I-Love-You a dit :
Et des noirs dans les camps nazi ?
Personnellement les noirs, les tziganes, les homosexuels, les handicapés mentaux ou encore les communistes... J'en ai entendu parler en cours d'histoire en troisième ! Peut-être que j'avais une prof particulièrement investie, mais je n'en ai pas l'impression. Et au-delà des cours d'histoire eux-mêmes ce sont des choses qui se savent, je n'ai pas l'impression que se soit plus "caché".
Vous semblez croire que parler d'un génocide s'apparente à l'oubli des autres massacres de l'histoire, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Lorsqu'on cite le problème des Malgré-Nous, je crois vraiment que ça n'a pas de lien avec le génocide juif dans le sens où ce n'est pas en parlant moins ou plus du génocide juif que ça favorisera le dialogue sur le problème de l'Alsace. C'est un autre problème, comme l'a été la guerre d'Algérie pendant longtemps, ou la question de l'enseignement de la colonisation/décolonisation. C'est un travail que la France a à faire sur son histoire, globalement, qui ne s'apparente pas à "moins parler d'un génocide pour laisser plus de place à tel massacre", sinon ce serait trop facile.
Ensuite pour ce qui est du génocide juif en tant que symbole, il faut arriver à l'aborder du point de vue de la notion même, ce n'est pas simplement le factuel ou si j'ose dire l'événementiel. Ce n'est pas une question de chiffres ou de peuple, c'est une notion universelle dans le sens où l'extermination a été projetée, orchestrée, l'antisémitisme attisé. Il y a une différence fondamentale, sans y voir de hiérarchie dans l'horreur, entre l'extermination d'une catégorie de la population jugée comme nuisible dans le sens où elle est infra-humaine, et l'extermination d'un peuple jugé comme dangereux, détestable, le fantasme d'un véritable combat "contre" les juifs et non plus d'une purge "pour" les Aryens. L'extermination des tziganes ou des noirs se fait "pour" la suprématie Aryenne tandis que l'extermination des juifs se fait "contre" le concept antisémite de "Juif". Cette distinction est nécessairement ce qui en fait un symbole de la haine de l'autre : on n'est pas en train de parler des juifs ou du peuple juif mais de la notion d'une entité juive chez l'antisémite. C'est en cela qu'on peut parler de plusieurs niveau d'antisémitisme, qu'il soit social et économique, raciste ou autre... Pour reprendre l'exemple des Tziganes, ils ont été martyrisés par différents peuples à travers le temps, d'une façon purement inacceptable. Cependant ils ont été martyrisés parce que considérés comme inférieurs et donc nuisibles. Il n'y a pas eu une "diabolisation" des Tziganes, mais un mépris, une façon de les voir comme des sous-hommes, et dans la démarche même c'est une différence fondamentale. Je ne vous parle pas, encore une fois, d'échelles d'importance ou d'hiérarchisation de l'horreur, je vous parle d'un fossé entre deux façons de concevoir l'extermination, deux pensées à l'origine de l'horreur. La distinction fondamentale se trouve dans le raisonnement, la chaine causale qui crée l'événement, on ne peut pas limiter ça aux massacres en eux-mêmes et induire qu'ils sont tous "égaux". Ils ne sont pas égaux, ils sont différents, partant de démarches différentes, faisant de l'extermination du peuple tzigane, par exemple, une extermination raciste de ceux qu'on considère comme des sous-hommes, tandis que l'extermination des juifs demeure, à mon sens, bel et bien le symbole d'une haine profonde de l'altérité.
Pour finir je vous renvoie à un livre de Sartre, Réflexion sur la question juive, qui, bien que je ne sois pas en accord avec tout, exprime la distinction qu'il faut faire entre les juifs et Le Juif, c'est-à-dire le concept d'une entité juive dans la représentation antisémite.
Nous somme en mesure, à présent de le comprendre. C'est un homme qui a peur. Non des Juifs certes: de lui-même, de sa conscience, de sa liberté, de ses instincts, de ses responsabilités, de la solitude, du changement, de la société et du monde; de tout sauf des Juifs.
Cependant je ne suis, pas plus que vous, en train de dire que je pense qu'un enfant de dix ans peut ou doit forcément le saisir.