J'ai un problème avec la façon dont Alice Coffin tourne ses propos, mais je trouve qu'elle a quand même le mérite de mettre le doigt sur la violence des relations hétéro. Quand on parle de violences conjugales, c'est toujours à travers le témoignage des victimes, on nous montre des femmes brisées, des images chocs, dans le meilleur des cas le discours est très misérabiliste, dans le pire il est culpabilisant ("pourquoi elles ne partent pas?" "qu'est-ce qui les oblige à rester?" "Et les enfants dans tout ça?" ). Par contre je trouve qu'on se pose vraiment très peu de question sur les hommes qui perpétuent ces violences. Parfois le profil psychologique est dessiné à gros traits (manipulateur, jaloux pathologique, dominateur), mais c'est tout, et du coup c'est facile de se dire que les hommes maltraitants sont des cassos alcooliques eux-mêmes victimes de violences dans leur enfance, et que finalement le problème ne concerne que les catégories les plus modestes ou marginalisées de la population. D'après mon expérience perso et celle de certaines amies, on est pourtant nombreuses à avoir subit des abus, y compris de la part de mecs éduqués, et parfois même se présentant comme féministes (!!). Je ne parle pas nécessairement de coups ou de viols, mais de maltraitances psychologiques, de gestes déplacés, de pressions exercées pour faire des trucs au lit, etc. Des petites choses qui s'oublient rapidement sur le coup, mais qui finissent par s'accumuler et par abimer la relation de confiance et de respect. C'est une réalité difficile à regarder en face parce qu'on aime toutes ou on a toutes aimé un ou des hommes et que quand on est hétéro on ne peut pas trop "échapper" à ça. Je ne sais pas trop comment le verbaliser, mais en dehors des injonctions à se mettre en couple, ce qui fait le sel de la vie de beaucoup de gens (hors aromantiques et asexuels), c'est de tomber amoureux-se, de faire l'amour, de se projeter avec quelqu'un etc. Pour ça en tant que femmes hétéro , par définition on ne peut pas éviter les hommes, ce qui veut dire s'exposer à souffrir de violences systémiques. Perso je vis un peu comme une fatalité le fait que oui, les relations hétéros font du mal aux femmes parce qu'on évolue dans un système conçu pour nous dominer. C'est très pénible à admettre, mais en même temps, le seul moyen de combattre cette fatalité, c'est de regarder les choses en face au lieu de tordre les stat dans tous les sens ou de se planquer derrière de la rhétorique. Après je pense que les hommes hétéro aussi peuvent souffrir dans leurs relations avec les femmes et que certaines attentes peuvent être hyper pesantes, mais au bilan, c'est quand même eux qui restent en position de domination. Ca n'empêche pas qu'entre femmes ça puisse mal se passer aussi, mais soyons honnêtes deux secondes : les 364 autres jours de l'année pour qui est-ce une préoccupation majeure en dehors des premières intéressées? Pas que ce sujet ne mérite pas qu'on lui fasse de la place, mais c'est juste que je ne me sens pas la mieux placée pour m'en emparer, et quand ce sont des gens défendant les hommes qui brandissent ces questions-là, pardonnez-moi de douter un peu de leur bonne foi...