en rendre compte, vu ce qu'elle décrit. Et puis, il y a aussi un autre phénomène c'est que l'écrasante majorité des Parisiens ne sont en réalité pas originaire de Paris. Et j'ai l'impression que beaucoup de ces provinciaux reconvertis deviennent une caricature de ce qu'ils imaginent être le Parisien pour se prouver qu'ils sont intégrés. Je suis vraiment convaincue que ces Parisiens malpolis qu'on aime tant dépeindre sont en fait des Bretons ou des Marseillais qui sont là depuis 10 ans et pas des gens nés à Paris
Dire "un vrai Parisien ne prend pas le RER", c'est vrai quand on a 17 ans oui. On a tout autour de nous, le lycée, les cinémas, la bibliothèque, les bars, les cours de sport, pourquoi prendre le RER? Mais un vrai Parisien de 25 ou 30 ans travaille en fait souvent en banlieue parce que c'est là que sont installées les grandes entreprises. Pour aller bosser à Saint-Denis ou La Défense, il faut généralement prendre le RER, qui est en fait plus confortable que la ligne de métro 13 bondée. Donc en réalité, un vrai Parisien prend le RER régulièrement.
Pareil, trouver un peu ridicule que quelqu'un ne connaisse pas un arrondissement ou un lieu, ce n'est pas vraiment Parisien de souche.
L'expérience de Paris d'un Parisien de naissance c'est ça : on va à une école maternelle et une école primaire qui se trouve à peu près dans notre pâté de maison, puis au square et aux activités sportives et culturelle du quartier. Parce qu'on a tout autour de nous à Paris, on ne sort pas du périmètre de notre appartement et de notre école avant l'entrée au collège. Il n'y a que le weekend si nos parents font des activités avec nous et ne choisissent pas de partir à la campagne qu'on découvre d'autres quartiers, celui des musées, des parcs, des amis de la famille, ou des attractions pour enfants, mais ces expérience de Paris restent fragmentées, on relie mal les lieux entre eux et nos parents limitent les déplacements dans des quartiers trop éloignés parce qu'ils n'ont pas envie de se taper pendant 30 minutes le classique "On arrive dans combien de stations?" que les enfants répètent à chaque station de métro.
Quand j'étais en Primaire, on a carrément fait une semaine de découverte à deux arrondissements de chez nous tellement c'était exotique pour un gosse d'aller "aussi loin", à 6 stations de métro de l'école. On visitait le quartier, on avait des devoirs où on devait décrire l'ambiance et expliquer ce qu'il y avait de différent de notre arrondissement, je ne plaisante pas.
Quand on entre au collège, on élargit notre périmètre. On commence à découvrir le quartier qui se trouve à 15 minutes à pied de chez nous et non plus uniquement à 5 minutes. Là, on a des amis qui habitent à 15 minutes de l'autre côté du collège par rapport à chez nous, donc on commence à aller dans des zones où on n'allait jamais avant, à 20 minutes à pied de la maison. Comme on est plus indépendant, on explore de nouveaux lieux aux alentours mais on sort rarement d'un carré de 5 ou 6 stations de métro.
Certains d'entre nous sont scolarisés dans un collège/lycée donc à 15 ans, on est touours dans le même quartier, on prend juste un peu plus le métro tout seul pour aller à des expos, à la piscine ou à la patinoire avec les potes, visiter un peu en fonction de ce qu'on lit dans le journal. D'autres jeunes n'ont pas de lycée attaché à leur collège et là, ils changent plus radicalement de quartier en allant généralement dans un lycée située à 15 minutes de métro max, mais ça les fait changer d'arrondissement. Ils font découvrir leur quartier d'origine à leurs amis, ça agrandit les horizons. Seulement, ça reste toujours à peu près du même côté de la Seine et on ignore toujours à quoi ressemble le reste de Paris.
A la fac, on fait un bond plus important en allant étudier généralement dans un quartier plus éloigné (20-30 minutes de transport) voire en banlieue, et là, on a des amis qui viennent de partout en Ile-de-France voire parfois de province. On commence à aller en boite et dans les bars réputés, donc même si on traine surtout autour de la fac et de chez nous, on commence aussi à trainer dans le quartier des potes ou de nos lieux de sortie préférés. Sauf qu'en général, le Parisien de naissance qui a toujours eu le privilège de ne pas devoir prendre les transports pour vivre confortablement est très réticent à aller "loin" ou à faire des changements de métro. Du coup, on restreint généralement nos sorties à une partie de partie : le nord, le sud, l'est ou l'ouest ou la Rive gauche et la Rive droite. Quelqu'un qui a grandi dans le 15e connait généralement rien au 20e ou au 8e, il est même possible qu'il n'y ait jamais mis les pieds car ce n'est pas direct sur les lignes de métro de son quartier.
