@Patate dorée
En outre, le CNRTL (d'où tu tires ta définition) donne cette définition de privilège en deuxième partie. La première partie de la définition, c'est d'abord le sens de privilège comme donnant accès à une catégorie sociale spécifique, ce qui laisse entendre que même au-delà du cercle militant, il y a quand même de grande chance que le mot privilège soit compris comme plus systémique que tu ne l'entends toi.
Bref, je pense que l'usage du terme privilège dans ce cas est réellement contre-productive.
A ce sujet, la minceur comme case à cocher pour rentrer dans la norme et atteindre le statut de "belle", je comprends qu'on la mentionne comme critère pour rentrer dans les canons de beauté. Mais quand je lis "j'ai perdu du poids et donc le regard des gens a changé", je ne pense pas que ce soit vraiment "je rentre dans les canons de beauté donc le regard a changé" car une personne qui perd du poids n'est pas automatiquement considérée comme attirante et POURTANT, elle pourra tout de même voir certaines attitudes changer : c'est le poids de la grossophobie qui joue ici. Ce n'est donc pas perdre du poids qui suffit à être perçu comme belle, c'est pour ça que je disais que ce n'est pas réellement un synonyme d'être belle. Idem quand on cite l'exemple des gens minces qui ont plus de chance d'être embauchés : ce n'est pas "la beauté" mais la grossophobie qui est surtout en jeu ici.
L'autrice de l'article mentionne d'ailleurs son poids mais aussi un changement plus global d'apparence avec la puberté. Elle n'était pas traitée de "grosse" mais de "moche". Ici, le poids n'est qu'un élément parmi d'autres, et pas l'élément unique pour être qualifiée de "dans les canons de beauté".
Enfin bref, voilà, je trouve vraiment que focaliser sur les "privilèges de la beauté" c'est passer à côté du débat qu'essaye de lancer l'article qui est justement lié à l'illusion d'un lien qui existerait entre "se conformer aux diktats" et "avoir une belle vie". Parce que le problème c'est que justement, ces "privilèges" si j'emploie le terme dans votre sens, ne font pas accéder à une catégorie sociale dominante, et le principe d'envoyer des miettes de reconnaissance à un groupe social opprimé comme les femmes si elles se conforment aux injonctions, c'est qu'on leur fait aussi croire en permanence qu'elles n'ont jamais vraiment atteint ce qu'on attendait d'elles, même quand elles répondent aux diktats parfaitement, et qu'on va leur retirer ces miettes de reconnaissance au moindre pas de travers, et du coup l'amélioration de leur vie reste très limité. C'est très différent des autres privilèges dont on sait très bien qu'on ne va pas les perdre en un claquement de doigt.
Même un statut qu'on pourrait croire instable comme le statut de "riche" est plus fiable que celui de beauté appliqué aux femmes, car les privilèges dont on bénéficie avec la richesse ne disparaissent pas tous instantanément si on est ruiné : certains perdurent un certain temps voire toute notre vie (notamment le capital culturel qu'on a pu accumuler).
Du coup, je ne vois pas trop à quel point c'est important en tant que femmes féministes de remettre à leur place les femmes jugées à un instant T comme belles en leur disant qu'elles devraient peut-être pas se plaindre tant que ça et qu'il y a pire qu'elles? Ce n'est pas du tout une situation de "check your privileges" comme d'autres rapports d'oppression et cette réaction me parait donc clairement être un effet pervers du patriarcat qui cherche à diviser les femmes en les mettant en compétition entre elles autour du physique.
Le problème c'est que quand on est dans un environnement militant, comme sur Madmoizelle ou dans la plupart des groupes féministes, parler de privilèges a un sens qui n'est pas exactement celui que tu mentionnes. On ne peut pas faire l'impasse sur ça quand on débat sur le sujet car on perd en cohérence et en clarté militante si on utilise un coup le terme privilège dans un sens et un coup dans un autre. Ce n'est pas anodin de mélanger les définitions ainsi, d'autant que dans le débat sur ce topic, on parle de privilège dans un sens moins structurel si je te suis mais en même temps, on CONTINUE à utiliser des notions militantes utilisées dans la grille de lecture dominant/dominé, place dans la société etc., comme si le privilège ponctuel avancé pour les femmes belles avait des conséquences assez similaires à celles du privilège structurel! Il y a vraiment là un brouillage total autour de cette notion des conséquences systémiques de la "beauté" au sens large, ce qui me parait compliquer la possibilité d'identifier clairement ce qui pose problème dans le système.Je trouve finalement que la définition militante de "privilèges" tend à sous-estimer les impacts et l'influence de la beauté et qu'elle est peut-être un peu trop rigide . Je ne mets pas la beauté au même niveau que d'autres privilèges comme la richesse, la couleur de la peau... mais j'estime que ça en est globalement un.
