Franchement refuser la sélection à l'université c'est se bercer d'illusions et au final s'écraser encore plus violemment dans le mur. Je m'excuse d'avance pour le texte qui va suivre qui est assez violent, mais je garde de l'université un souvenir très très amer, donc ne m'en voulez pas.
De 1, on est des seuls pays (si ce n'est pas le seul) à ne faire aucune sélection. Le tirage au sort je n'en parle même pas, quand j'en parle à l'étranger les gens pensent que je blague. Pour info je suis une de celle qui n'a pas eu son choix super motivé à cause de ce système.
De 2, on se masturbe intellectuellement de dire que la France ce bô pays de gôche a réussi à maintenir l'université gratuite (pour les boursiers) et accessible à tous, alors qu'on sacrifie littéralement pleins de jeunes qui se retrouvent bloqués entre licence et master (parce que là, il y'a de la sélection) ou qui ne sont pas boursiers mais pour lesquels les parents ne participent pas aux frais d'éducation. A l'étranger par exemple, il y'a des systèmes ou les bourses ont deux dimensions: certaines pour les étudiants dont les parents ont des revenus faibles, et d'autres au mérite. Comme ça si tes parents veulent pas payer t'as une porte de sortie. Mais en France on considère qui si tes parents sont riches t'as déjà gagné au jeu de la vie donc si tes parents sont riches mais cons tant pis pour toi t'as qu'à trimmer.
De 3, cette "égalité" est totalement illusoire puisque maintenant l'éducation supérieure en France se déplace massivement vers les grandes écoles; avec le méga combo à 1 million prépa + écoles de commerce, écoles d'ingé, science po et j'en passe. Là tout le monde trouve ça normal qu'il y'ait des concours super durs pour rentrer (allez savoir pourquoi...) et que par conséquent la quasi totalité des élèves viennent de milieux très favorisés.
C'est flagrant. J'étais dans un collège de village de campagne défavorisée, la quasi-totalité de ma classe a tenté vaguement des études supérieures et abandonné en route, et se retrouvent maintenant avec des jobs affreux (ceux qui s'en sont le mieux sorti sont ceux qui sont directement partis dans le professionnel). Puis je suis allée dans un lycée clairement bourgeois, la totalité de ma classe ou presque a fait ce combo magique de prépa + école. Lorsqu'ils étaient pas assez bons pour aller dans les grandes écoles publiques, y'avait papa et maman pour payer le privée - et là ils prennent quasi tout le monde pour peu que tu sois près à payer 10 000€ l'année - voir plus.
Pour info, ce système de "grandes écoles" est également excessivement rare à l'étranger. Alors vous me direz y'a des universités plus ou moins quotées mais au moins ça reste le même système pour tout le monde.
Quand je raconte aux gens du pays où j'habite ce système où tous les grands patrons, hommes politiques etc font les mêmes écoles qui sont tout à fait inaccessibles - soit financièrement, soit intellectuellement - à ceux qui sont pas nés dans la bonne famille, ils hallucinent.
Bref, moi j'ai toujours été bonne élève (merci mon capital culturel , je le reconnais sans aucune gêne) , je suis allée à la fac parce que c'était un système dans lequel je croyais, ça a été du grand n'importe quoi pendant 3 ans : aucuns profs motivés, pleins de cours annulés, formation pas intéressante, aucun espace pour motiver l'élève ou le pousser à entreprendre des projets persos. par dessus le marché mes parents ne finançaient pas beaucoup, trouver un job étudiant en France c'est une galère pas possible, et je résidais dans une résidence CROUS envahis de cafards. Bref, j'ai fait une dépression et j'ai passé 2 des pires années de ma vie. La 3ème année je suis parvenue à aller un peu mieux mentalement - merci mes potes - et je me suis démenée comme une folle et j'ai pu être acceptée dans un Master en Hollande. Et ben putain je revis. Alors oui, je paye 2000€ / l'année contre 550 en France, mais j'ai trouvé un job étudiant bien payé et qui correspondait à mes horaires en une semaine, ici je peux percevoir des financements pour mes projets étudiants, les infrastructures sont tops et l'ambiance en générale et tellement plus épanouissante. Un pote de promo est lui parti en Grèce, et devinez quoi même la Grèce ce pays qui a INVENTé la démocratie et qui a élu un parti d'extrême gauche fait de la sélection à la fac et tout le monde trouve ça normal. Et même si les facs mangent grave à cause de la crise (qui est quand même à un stade bien plus avancé que chez nous), elles parviennent quand même à former des générations d'étudiants super-motivés et prêts à tout pour s'en sortir.
Donc votre égalité, c'est un peu du n'importe quoi. Les universités sont littéralement en train de s'écrouler (genre, vraiment littéralement, les infrastructures en deviennent dangereuses) et les grandes écoles brillent de milles-feux et fabriquent à plein régime la prochaine élite sans que personne ne s'en émeuve, mais non, on va continuer à se battre contre la sélection et à créer encore plus de fossé entre les deux. Quelle intelligence.