Ce sont les étudiants venus de province ou de banlieue qui poussent le plus les Parisiens à bouger et découvrir Paris car eux, ils ont tous leurs amis qui viennent du même quartier, ils sont là depuis 19 ans et ils n'ont jamais ressenti le besoin de monter sur le Sacré-Coeur ou la Tour Eiffel alors pourquoi perdre du temps à se déplacement à l'autre bout de la ville alors qu'on a tout dans notre quartier?
Et puis si le Parisien reste à Paris après ses études, il commence à découvrir la banlieue parce qu'il doit déménager de chez ses parents maintenant qu'il gagne assez d'argent pour se payer un loyer et c'est moins cher en banlieue, ou s'il a la chance d'avoir pu rester à Paris, ses potes, eux, ont dû migrer vers la banlieue, parce qu'ils n'avaient pas les moyens de rester dans la capitale ou qu'ils ont besoin d'espace car ils ont eu des enfants. Et il y a aussi le lieu de travail, souvent situé en banlieue ou dans un nouveau quartier etc. Le Parisien né dans le 15e commence vraiment à connaitre les noms de stations de métro du 19e arrondissement et les bars du 18e à 25 ans passés.
Bref, en réalité, les "vrais Parisiens" se distinguent seulement des autres par le fait qu'ils ont passé une partie de leur vie dans un microcosme, un tout petit morceau de Paris, qu'il a grandi avec un foisonnement d'activités, de commerces et de transports. Pour un natif de Paris, un "vrai Parisien" c'est juste celui qui sait de quoi on parle quand on dit un nom de lycée ou de collège. Mais on réalité, pour nous, tous les habitants de Paris depuis plus de 6 mois sont des vrais Parisiens car au final, on a vraiment découvert Paris en même temps que ceux qui venaient d'ailleurs.
Et c'est pour ça que je suis convaincue que les plus snobs sont surtout les gens transplantés de Province qui ont fait beaucoup d'efforts pour "s'intégrer" et veulent désormais prouver qu'ils maitrisent bien la ville. Mais ya pas besoin de ça pour être un Parisien
Un truc qui me fait toujours rire ce sont mes amis de Province qui me disent "ce que je n'aime pas à Paris, c'est que les gens te regardent mal dans le métro si tu n'es pas à la mode" : mais Amandine, un vrai Parisien s'en fiche royalement de son voisin du métro, alors je pense que si quelqu'un te juge ouvertement, il n'est en fait pas tellement d'ici
Après c'est vrai que je distingue nettement les habitants de banlieue et les habitants de Paris car l'expérience de vie est quand même très différente, ne serait-ce que parce que tout est extrêmement accessible quand on vit à Paris et beaucoup plus compliqué quand on vit en banlieue. Ce n'est pas du snobisme, c'est juste que ce n'est pas du tout la même chose de sortir quand on a juste 20 minutes de métro, 15 bus de nuit et 10 euros de taxi entre nous et n'importe quel lieu que quand on doit planifier ses déplacements bien à l'avance, dépenser beaucoup d'argent ou rester jusqu'au premier métro pour pouvoir rentrer chez soi après une soirée.
Le seul truc que je partage avec l'article c'est le côté snobisme intellectuel qui je pense dépasse un peu la classe supérieure à Paris (dans mon lycée, c'était ridicule de ne pas savoir qui était le Ministre de la Culture ou de ne pas connaitre les résumés des romans de Victor Hugo, et j'ai été surprise de réaliser que ce n'était pas que tous les adolescents de France avaient vécu!). Par contre, le snobisme sur le métier est très vrai mais pour moi, uniquement dans les milieux bourgeois. J'ai de la famille qui a grandi dans des quartiers plus populaires de Paris et ils n'auraient jamais pensé que devenir secrétaire n'était pas assez bien, alors que c'est vrai que dans mon quartier bourgeois, même décrocher un simple Bac+3 c'était vu comme un échec social.