Hello,
J’ai fait une mise à jour de l’article pour inclure la réponse de Mélissa Theuriau, la réalisatrice, suite aux réactions de certains professeurs.
Pour le reste, je vais faire une réponse globale aux critiques que j’ai pu lire sur ce topic (je ne l’ai pas lu en intégralité, mais comme vous avez été nombreuses à commencer vos messages par « je suis d’accord avec ce qui a été dit/ pour rebondir sur ce qui a été dit »), je crois qu’une réponse « groupée » est pertinente.
Le fait que des enseignant•es soient blessé•es par ce qu’ils et elles perçoivent de leur profession à travers ce clip est regrettable. Je suis désolée si c’est votre cas, mais je ne peux pas mettre ce ressenti en face de la souffrance des victimes de harcèlement scolaire. Votre ressenti est légitime. (Point, pas de « mais »).
Le harcèlement scolaire est un problème de société, qu’on doit encore lutter pour faire reconnaître et combattre à sa juste mesure. La France est en retard sur le sujet.
Ce clip est UN élément d’une campagne de communicaton globale, qui vise à diffuser le plus largement possible tous les outils de sensibilisation, de prévention et de prise en charge qui ont été déployés progressivement.
Vous pouvez trouver que c’est insuffisant, que c’est mal réparti, que ça ne répond pas à des besoins concrets, vous avez ce droit. Vos témoignages sont toujours intéressants.
On peut avoir ce débat.
Mais il y a des débats que je ne veux pas avoir :
L’intention des auteurs : j’ai pu m’entretenir en personne avec Mélissa Theuriau hier soir, donc je le redis ici : elle n’attaque nullement les profs. Cette vidéo s’adresse à des 7-11 ans, avec des codes compréhensibles par eux, testés sur eux, et le message est simplement celui qui est clairement énoncé à la fin : si on n’en parle pas, ça ne s’arrête pas.
Le corps enseignant n’est pas attaqué par ce clip. Ça n’empêche personne de se sentir blessée, mais ce n’est pas parce que vous avez ce ressenti que la campagne devrait être retirée.
Si les syndicats avaient rebondi sur cette vidéo pour développer davantage, expliquer les causes diverses et multiples du harcèlement (qui, au passage, sont développées et prises en compte dans les ressources documentaires du site dédié non au harcèlement), ça ne m’aurait pas posé problème.
C’est le fait de demander le retrait de ce clip, au motif qu’il porte atteinte à l’image des enseignant•es qui me fait bondir. Même si c’était le cas (et je ne suis absolument pas d’accord là-dessus !), serait-ce vraiment une raison suffisante pour dénigrer une campagne de communication qui vise à élargir la prise de conscience au niveau de la société dans son ensemble, à deux jours de son lancement ?
Pour info, le clip a été réalisé gracieusement, il est financé par Disney (pas par l’argent public), il est diffusé gratuitement par le service public. C’est une campagne qui ne coûte pas un euro à l’État, et dont le message vise les victimes et les témoins du harcèlement.
Souvent, ça se passe dans le dos des profs, et justement, tout l’objet de cette campagne est de ne pas pointer les profs du doigt. C’est pour ça que la scène se passe dans le dos de l’instit ! Pour qu’on ne puisse pas dire « mais où sont les profs ? », pour qu’on comprenne qu’ils n’ont pas les yeux derrière la tête.
La réaction de certains syndicats (pas tous les syndicats, et pas tous les profs, relisez l’article, on a été particulièrement attentifs à ne pas englober tous les profs, ce qui serait évidemment stupide et malvenu) la réaction de certains syndicats est particulièrement honteuse, parce que dans certains cas de harcèlement, oui, l’enseignant•e n’a pas réagi, ou a mal réagi. (C’est toujours pas un procès à l’ensemble des profs).
On demande aux victimes de harcèlement scolaire de ne pas mettre tous les profs dans le même sac, et celles qui me lisent savent à quel point c’est difficile de faire la part des choses quand on a le sentiment d’avoir été abandonné•e, voire carrément livré à la meute (pour celles dont les profs ont participé au harcèlement, consciemment ou non).
Ça existe aussi. Alors déplorer qu’un clip d’une minute donne « une mauvaise image » des enseignant•es, je ne suis pas désolée de le répéter : c’est bien le cadet de nos soucis, quand on parle de harcèlement scolaire.
J’en veux pour preuve le déséquilibre des témoignages postés ici : les profs blessés s’expriment librement, les victimes de harcèlement le font en privé, s’excusant de ne pas pouvoir témoigner publiquement, car elles ne peuvent pas s’exposer à la minimisation de leur souffrance, à nouveau. Et oui, mettre une blessure d’égo en face de la souffrance résultant d’un harcèlement prolongé, ça revient à minimiser la seconde.
Le problème de la mauvaise image des profs EST un problème grave, c’est AUSSI un problème de société, qu’il faut AUSSI prendre à bras-le-corps. Et vous (les profs, cette fois je généralise) trouverez toujours mon soutien sur ce sujet. Mais là, dans ce cas, ce n’est pas votre image en tant que profession qui est mise à mal. C’est celle d’une poignée de syndicalistes que j’écorche dans cet article, car je la trouve particulièrement déplacée.
Oui, c’est mon avis, effectivement. Mais je n’écris pas 2500 mots pour donner mon avis : je l’explique, je l’argumente. On peut ne pas être d’accord avec le fond, avec la forme, mais je ne sais pas si certaines ici réalisent tout le mépris qu’il y a à invalider mon point de vue en le résumant à « c’est juste son avis de fan de Najat », comme s’il s’agissait d’un tweet en 140 caractères.
Je ne me contente pas de dire “lol les vieux réacs de syndic’, tellement à côté de la plaque”. Je reprends et je cite leurs communiqués de presse, je prends leurs arguments pour y répondre.
Ce que je leur reproche, au fond, c’est de confisquer le sujet pour faire passer leur propre ‘agenda’, le malaise de la profession, devant le harcèlement scolaire. Oui, c’est aussi un problème, il est aussi grave dans notre pays, mais l’amener sur la place publique à l’occasion de la PREMIÈRE journée de lutte contre le harcèlement scolaire, tant attendue, ça revient à couper la priorité aux victimes, pour faire passer son sujet à soi en priorité.
Et c’est intéressant de constater que le même phénomène se produit sur ce topic : le manque de considération de la profession prend le pas sur les témoignages de harcèlement (en public seulement, je le répète parce que oui, c’est important. C’est symptômatique).
C’est une discussion qu’on peut avoir aussi, qu’on DOIT avoir aussi. Mais pas ici, pas cette semaine, à la place de celle qui doit avoir lieu sur le harcèlement scolaire.
Voilà ce que j’avais à dire sur le sujet. Ce message a été écrit pendant ma pause déjeuner, ma charge de travail ne me permettra pas de suivre ce topic cette semaine ; je lis mes mentions, et je signale les messages insultants et méprisants (=ceux qui remettent en cause mon éthique).
Merci à toutes celles qui m’envoient leur soutien en privé, même si je préfèrerais que vous veniez témoigner en public, car après tout, ce topic est aussi à vous, et la journée du 5 novembre est aussi la vôtre.