Quand j'avais dix-huit ans, un soir que je rentrais de chez mois après les cours (il était vingt heures) un mec m'a suivie du RER jusque dans ma rue. A l'époque j'habitais un quartier résidentiel, donc sans boutiques, sans endroit ou entrer se réfugier, et sans aucun passant. Il m'a abordée, et malgré toutes mes tentatives -silence, puis ordres de me laisser tranquille, puis dire que je n'étais pas intéressée etc- il ne voulait pas me lâcher. Je ne voulais pas qu'il sache où j'habite,c'était la première fois qu'un truc pareil m'arrivait, j'avais peur qu'il devienne violent, alors en désespoir de cause j'ai fait une connerie : je lui ai donné mon numéro de téléphone (en commençant par donner un faux, bien sûr, mais il l'a appelé aussitôt).
Pendant plus d'un an, j'ai reçu des messages quasiment tous les jours. Au début c'était : "salut tu m'appelles ?" "Tu réponds pas, t'es méchante". Puis "salope, allumeuse". Et un jour : "Alors comme ça on prend la ligne 6 ?". Je venais d'entrer dans la rame. J'ai eu la peur de ma vie. Plusieurs fois comme ça il m'a envoyé des sms me disant où j'étais. Je n'ai pas voulu changer de numéro parce que je préférais savoir, me disant que comme ça au moins je savais qu'il était là. Je l'ai croisé plusieurs fois, "par hasard", à des mois d'intervalle. Et puis un jour ça s'est arrêté.
Depuis j'ai plus confiance en moi je sais que je saurais mieux gérer une telle situation, mais il n'empêche que je ne me suis plus jamais sentie en sécurité en marchant seule dans la rue depuis. Mais je pense que le pire dans tout ça c'est qu'énormément de mes potes mecs, qui ne sont pourtant pas des crétins, trouvent parfaitement normal que je me trimballes désormais avec une bombe lacrymo dans mon sac. Parce que "si tu prends des risques ben voilà faut pas s'étonner". On notera que "prendre des risques" équivaut en l’occurrence à "se trouver dans son propre quartier à 20h".
J'espère vraiment que le buzz autour de cette vidéo pourra faire changer les mentalités, ne serait-ce qu'un peu.