Je ne supporte pas les moments où je suis mise face à l'injustice du système et où je me sens confisquée, dans ma vie privée, par des cases institutionnelles et administratives.
En temps normal j'aurais fait un long message mais je n'ai pas le temps de le rédiger, alors je copie colle juste le mail que j'ai envoyé à l'agence immobilière qui, suite à mon dépôt de dossier pour l'appartement de mes rêves -dépôt mûrement réfléchi, c'est la première fois depuis 7 ans à vivre dans mon studio de 22m² que je m'autorisais à rêver à autre chose, à un appartement de 8m² de plus avec une chambre séparée où je pourrais arrêter de replier tous les matins ce putain de lit qui me sert aussi de canapé- m'a, en gros, fait comprendre que je n'avais pas droit de rêver trop haut et qu'il fallait que je retourne à ma petite vie de rat crevé en continuant, comme d'habitude, de croire à mon discours automatique servi à qui veut l'entendre, selon lequel j'habite dans ce trou à rat par choix, "et de toute façon je n'ai pas envie de péter plus haut que mon cul en changeant d'appart et en prenant un loyer plus élevé que je pourrais pas assurer si un jour je me retrouve au RSA".
Hier l'agence immobilière m'a expliqué que, pour louer un appartement de 30m², j'avais beau être salariée en CDD, avec deux parents comme garants, et avoir les moyens de payer le loyer, ma candidature n'avait aucune chance. On parle quand même d'un putain de petit appartement de 30m² à 510 putain d'euros par mois. Et on me le confisque. L'humiliation.
Ce putain de système de gros enculés (ne pas y voir une insulte homophobe je me défoule juste et j'aime les mots bien violents qu'on peut dégueuler) a démoralisé mon père hier soir. Quand, après que je lui aie fait baisser son froc en lui demandant de me rédiger une attestation sur l'honneur expliquant qu'il avait des économies qui n'entraient dans aucune case et qu'il pourrait assurer mes arrières en se portant garant malgré son statut actuel de misérable bénéficiaire d'une pension d'invalidité, je lui ai annoncé que mon dossier ne passerait pas; il n'avait plus de mots, m'a dit "de tout façon il n'y avait pas de quoi brancher ta machine à laver", j'ai dit, en retenant mes sanglots, "oui t'as complètement raison et on sait bien combien les vêtements propres c'est important pour moi" -il y avait deux sorties d'eau pour brancher ma machine...-, et puis il a fini par raccrocher en me disant qu'il avait envie de pleurer, qu'il savait pas quoi me dire. C'est la première fois qu'il me disait un truc pareil. Il était totalement désemparé et en reposant mon téléphone j'étais écœurée de l'avoir fait se sentir comme la dernière des merdes à la veille de Noël alors qu'il n'a déjà plus aucune confiance en lui depuis plusieurs années.
Je suis super en colère, dégoutée, et en même temps comme à chaque fois, je sais même pas contre qui envoyer ma colère puisque de toute façon, dans tous ces mécanismes qui bousillent des amours propres et font de la peine à des parents la veille de Noël, les individus singuliers ne sont toujours que des petits représentants d'un système et de procédures qui les dépassent complètement. Mais même si je sais pas contre qui être énervée si ce n'est contre ce système de merde, aujourd'hui j'avais pas envie de laisser pisser. Donc, avec un petit sadisme jubilatoire, j'ai quand même envoyé ça à mes 2 intermédiaires de l'agence immobilière (contre qui, individuellement, je n'ai vraiment rien. Bien au contraire elles étaient adorables) :
"Date d’envoi de votre message : Aujourd’hui, à 13:**
Bonjour, c'est ***. Je vous écris par rapport à mon dossier pour l'appartement ***. Merci de m'avoir appelée hier en me donnant des conseils concernant les garants et en m'expliquant avec beaucoup d'honnêteté que le profil de mes parents ne convenait pas pour les assurances. Je suis très déçue car cet appartement me plaît énormément et que j'ai les ressources pour y habiter, d'autant que, qu'il s'agisse de moi ou de mes parents, nous avons toujours mis un point d'honneur à être irréprochables dans le paiement à temps de toutes les charges qui nous incombent aux uns et aux autres. Bref je suis déçue et je trouve le système des assurances injuste. J'ai bien des amis bourgeois et avocats, mais je trouve ça très violent symboliquement de me tourner vers eux et non pas vers mes parents qui sont pourtant extrêmement fiables malgré leur situation qui ne coche pas toutes les cases dorées faisant briller les yeux des assurances. J'ai trop de fierté pour me tourner vers des amis alors que si jamais un jour il m'arrivait un pépin, en réalité ce serait mes parents qui assuraient le loyer à ma place. Bref je mesure que le dialogue avec les assurances relève d'un jeu de dupes où il faut montrer patte blanche avec des certificats de papier, et cela me déçoit beaucoup car dans les faits je suis une locataire exemplaire. Je sais que ce message est beaucoup trop long et inapproprié, mais je suis en colère contre ce fonctionnement en boule de neige et je voulais vous en faire part. Je voulais aussi vous remercier pour votre empathie, votre transparence et vos conseils qui ont eu le grand mérite de me permettre de comprendre ce qui se joue dans la procédure. Ça ne change rien car je sais que vous n'avez pas de marge de manœuvre sur tout ça, mais au moins je comprends. Je reprendrai peut-être mes recherches d'appartement quand je serai en CDI, quand ma mère sera augmentée par son employeur à la hauteur du travail qu'elle fournit quotidiennement, ou quand mon père sera effectivement à la retraite (juillet prochain) et qu'il ne sera pas traité comme un paria par les assurances alors qu'il a travaillé et économisé toute sa vie pour pouvoir, précisément, aider ses enfants pour lesquels finalement il ne peut rien du fait de ce système injuste. Bien à vous et bonnes fêtes de fin d'année."
Oui mon message est incroyablement pathos et misérabiliste mais j'en ai rien à foutre. C'est pas dans mes habitudes et le misérabilisme ça me gave mais aujourd'hui je suis abattue, je me sens emprisonnée par ce système de crevards, et surtout je suis infiniment triste d'avoir fait mes parents se sentir indignes alors que c'est les parents les plus soutenants que je connaisse.
EDIT : Bon bah comme d'habitude, j'étais super en colère il y a une heure quand j'ai commencé à rédiger ce message, et finalement l'écriture m'a fait catharsis, je me sens nettement mieux maintenant que tout ça est craché
Pas citer svp, j'éditerai bientôt
je trolle un peu mais c'était ça en gros, alors que finalement comme aucun restaurant ne nous a répondu, on fera autrement). Et donc je disais dans un second message que j'avais déjà travaillé les weekends et que le travail sur des jours fériés/importants n'était pas nécessairement de l'esclavage (à titre personnel, j'aimais bien même si certaines tâches peuvent gaver).
