Les images se rapportant à Lolita me gênent parce qu'elles glamourisent pour moi le viol. "Tu vois c'est pas du viol, elle se fait belle pour lui, elle a envie".
Et puis l'histoire de Lolita et d'Humbert, c'est l'histoire d'Alice Lidell et Lewis Carroll. L'histoire d'un homme qui était amoureux d'une enfant donc, qui aimait la prendre en photo nue, qui lui a accessoirement écrit une histoire, Alice au Pays des Merveilles. Fin XIXème, début XXe, c'était normal d'avoir des "amies-enfants". On a arrêté de considérer les petites filles comme ça, mais on continue à glamouriser tout ça, on a fait de Lolita une icône pop-culture, une histoire totalement innocente, alors que c'est de la pédophilie. Ça me dégoûte. D'ailleurs j'ai essayé de lire ce livre, mais impossible d'aller jusqu'au bout, ça m'horrifie.
Utiliser ces images, c'est à mes yeux renvoyer une image confuse.
Au contraire, le parcours littéraire de
Lolita c'est l'illustration idéale de la culture du viol : les lecteurs et spectateurs ont sympathisé avec le violeur et blâmé la victime alors qu'ils avaient tous les éléments pour voir la réalité car Nabokov n'était pas du tout du côté de Humbert et avait tout préparé pour qu'on ne le soit pas non plus. L'image est confuse parce que les gens ont mordu à l'hameçon de la culture du viol en voyant
Lolita mais en réalité, il n'y a rien de confus dans le récit de
Lolita.
Lolita n'est pas un bouquin du 19e siècle, il n'a pas été écrit à une époque où c'était normal d'avoir des "amies-enfants", l'héroïne Dolores n'est pas glamour du tout, elle est présentée comme une gamine banale de 12 ans, pas une ado séductrice, son sort est glaçant : c'est le public qui a transformé une histoire de viol pédophile incontestable en symbole de la passion amoureuse.
C'est pour ça que c'est intéressant de mettre ces images : ça montre que
Lolita était bien une histoire de crime, pas une histoire glamour, pas une histoire d'amour, pas une histoire innocente ou un monument de la pop-culture. C'était et c'est toujours une illustration parfaite de la culture du viol où on arrache aux victimes leur droit à être reconnues comme telles, où on essaye de faire croire au monde qu'au fond elles le voulaient bien et qu'on accepte trop facilement tout ça. La démonstration de Nabokov a trop bien marché effectivement puisque beaucoup sont tombés à pieds joints dedans en gobant la version de Humbert Humbert sans se poser de question. Mais justement, afficher ces images-là dans un article comme ça, c'est rappeler que les lecteurs et spectateurs se sont faits prendre au piège du discours justifiant le viol alors qu'on leur a donné plein d'indices gros comme des maisons pour être lucides sur la réalité, et c'est rendre à Dolores ce droit à être reconnue comme victime, même si beaucoup ont longtemps préféré soutenir son violeur.
Pour moi c'est un peu combattre la culture du viol que de faire ça parce que ça renverse la perception erronée qu'on a d'un récit qui l'illustre parfaitement. Si un fan remet soudain en cause
Lolita et découvre son sens réel, qui sait les questions qu'il commencera à se poser sur tous les discours qui ont jusque-là cherché à blâmer la victime plutôt que le criminel