ah-theodora;4095226 a dit :
Tiens, c'est drôle que tu ne cites pas L'Evangile selon saint Matthieu, pour ma part c'est le film le plus beau que j'ai vu. Celui que j'ai préféré de Pasolini, et celui que j'ai préféré de tous les films du monde.
Pour quelles raisons l'as-tu écarté ? (Je crois savoir que tu as une grande culture théologique et religieuse, aussi si ton choix est relatif à des précisions de cet ordre, je suis curieuse de les connaître !)
Désolée de te répondre si tard, j'étais en vacances dans ma famille !
J'ai d'abord choisi un panel de films qui montrent bien la diversité du réalisateur, et dans ceux que j'ai sélectionnés, plusieurs évoquent la religion. Mais en fait, c'est surtout parce que je trouve que Pasolini traite encore mieux du christianisme et de la spiritualité en général quand elle n'est pas le sujet central du film. Dans
Théorème, le mysticisme de la femme de chambre est merveilleux parce qu'il est muet, et pourtant particulièrement clair. Ayant servi les hommes et pervertie par l'un d'eux, elle se fait l'esclave de Dieu et se libère : c'est une Marie Madeleine encore plus belle que l'originale. Et cette beauté je trouve qu'elle réside dans le fait que son évolution est présentée d'une façon réaliste, très concrète, rien n'est dit, rien n'est expliqué, mais tout est laissé à voir. Et dans
l'Evangile, c'est surtout la parole du Christ qui est sacrée, malgré la présence des six miracles.
Je dis tout ça de façon très affirmative, mais c'est évidemment une préférence personnelle que je peux élargir à tous les réalisateurs et à tous les sujets relativement "théoriques". Fassbinder est un super exemple. Beaucoup de ses films évoquent le nazisme, mais ne le traitent pas exclusivement comme on le voit souvent dans les films plus récents un peu nunuches. Et je trouve que c'est beaucoup plus intéressant, parce que plus proche de la réalité, de la vie des gens. Quand Franz Biberkopf dans
Berlin Alexander Platz accepte de travailler pour un journal nazi et de porter le brassard, c'est parce que c'est le métier le mieux payé qu'il a pu trouver à ce moment là. Aucun jugement n'est porté : il n'est ni une victime du nazisme, ni un nazi hystérique. Plusieurs références sont faites dans la série, mais toujours de façon naturelle, ce sont des incursions dans la vie quotidienne, pas une omniprésence sociétale. Et ça me paraît beaucoup plus juste que de choisir de montrer les oppositions catégoriques et standard "résistants/SS".
A l'inverse, Visconti galère toujours un peu quand il touche aux thèmes historiques et économiques. Au lieu de montrer la manière dont les choses se déroulent, il se sent obligé de les commenter, que ce soit par la caméra et les dialogues. Pasolini dit très justement à ce titre que la scène de la Nuit des longs couteaux dans
Les Damnés est foireuse : les gros plans sur les bourreaux et les victimes sont conscients d'eux-mêmes, trop longs, trop dramatiques. Résultat : pas de tension, pas d'effet de vérité. De la même façon, dans
Violence et Passion, au lieu de faire voir la rencontre entre un jeune communiste, l'ancienne et la nouvelle bourgeoisie, il se sent obligé de faire parler ses personnages de politique et de marxisme. C'est complètement inutile, la nature de leurs interactions devrait largement suffire pour qu'on comprenne le sujet du film !
Bref, j'ai un peu divagué, mais je pense que les deux derniers paragraphes illustrent bien les raisons pour lesquelles je préfère
Théorème et
Des oiseaux, petits et gros à L'Evangile !