@Madthilde En fait, je conteste beaucoup plusieurs trucs dans cet argument:
- Celui que le langage est politiquement neutre, tandis que tout changement qu'on lui impose est politiquement chargé (je ne suis pas d'accord avec la première partie de cette proposition, mais on en a déjà beaucoup parlé);
- Celui que ce changement impose une façon de penser. Oui et non; il est en fait adopté pour diverses raisons - deux principales, en fait, des revendications féministes sur la représentation des genres dans la langue, point dont je discute peu, et des revendications trans sur la reconnaissance des gens non-binaires;
Je trouve notamment très contradictoire le fait que tu es gênée par l'imposition de nouveautés, mais que celles du passé ne te gênent pas - alors que pour moi, celles du passé montrent justement que le langage n'est pas politiquement neutre (tout au plus aurait-on pu argumenter qu'il l'était avant ces modifications du passé ... et encore). Le fait qu'on ait grandi dedans et qu'il soit devenu "naturel" de parler ainsi ne signifie pas que la langue ne véhicule plus de préjugés, et redevienne à force d'usage politiquement neutre. Le fait que la langue ait adopté "organiquement" des idées et des conceptions du monde ne la rend pas non plus politiquement neutre parce que l'usage s'est fait par l'habitude plutôt que par la force de l'administration ou de la loi.
Je trouve aussi très contradictoire d'annoncer de but en blanc que c'est imposer des façons de penser et de s'exprimer, mais de refuser de reconnaître que le passé a fait de même (et que ces façons de penser ont été adoptées avec le temps). Peut-être vas-tu me répondre (si tu me réponds et ne me dis pas "j'en ai déjà parlé, cf plus haut" ce que je peux entendre, ce sujet a effectivement un côté répétitif - moi j'en suis à tenter de clarifier mes objections puisque j'ai aussi l'impression qu'on y réponds à côté) que ces changements passés ont été tassés par l'usage et n'affectent pas, ou plus, la pensée - ce qui me semble faux, et qui de toutes façons si c'était vrai ne me fait pas voir pourquoi on ne pourrait renvoyer le même argument aux changements actuellement proposés par l'écriture inclusive: elle implique non pas une politique, mais une reconnaissance de ce qui est, elle impose non pas une façon de penser mais une description du monde - ou plus exactement, si la reconnaissance des gens non-binaires est encore un enjeu politique, bah, ces gens existent quel que soit l'issu de cet enjeu ou de ce débat...
De manière générale, aussi, je ne considère pas le changement d'un mécanisme grammatical comme fondamentalement différent d'un néologisme. Il s'agit dans l'un ou l'autre cas de transformer la langue en lui rajoutant de quoi exprimer le monde, avec la reconnaissance de nouveaux concepts, de nouvelles découvertes - et tout comme l'Einsteinium existait avant l'invention de ce mot, et existe quoi qu'il arrive, que le français ait un mot pour le désigner ou non, que ce soit politique de le reconnaître ou non, les gens non-binaires existent et existaient avant l'invention du langage inclusif, et existeront quel que soit l'état du français et du débat politique autour de leur existence. Ca me semble donc toujours un peu absurde de leur refuser la reconnaissance au profit d'une neutralité politique et linguistique qui n'est de toutes façons pas neutre parce que par essence même on ne peut pas être neutre sur la question - on ne peut pas refuser de prendre position, car refuser de prendre position, c'est rester dans le status quo, status quo qui se prononce déjà contre la reconnaissance de l'existence des gens non-binaires.
Je voudrais bien savoir pourquoi est-ce que changer le vocabulaire du français est acceptable et politiquement neutre, et aménager la grammaire pour désigner les genres neutres des gens ne l'est pas. Je ne crois pas que tu aies expliqué pourquoi c'est ainsi selon toi.
(Edit clarifications et explicitations.)