Je viens de voir cet article parce que Stéphanie Zwicky alias Big Beauty a retweeté un message indigné sur le sujet. Pour être honnête, connaissant votre ligne édito, ça ne m'a pas trop surprise. Mais je suis tombée direct sur le second article, sans être prise de surprise par le premier et sans lire 10 000 messages enflammés et choqués. Du coup, j'ai trouvé votre réflexion très intéressante.
Pour moi,
@Clemence Bodoc, ça doit être une PREMIERE réflexion. J'espère vraiment que ce buzz va vous faire réfléchir plus loin sur le rapport de MadmoiZelle (et de certains mouvements féministes) à la grossesse et à la maternité. J'ai toujours trouvé que la ligne édito maternité/grossesse était une de vos positions "problématiques" (je mets entre guillemets car je trouve ce mot un peu galvaudé chez les militants mais je la trouve problématique dans le sens où elle vous paraissait 100% légitime alors que pour moi elle avait un côté très agressif pour les personnes concernées, et elles ne sont pas une minorité).
Depuis que je suis chez MadmoiZelle, la question du traitement de ces sujets est revenue plusieurs fois sur le tapis et à chaque fois vous avez répondu que non, vous ne parlerez jamais de mamans et de femmes enceintes parce que les femmes sont trop réduites à ça. Mais elles sont aussi réduites au maquillage, à la mode et à plein de choses dont vous parlez quand même. Il y avait aussi l'argument "la cible n'est pas concernée car elle a 18-25 ans". Alors outre le fait que si, un pourcentage non négligeable de femmes de 18-25 ans vit des grossesses, encore plus dans les publics les moins favorisés que vous arrivez moins à capter et que vous pourriez peut-être mieux capter et donc sensibiliser à vos causes par ce biais, et outre le fait aussi que c'est pas forcément au moment où un truc nous arrive qu'on a envie de se renseigner, mais que c'est pas mal d'avoir pu lire sur le sujet au cours des années qui ont précédées, bah ça me parait pas super cohérent avec le motto de
@Fab qui était de dire que si une lectrice l'a vécue, ça peut en intéresser d'autres (donc a priori, si des centaines de lectrices sont concernées... ben c'est intéressant non?).
Je sais que de nombreuses rédactrices sont child-free ou simplement nullipares, mais j'ai toujours trouvé les réactions épidermiques sur le sujet de la grossesse, les attitudes de rejet qui peuvent être blessantes sans le vouloir, assez problématiques. Les rédactrices sont pas une majorité à pratiquer le BDSM ou l'échangisme il me semble, pourtant vous en parlez, notamment via des témoignages
Moi j'ai pas d'enfants, je prévois pas d'en avoir tout de suite mais je suis pas child-free. Et donc, je me sens souvent très mal à l'aise, limite dénigrée ou accusée, quand je lis certaines réactions (parfois "child-free", parfois voulues simplement féministes) sur les femmes enceintes, la grossesse et le désir d'enfants. Je me souviens que je l'avais dit à des MadZ qui se défoulaient de manière pas très diplomate sur la maternité sur la VPS, et elles s'étaient excusées, en me disant qu'elles n'avaient pas réalisé que leur discours pouvait être excluant parce qu'il leur semblait libérateur à elles. Mais au niveau de la rédac, j'avais l'impression que vous n'aviez pas envie de réfléchir à cet aspect de la ligne édito, quelles qu'étaient les remarques que vous receviez sur le sujet, parce que vous aviez vraiment associé ça à un droit féministe absolu.
C'est le premier article de MadmoiZelle où j'ai l'impression qu'il y a une telle prise de conscience sur le sujet, après des années à nier le fait que le rejet de la grossesse et de la maternité n'est pas féministe en soi, que ce qui est féministe c'est de revendiquer le droit de ne pas avoir d'enfants, de ne pas vouloir tomber enceinte ou de ne pas vouloir être réduite à un corps enceint, pas le droit de trouver la grossesse dégoûtante et la maternité asservissante en général. Et c'est pour ça que j'apprécie beaucoup que vous ayiez creusé un peu vos réactions.
Et je vais être honnête, l'autre jour, un contact a posté sur Facebook une série de photos d'un accouchement à domicile en légendeant "magnifique!". Moi j'ai trouvé ça immonde et j'ai cliqué sur "ne plus voir", comme je le fais avec les publications gore. Malgré tout, j'avais bien conscience que ma réaction n'était pas "une revendication féministe au droit de ne pas être enceinte" mais qu'elle s'expliquait un malaise dont les causes étaient similaires aux vôtres : peurs autour de la grossesse, crainte de glamourifier quelque chose qui sert aussi à être discriminée etc.
Mais je suis d'accord avec
@Ilya, c'est justement pour aider à dompter ces craintes et ces angoisses que MadmoiZelle devrait être présente, pas pour invisibiliser toutes les questions liées à la grossesse et à la maternité pour supposément nous préserver de quelque chose qu'on devra peut-être affronter plus tard. Même quand on est child-free, c'est utile. Parce que ça aide à mieux comprendre ses copines par exemple, ou à mieux répondre aux problèmes que subissent de très nombreuses autres femmes, à peut-être prendre des décisions égalitariste quand on occupera un poste de management dans une entreprise ou qu'on interviendra en politique, dans la santé ou dans l'urbanisme etc.
Le rejet du corps des femmes enceintes et le refus d'en savoir plus sur la grossesse et l'accouchement c'est quelque part aussi très sexiste. Beaucoup d'hommes se payent le luxe de ne "rien vouloir savoir, c'est trop dégueulasse" et je ne trouve pas qu'on devrait encourager ce type de discours, comme si les femmes enceintes et les mamans devaient taire une partie de leur vie pour être considérées normalement, et réserver certaines de leurs conversations aux réunions avec des "femmes comme elles".
On rejette la question de la grossesse et des mamans quand on est féministes un peu comme on rejette le girly et les femmes apprêtées : parce qu'on se focalise sur celles que le patriarcat valorise en partie et on le leur reproche inconsciemment, au lieu de les aider à être comme elles sont tout en revendiquant des droits.
Et puis c'est problématique aussi que les seules femmes qui ont le droit d'être enceintes ou mamans sur Internet sont les blogueuses mamans. Les autres doivent faire profil bas sur le sujet alors que ça impacte bien souvent leur mode de vie. En invisibilisant ces questions sur un média comme MadmoiZelle, et en les transformant ailleurs en des questions super spécifiques, c'est comme ça qu'on donne l'impression que les grossesses en entreprise sont des obstacles impromptus, qu'ils gênent le travail, et que les femmes abusent franchement hein. Ce sujet devrait paraitre naturel, aussi naturel que d'avoir le droit de rentrer chez soi le soir ou de prendre 5 semaines de vacances par an. Mais en traitant les corps enceints comme légitimement dérangeants, on participe à faire de la grossesse un problème, un élément excluant en société. Et ça impacte même les child-free parce qu'elles galéreront tout autant à se faire embaucher entre 25 et 40 ans parce que le recruteur voit venir la grossesse potentielle.
Donc voilà, j'espère vraiment, vraiment que ce "raté" permettra de rebondir vers une réflexion plus profonde sur le sujet. Je trouve ça déjà bien que vous ayez réfléchi à pourquoi ce clip suscitait ces réactions chez vous!
Et merci
@Margaux Palace d'avoir donné un autre avis!