Depuis l’annonce de l’émission « biologie et orientation sexuelle » du 6 décembre, des réactions négatives s’expriment sur les réseaux. Des internautes semblent choqués par la simple existence des recherches sur les déterminismes biologiques de l’homosexualité-hétérosexualité. Nous pensons qu’une meilleure compréhension de notre démarche permettrait sûrement d’éviter les inquiétudes, voir les soupçons qui dégradent la qualité des échanges d’idées.
Certains sujets sont interdit ?
(Une twittos exprimant ses préjugés)
Etant donné la brutalité des discriminations envers les individus sur la base de leur orientation sexuelle
à travers le monde, la triste actualité en
Tchétchénie par exemple, et la violence du rejet exprimé en France il n’y a pas si longtemps par des opposants au mariage pour tous, il faut saluer la vigilance de ceux qui réagissent sur ces sujets. Après tout, la biologie a jadis été employée par des gens qui voulaient « soigner » les homosexuels à coup d’électrochoc, de castration ou d’hormones. Mais rappelons que des « thérapies » de type psychanalytique nourrissant le même but ont également existé, et qu’on trouve encore des gens pour croire qu’on peut désapprendre le désir homosexuel par le conditionnement ou la prière. Ces errements passés du monde de la science n’ont rien à voir avec la démarche d’explication du monde, de recherche fondamentale, qui motive les travaux des uns et des autres dans la très grande majorité des laboratoires actuels. La biologie n’est donc pas plus l’ennemie des LGBTQIAP+ ou MOGAI
1que ne l’est la psychologie. Plus fondamentalement, la science n’est pas là pour juger les gens.
Sur ces sujets circulent malheureusement des idées fausses idéologiquement chargées. Pour citer un commentaire reçu sur nos pages :
« Ce sont des troubles psychologiques qui résultent d’un parcours chaotique et dissolu qui les amènent à l’homosexualité… Si la femme est née avec une fente et l’homme avec le matériel pour s’y introduire c’est qu’il y a une raison. »
Ou un autre, croisé ailleurs sur Internet :
« L’homosexualité est un narcissisme, un manque d’amour-propre, une erreur et une incapacité à appréhender la réalité de son propre corps, c’est un désir de soumission et de domination sur l’autre, ou au contraire un désir d’être soumis.. »
Il nous semble important d’apporter à ce genre de propos des réponses qui ne soient pas simplement moralisatrices (« l’homophobie c’est mal, M’voyez ! »), mais éclairées par des connaissances précises sur la nature ou l’origine de ces comportements / attitudes / orientations / identités.
La variation est la règle
Les humains sont tous différents, nous sommes tous des variants biologiques autour d’une moyenne de distribution de caractères. Décrire la distribution de ces caractères, conclure à la potentielle existence d’une « norme » au sens mathématique (catégorie avec le plus fort effectif parmi une population), ce n’est pas juger de la valeur des individus qui portent ces caractères, c’est simplement faire la nécessaire traduction de l’infinie complexité du monde en un modèle apte à nous fournir des réponses si les questions sont posées prudemment dans le cadre de protocoles rigoureux.
Chercher les éventuelles causes biologiques n’équivaut pas à négliger les autres. À chacun sa spécialité. Si l’éducation, le milieu familial, les interactions avec les pairs, avec l’autorité, avec le langage, si nos représentations mentales, nos expériences romantiques, nos traumatismes, nos angoisses jouent un rôle dans la manière dont les uns et les autres vivent leur sexualité et expriment leurs préférences, alors il y a des disciplines scientifiques armées pour poser la question et chercher des réponses. La biologie n’aura pas réponse à tout, mais les réponses qu’elle apporte dans son périmètre, nous sommes priés de les écouter sans quoi nous ne vaudrons pas mieux que ceux qui ont rejeté Darwin et l’idée que l’humain ne soit rien d’autre qu’un singe, un singe extrêmement savant, mais un singe. Souvenons-nous qu’il reste à ce jour des créationnistes. Certains s’assument, d’autres moins.
Informer et questionner
Cette émission n’a pas pour but de rassurer qui que ce soit, de faire plaisir, de choquer ou de défendre une idéologie. Nous souhaitons mettre en avant une approche méthodologique qui permet de rendre compte du maximum de faits de la manière la plus satisfaisante.
Pour en parler nous n’avons pas invité le premier venu dont les thèses nous feraient plaisir, mais un spécialiste mondialement reconnu, récipiendaire cette année de la DANIEL S. LEHRMAN LIFETIME ACHIEVEMENT AWARD remise par la
Société de Neuroendocrinologie Comportementale pour l’ensemble de sa carrière, auteur de près 400 articles scientifiques, et toujours actif dans le monde de la recherche. Nous ne l’invitons pas pour lui passer la brosse à reluire mais pour questionner la solidité des thèses ou hypothèses défendues dans la littérature scientifique qu’il connait bien. Les critiques formulées contre les interprétations de notre invité lui seront d’ailleurs adressées afin qu’il puisse y répondre si réponse il y a.
L’annonce de l’émission provoque des réactions courroucées :
On va « corriger notre biologiste »…
Nos invités et notre méthode posent problème.
Certains critiquent l’existence même du concept d’orientation sexuelle, remettent en cause la continuité entre les comportements humains et ceux des autres animaux, souhaitent remplacer des déterminants biologiques jugés obsolètes par des facteurs d’apprentissage et d’influences sociales. C’est un point de vue intéressant, mais peut-être ne faut-il pas mettre la charrue avant les bœufs.
Dans un premier temps, le travail de vulgarisation réclame qu’on fasse bien comprendre les principes derrière les déterminismes biologiques de certains comportements. Il sera temps ensuite d’apporter les nuances nécessaires, voire les éléments qui permettraient d’affirmer que ces déterminismes ne jouent plus de rôle chez l’humain si tel s’avérait être le cas.
Souvenons-nous de quelques principes, notamment d’une règle du monde vivant : la continuité totale de l’arbre de la vie, les relations de parenté ininterrompues entre toutes les lignées. À la lueur de cette continuité appliquons le rasoir d’Ockham, et il nous faut constater que si un phénomène est observé chez l’humain et chez plusieurs espèces qui nous sont apparentées, alors l’hypothèse la moins coûteuse est que ce comportement commun est dû à des causes communes. Cette hypothèse peut-être fausse, auquel cas il faut la réfuter en démontrant l’existence d’autres causes prépondérantes. Mais à tout le moins, il serait curieux de traiter l’humain comme une espèce trop à part pour partager avec les autres animaux des mécanismes aussi fondamentaux que ceux qui conditionnent la reproduction.
La recherche sur ces sujets n’est pas achevée, aucune position définitive ne serait raisonnable, mais cela ne veut pas dire que l’on ne sait rien, que l’on ne dispose pas déjà de résultats expérimentaux et de suffisamment d’indices pour savoir si des événements biologiques antérieurs à notre naissance jouent ou ne jouent pas un rôle dans nos préférences sexuelles.
C’est justement ce que nous voulons apprendre et faire savoir avec notre invité, Jacques Balthazart, auquel vous pourrez poser vos questions pendant l’émission
Références pour aller plus loin
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Same sex sexual behavior and evolution.
Nos articles liés.
- LGBTQIAP+ = lesbienne, gay, bi, trans, queer, intersexe, spectre asexuel et aromantique, pan/poly, etc.
MOGAI = Marginalized Orientations, Gender identities And Intersex (Orientations et identités de Genres Marginalisées Et Intersexes).