Non mais on va éviter de prétendre qu'on sort les mêmes arguments que les anti-IVG, merci bien. La malhonnêteté intellectuelle me soûle alors on va expliquer précisément en quoi ce n'est PAS la même problématique.
Quand on dit qu'un homme doit assumer les conséquences d'une grossesse, c'est tout simplement parce qu'on ne parle pas de la même chose. Au niveau de la femme qui gère une grossesse, on parle encore d'un embryon (qui légalement n'a aucune existence juridique avant les 12 semaines et qui n'est pas viable en dehors du corps de la mère). Donc, si une femme souhaite avorter ou laisser l'embryon se développer, c'est elle qui a tout pouvoir là-dessus, parce que ça concerne son corps. A ce stade, le père n'a aucun pouvoir et c'est une inégalité biologique à laquelle on ne peut rien, parce qu'on ne peut tout simplement pas forcer une femme à 1) avorter, 2) ne pas avorter. C'est entièrement son choix parce que c'est de son corps qu'il s'agit et c'est elle qui subira les conséquences d'une grossesse pendant 9 mois et d'un accouchement (avec tous les risques que cela présente sur la santé). C'est donc un choix qui relève de son droit le plus strict (droit à disposer de son corps).
Au fait je rajoute qu'on n'a pas à juger des raisons qui poussent une femme à avorter ou au contraire à poursuivre la grossesse, hein. Une femme peut parfaitement ressentir dès le départ un attachement au foetus, et le voir comme un bébé en puissance dont elle ne veut absolument pas se séparer sous peine d'en souffrir. C'est quelque chose d'intime, et ce serait aussi monstrueux de forcer une femme à avorter que de forcer une femme à poursuivre une grossesse. Bref, on n'a pas à reprocher à qui que ce soit de poursuivre une grossesse, pas plus qu'on ne peut reprocher à qui que ce soit de souhaiter avorter, parce que peut-être que pour la femme en question ça ne paraissait pas tant un choix qu'une nécessité ; tout dépend du ressenti de chacun, et aussi parfois des croyances.
Maintenant, pour revenir à la situation du père : dans le cas d'une grossesse, au niveau du père, il ne s'agit pas de son corps. Même si c'est son sperme qui a participé à produire le foetus, le père ne le porte pas dans son corps, ne subit pas la grossesse et l'accouchement, et n'a donc aucun pouvoir sur la poursuite ou l'interruption de la grossesse puisque c'est le droit exclusif de la femme (ce qui est normal, dans le cadre légal).
Il est donc malhonnête et faux de parler de "droit à disposer de son corps" dans le cas des pères, et donc de faire un parallèle avec les revendications des femmes pour le droit à l'IVG. Les pères, en cas de grossesse non désirée, ne sont pas dépossédés de leur corps (puisque le "produit" de leur sperme n'est pas leur corps et n'en fait pas partie pendant le temps de la grossesse). En fait, comme on l'a expliqué, les pères n'ont pas de moyen d'action sur la grossesse tant que c'est encore possible (quand c'est un embryon), ils n'ont donc effectivement pas le choix et doivent s'adapter à la décision de la mère de poursuivre ou non la grossesse. On n'y peut rien, ça part d'une inégalité biologique. Maintenant je vais expliquer pourquoi ils n'ont pas le choix non plus une fois que le bébé est né, et en quoi ça se justifie.
Imaginons que la femme a fait le choix de poursuivre la grossesse et qu'on se trouve à la naissance du bébé. Imaginons que le père ne souhaite pas reconnaître son enfant et qu'il ne souhaite pas lui verser une pension. Au niveau légal : on parle maintenant non plus d'un embryon, mais d'un bébé qui est né, qui a des droits humains et qui a droit au soutien financier de ses deux parents biologiques (pour pouvoir vivre la meilleure vie possible). A ce stade, ce ne sont plus les intérêts ou la volonté des parents qui priment, mais bel et bien ceux de l'enfant. Voilà pourquoi (même si ça paraît injuste pour l'homme) il ne peut effectivement rien faire d'autre que payer et assumer sa responsabilité (si ça lui est demandé). Une plus grande injustice serait de laisser l'enfant démuni à cause des choix d'un ou de ses deux parents, et c'est bien pour cela que cette loi existe. Ne pensez pas que des magistrats plus qualifiés que vous n'y ont pas longuement réfléchi et n'ont pas retourné le problème dans tous les sens, pour trouver la solution la "moins pire" en privilégiant l'enfant.
D'ailleurs pour ceux et celles qui estiment qu'une femme peut toujours (ou devrait ?) avorter si le père ne veut pas d'enfant, je vous signale que l'avortement n'est pas toujours possible. Une femme peut très bien avoir dépassé le délai légal, avoir fait un déni de grossesse... Ou encore, un homme peut prétendre qu'il soutient la femme et l'aidera à élever l'enfant financièrement, et se défiler quelques mois plus tard. Il faudrait laisser la femme tout payer et laisser l'enfant souffrir du manque d'argent ?
Bref, cette loi est faite avant tout pour protéger l'enfant (j'ai bien dit l'enfant, pas l'embryon, donc merci de ne pas repartir en HS sur l'IVG, qui est une autre question).
Alors maintenant, je ne suis pas en train de dire que ces situations sont toujours souhaitables, toujours justes ni toujours morales. Il y a des situations qui craignent vraiment (femmes qui font sciemment "un enfant dans le dos"). Mais si on modifiait la loi, on aurait des situations encore plus injustes pour l'enfant (qui n'a rien demandé à personne, qui est le seul à n'avoir aucune responsabilité dans l'histoire et qui est celui que la loi privilégie toujours).
Le fait est qu'on n'y peut pas grand-chose, si ce n'est (attention solution miracle) développer la contraception pour hommes. Ce serait le seul moyen valable (et juste) de leur redonner du pouvoir sur la situation, parce que comme je l'ai expliqué on ne peut pas leur donner du pouvoir sur la grossesse (à moins de léser les femmes et leur droit à disposer de leur corps) et on ne peut pas non plus leur permettre de ne rien assumer après la grossesse (à moins de léser l'enfant qui a des droits une fois qu'il est né, et dont le père biologique est un minimum responsable).
A eux donc de se bouger pour ça. Je rappelle que les hommes détiennent la grande majorité du pouvoir économique, politique et culturel, et qu'ils sont à la pointe de la recherche scientifique. S'ils souhaitent vraiment une contraception, ils peuvent l'obtenir (à moins que celle-ci existe déjà mais que les hommes, malgré leurs chouineries, ne souhaitent pas se taper les effets secondaires de la pilule que les femmes supportent déjà ? Oups terrain glissant...)
Mais l'amélioration de leur situation ne se fera pas en piétinant les droits des femmes, ni ceux des enfants. Attention aux combats que vous soutenez, ça pourrait vite se retourner contre vous en cas de dérives.