Simone Veil a qualifié d'"inimaginable, insoutenable et injuste" la proposition de Sarkozy sur la "Shoah"
La critique de Simone Veil, ancienne déportée, présidente d'honneur de la "Fondation pour la mémoire de la Shoah" s'ajoute à de nombreuses autres.
"On ne traumatise pas les enfants en leur faisant le cadeau de la mémoire d'un pays", a plaidé N.Sarkozy en défendant l'idée de "confier la mémoire" d'un enfant victime de la Shoah aux élèves de CM2.
La plupart des détracteurs de ce projet, au sein du corps enseignant comme chez les psychologues, invoquent des "risques psychologiques", notamment celui de provoquer chez des élèves de 10 ans une forte culpabilité.
"On ne traumatise pas les enfants en leur faisant ce cadeau de la mémoire d'un pays, pour leur dire : un jour, c'est vous qui écrirez l'histoire de ce pays. Nous, nous en sommes la mémoire, ne refaites pas les mêmes erreurs que les autres", a plaidé le chef de l'Etat lors d'un déplacement dans une école de Périgueux (Dordogne).
"C'est d'autant plus nécessaire (...) que les survivants de cette époque tragique de notre histoire vont disparaître (...) les témoins ne seront plus, et les témoins, pour que ça ne se reproduise plus, ce sont nos propres enfants qui, de génération en génération, se transmettront ce souvenir", a-t-il expliqué lors d'un discours. "Un jour, on a voulu tuer des enfants de leur âge, au nom d'idées barbares, au nom d'idées inadmissibles, il y a eu des fautes qui ont été commises en Europe, et dans notre pays (...) les enfants doivent porter la mémoire de cela, parce que les enfants seront demain des adultes."
L'initiative du chef de l'Etat a été annoncée mercredi soir lors du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Elle a provoqué la surprise et l'agacement du corps enseignant, mais aussi d'une partie de la classe politique et des médias, qui déplorent un manque de concertation.
"Quand je vois ce petit tumulte, je me dis, mon Dieu, on fait un grand tumulte là-dessus et on n'en fait pas sur, parfois, ce que comme films nos enfants regardent, ce qu'on leur laisse d'images violentes, dégradantes et gratuites", a lancé le chef de l'Etat.
Le projet Sarkozy sur la Shoah
A partir de la rentrée 2008, chaque élève de CM2 devra connaître le nom d'un des 11.000 enfants morts en déportation pendant la Seconde guerre mondiale : il devra faire "une petite enquête sur la famille, le milieu, les circonstances dans lesquelles l'enfant a disparu", a précisé jeudi Xavier Darcos, le ministre de l'Education nationale. "Cette relation personnelle, affective pourra ensuite permettre de construire un travail pédagogique", a-t-il estimé alors que l'enseignement de la Shoah est aux programmes du CM1 et CM2.
Xavier Darcos a chargé Hélène Waysbord-Loing, présidente de l'Association de la Maison d'Izieu, d'une mission "en vue d'élaborer les documents pédagogiques valorisant ce travail confié aux enseignants du primaire". Le ministre a aussi reconnu que l'idée était "un peu normative" et promis de ne pas "mettre un policier dans chaque classe de CM2".
Les critiques de Simone Veil
Interrogée par l'express.fr, elle déclare qu'"on ne peut pas infliger ça à des petits de dix ans". "On ne peut pas demander à un enfant de s'identifier à un enfant mort. Cette mémoire est beaucoup trop lourde à porter", ajoute-t-elle.
"Nous mêmes, anciens déportés, avons eu beaucoup de difficultés après la guerre à parler de ce que nous avions vécu, même avec nos proches. Et aujourd'hui encore, nous essayons d'épargner nos enfants et nos petits-enfants. Par ailleurs beaucoup d'enseignants parlent - très bien - de ces sujets", ajoute Mme Veil.
Pour elle, la suggestion de M. Sarkozy risque aussi d'attiser les antagonismes religieux : "Comment réagira une famille très catholique ou musulmane quand on demandera à leur fils ou à leur fille d'incarner le souvenir d'un petit juif?", s'interroge-t-elle.