En outre, le CNRTL (d'où tu tires ta définition) donne cette définition de privilège en deuxième partie. La première partie de la définition, c'est d'abord le sens de privilège comme donnant accès à une catégorie sociale spécifique, ce qui laisse entendre que même au-delà du cercle militant, il y a quand même de grande chance que le mot privilège soit compris comme plus systémique que tu ne l'entends toi.
Bref, je pense que l'usage du terme privilège dans ce cas est réellement contre-productive.
Justement, être contraint de se conformer à une injonction n'est pas équivalent à bénéficier d'un privilège! Une personne blanche n'a pas l'injonction à être blanche, elle l'est, c'est tout. Une personne hétéro n'a pas l'injonction à être hétéro puisqu'elle l'est déjà (l'injonction va peser sur la personne qui n'est pas hétéro par exemple, mais j'aurais du mal à considérer une personne qui cherche à cacher qui elle est vraiment pour échapper aux oppressions comme privilégiée...)! Pour qu'une injonction fonctionne, il faut qu'elle s'adresse à une catégorie qui est dans l'insécurité quant à sa position sociale. Du coup, j'ai du mal à voir le résultat obtenu par une personne à la suite d'une pression sociale comme un privilège, contrairement à la jeunesse par exemple qui est un état, et même contrairement à la minceur en elle-même qui est loin d'être toujours contrôlable.Je ne me vois pas non plus occulter le fait que les injonctions à la beauté (et le temps à y consacrer) se portent bien; j'ai du mal à imaginer une énergie équivalente à y consacrer si cela n'apportait aucun avantage ou privilège (mais là, c'est moi qui suis peut-être cynique)
A ce sujet, la minceur comme case à cocher pour rentrer dans la norme et atteindre le statut de "belle", je comprends qu'on la mentionne comme critère pour rentrer dans les canons de beauté. Mais quand je lis "j'ai perdu du poids et donc le regard des gens a changé", je ne pense pas que ce soit vraiment "je rentre dans les canons de beauté donc le regard a changé" car une personne qui perd du poids n'est pas automatiquement considérée comme attirante et POURTANT, elle pourra tout de même voir certaines attitudes changer : c'est le poids de la grossophobie qui joue ici. Ce n'est donc pas perdre du poids qui suffit à être perçu comme belle, c'est pour ça que je disais que ce n'est pas réellement un synonyme d'être belle. Idem quand on cite l'exemple des gens minces qui ont plus de chance d'être embauchés : ce n'est pas "la beauté" mais la grossophobie qui est surtout en jeu ici.
L'autrice de l'article mentionne d'ailleurs son poids mais aussi un changement plus global d'apparence avec la puberté. Elle n'était pas traitée de "grosse" mais de "moche". Ici, le poids n'est qu'un élément parmi d'autres, et pas l'élément unique pour être qualifiée de "dans les canons de beauté".
Enfin bref, voilà, je trouve vraiment que focaliser sur les "privilèges de la beauté" c'est passer à côté du débat qu'essaye de lancer l'article qui est justement lié à l'illusion d'un lien qui existerait entre "se conformer aux diktats" et "avoir une belle vie". Parce que le problème c'est que justement, ces "privilèges" si j'emploie le terme dans votre sens, ne font pas accéder à une catégorie sociale dominante, et le principe d'envoyer des miettes de reconnaissance à un groupe social opprimé comme les femmes si elles se conforment aux injonctions, c'est qu'on leur fait aussi croire en permanence qu'elles n'ont jamais vraiment atteint ce qu'on attendait d'elles, même quand elles répondent aux diktats parfaitement, et qu'on va leur retirer ces miettes de reconnaissance au moindre pas de travers, et du coup l'amélioration de leur vie reste très limité. C'est très différent des autres privilèges dont on sait très bien qu'on ne va pas les perdre en un claquement de doigt.
Même un statut qu'on pourrait croire instable comme le statut de "riche" est plus fiable que celui de beauté appliqué aux femmes, car les privilèges dont on bénéficie avec la richesse ne disparaissent pas tous instantanément si on est ruiné : certains perdurent un certain temps voire toute notre vie (notamment le capital culturel qu'on a pu accumuler).
Du coup, je ne vois pas trop à quel point c'est important en tant que femmes féministes de remettre à leur place les femmes jugées à un instant T comme belles en leur disant qu'elles devraient peut-être pas se plaindre tant que ça et qu'il y a pire qu'elles? Ce n'est pas du tout une situation de "check your privileges" comme d'autres rapports d'oppression et cette réaction me parait donc clairement être un effet pervers du patriarcat qui cherche à diviser les femmes en les mettant en compétition entre elles autour du physique.
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