En plus des prix de l'immobilier, il y a un autre aspect de la gentrification ou de la transformation en lieu touristique qui pousse dehors les habitants d'origine (et modifie parfois complètement le visage de la ville/village, au point que même les détenteurs de résidence secondaire ou les bobos riches qui ont déménagé là peuvent être mécontent parce que ça ne ressemble plus du tout à ce qu'ils ont acheté) : le changement des commerces et des activités proposées sur place.
Quand on ne trouve plus de magasin de vêtement ou de supérette, parce que les boutiques vendent maintenant des costumes folkloriques et des souvenirs fait en Chine. Je me souviens d'un reportage Arte sur des habitants de Venise qui se retrouvaient à vivre seul dans leur immeuble, à ne croiser personne ou presque dans le quartier, et surtout sans commerce de proximité. Les magasins les plus proches de leurs appartements vendaient des souvenirs, ou au mieux des produits alimentaires artisanaux de luxe, mais si tu voulais achetez un poireau ou un paquet de riz normal, il fallait faire des kilomètres.
Ou quand les rares magasins présents sur le village ne sont plus une épicerie générale ou un magasin d'électronique, mais des boutiques dédiés à l'équipement de l'activité typique du coin : matériel de ski dans les villages de montagne, maillots de bain et jouets de plage en bord de mer... Tu veux t'acheter une télé ou du maquillage ? Ah, bah y'a pas. Tu veux un bouquin ? La librairie-papeterie vends 5 best-seller et une majorité de cartes postales. Je lisais récemment un ouvrage sur les jeunes filles de milieu rural (
Les filles du coin, de Yaëlle Amsellem-Mainguy), où beaucoup de jeunes filles qui vivaient dans des lieux touristiques se plaignaient de ne pas pouvoir faire les magasins parce qu'il n'y avait qu'une boutique de vêtement "de vieille" chers, et des magasins d'équipement de ski. Hors de chez elles, il n'y a rien à faire. Même pour les emplois, elles racontaient que certains jobs saisonniers, dans les restaurants ou les musées locaux notamment, étaient parfois tous pris par des jeunes dont les parents possédaient des résidences secondaires, des jeunes des grandes villes qui viennent profiter du paysage tout en gagnant un peu d'argent de poche, ou au mieux par des jeunes du coin mais qui étudient en ville et ne rentraient que pour les vacances. Dans des zones avec beaucoup de chômage, ces jeunes filles qui vivaient là toute l'année ne pouvaient même pas profiter du fait que leur village ou petite ville était une zone touristique en saison haute pour avoir un CDD.

Je comprends que ce sont souvent des statégies économiques des communes d'orienter leur ville autour d'une activité touristique et/ou sportive spécifique, mais du coup, tu te retrouves avec un coin où si tu ne skies pas, il n'y a rien à faire, peu ou pas d'autres activités sportives proposées, une piscine locale qui tient plus du spa que d'un endroit où apprendre à nager, des investissements qui passent dans des gros événements touristiques (compétitions, festival, fêtes de Nouvel An...) temporaires plutôt qu'à entretenir la bibliothèque devenue vétuste...
idem pour la gentrification, quand le café du coin est remplacé par un bar à dégustation de vins, et que l'épicerie asiatique ou africaine est remplacé par un escape game, ben, la population d'origine du quartier se sent poussée dehors. Si tu dois payer ton logement hors de prix, et qu'en plus tu n'as plus d'endroit où acheter les produits que tu cuisines, ça commence à faire beaucoup...