@Yuelia @Juda Bricot @123pourquoi sur la question de la législation française, actuellement
la loi Leonetti évoque la possibilité de mettre fin à un traitement maintenant en vie au vu des conditions de cette existence. Elle définit l'acharnement thérapeutique comme une "obstination déraisonnable". Concrètement, la décision d'interrompre un traitement maintenant en vie est censé être pris de manière collégiale par l'équipe soignante. Le problème se pose 1- quand il y a une dissension grave dans l'équipe soignante ; 2- quand la famille exprime sa volonté de prolongation des traitements et que le patient n'a pas fait connaître de manière explicite et vérifiable son désir. C'est typiquement le cas de Vincent Humbert où la famille était en opposition interne (conjointe vs parents) et externe (parents vs équipe soignante).
Pour revenir à la question "pourquoi empêcher quelqu'un de se suicider ?", je vois plusieurs volets à cette question.
Le volet individuel : pourquoi vous en tant que personne, vous interviendriez pour empêcher un suicide ? Cette question n'est pas inintéressante et les réponses peuvent être très diverses et très variablement appréciées. Mais ça reste sur le plan individuel et on peut difficilement en dégager un cadre général. On trouve des réponses qui vont de "convictions religieuses" à "tout peut s'arranger" en passant par "j'ai peur de me faire poursuivre pour non assistance à personne en danger".
Le volet légal : je ne pense pas qu'on puisse être poursuivi pour chercher à se suicider ou pour avoir tenté de le faire. Légalement rien n'empêche le suicide. De la même manière, la notion non assistance à personne en danger est assez souple sur ce point. Là où ça coince c'est que l'incitation au suicide est, il me semble, est réprimée. Et l'assistance au suicide (en gros aider, fournir les moyens de se suicide ou effectuer le geste létal en se substituant à une personne ne pouvant l'effectuer elle-même) également (je ne sais pas si on est dans l'homicide, mais c'est réprimé).
A mes yeux ça s'explique par la notion de liberté individuelle : choisir de rester en vie ou non est la liberté individuelle ultime, qui ne devrait engager que l'individu.
Le volet social : là c'est plus compliqué. Du point de vue social, la collectivité n'a pas intérêt à trop empêcher ses membres de de suicider si ils le souhaitent car elle a tout à gagner à concentrer ses efforts sur les individus qui souhaitent rester en vie (réputés plus productifs et plus investis puisqu'ayant un intérêt à la vie) , mais elle n'a pas non plus trop intérêt de banaliser l'acte de la mort volontaire car elle a besoin d'une certaine stabilité : elle doit savoir combien de membres elle regroupe et qui ils sont. Elle doit assurer sa propre reproduction (favoriser la fécondité mais pas trop pour ne pas risquer de pénurie), elle doit assurer un fonctionnement relativement stable et s'assurer que les institutions fonctionnent correctement pour assurer la survie collective. Or, le désir de mort étant relativement répandu, la collectivité a intérêt à développer des outils sociaux qui découragent du suicide. En gros, seul-es les plus décidé-es doivent pouvoir entreprendre et réussir le suicide.
A la relecture ça sonne un peu comme de l'évolutionnisme de cuisine, du style "l'humanité a intérêt à sa propre survie". Mais en soi je ne trouve pas ça idiot, toutes les espèces animale (humains compris) ont intérêt à leur survie en tant qu'espèce.
Bon, ça c'est pour la théorie. Dans les cas de suicides dont je suis assez proche pour en connaître ou en déterminer les motifs, il y a à chaque fois des éléments extérieurs à la personne et objectifs (handicap lourd, rupture, faillite financière, solitude) qui ont, a minima, été un vecteur de la décision du suicide. Et là je rejoins
ce message d'
@AprilMayJune sur l'intérêt de se pencher sur les raisons qui font que l'envie de mort s'exprime. Si X n'avait pas été poussé à la faillite financière, pris à la gorge sans ressources, il ne se serait pas suicidé (je prend cet exemple parce qu'il a laissé un mot parfaitement explicite sur la honte insoutenable de se voir réduit à la mendicité pour survivre). J'ai tendance à penser que dans tous ces cas, il y a une défaillance sociale envers les individus qui ne leur laisse pas d'autre échappatoire.
Dans les cas des personnes qui sont de l'autre côté du spectre de la motivation, c'est-à-dire celles qui, à terme d'une réflexion sur la vie, la mort, le sens de la vie et les raisons de l'existence, expriment un désintérêt pour la vie, j’exonère la collectivité de toute responsabilité. La collectivité doit (dans ma vilaine vision socialo-gauchiste, le qualificatif n'est pas de moi) fournir des possibilités d'existences pour ses membres, pas trouver un sens à leur vie à leur place.