Je suis hyper étonnée que certaines personnes aient l'impression que reprendre des histoires existantes pour en faire un remake, c'est "une nouvelle tendance", que c'est un manque de créativité et que c'est très gênant parce qu'on ferait mieux d'inventer "de nouvelles histoires". Les réécritures sont un phénomène littéraire et artistique millénaire, elles sont à l'origine de nombreux chefs d'oeuvre et ce "genre" est étudié à l'université avec de nombreuses grandes figures de l'art et de la littérature qui s'y sont adonnées. Parfois, la dernière version devient même plus populaire que la première (ex : le conte de la Belle au bois dormant plus connu aujourd'hui via Perrault que via Basile ou Don Juan plus connu via Molière ou Mozart que via Tirso de Molina).
Donc moi, je n'ai absolument jamais vu de soucis à ce qu'une grosse franchise populaire américaine soit reprise et réécrite à la sauce moderne. C'est un exercice créatif très classique, qui a de gros intérêts à la fois sur le plan créatif et sur le plan de la réflexion sur soi-même et le monde.
J'ai l'impression qu'on trouve parfois ça plus brillant de réécrire une histoire du 18e siècle en mode téléfim du lycée au 21e siècle qu'un truc qui n'a que 10 ans, alors que c'est exactement le même procédé et que la réécriture d'un truc récent est tout aussi intéressante. Les changements n'ont pas besoin d'être spectaculaires pour que la réécriture soit intéressante. Je trouve certaines réécritures Disney (qui étaient déjà des réécritures d'histoires extérieures à Disney) très intéressantes pour ma part, notamment la Belle et la Bête, Maléfique et Aladdin. Non pas que le film était forcément génial, mais que les quelques changements qui ont pu être faits sur une trame pourtant identique peuvent faire basculer totalement le regard qu'on porte sur les personnages. Personnellement, je trouve ça extrêmement intéressant.
Et d'ailleurs, en soi, une franchise comme James Bond est une réécriture perpétuelle de la même histoire. Chaque acteur de James Bond joue une version différente du personnage, le modifie, apporte un regard nouveau sur son univers. Peut-être que certaines personnes considèrent que James Bond incarné par Sean Connery est exactement la même personne que James Bond incarné par Daniel Craig, que leurs aventures s'inscrivent dans une vraie continuité, mais ce n'est pas du tout mon cas. Pour moi, ce sont clairement deux interprétations et deux réécritures d'un même personnage et non le même personnage.
Je suis d'accord ceci dit avec
@Vogel. Ce que j'aurais trouvé vraiment intéressant, ça aurait été de poursuivre le travail de Daniel Craig qui avait fait de James Bond un personnage bien plus ouvertement puant et dérangeant que ses prédécesseurs qui maquillaient sa misogynie crasse sous une forme d'élégance - Craig lui-même ne trouve pas spécialement que JB est quelqu'un de bien. Le James Bond de Craig est un homme violent qui méprise les femmes, mais aussi un homme dont l'hypersexualité n'est pas forcément hétérosexuelle, et tout ça, je trouve que c'est hyper intéressant parce que ça nous oblige à questionner nos schémas via cette figure décennale de James Bond. J'aurais aimé que cette analyse aille un peu plus loin, qu'on explore plus le concept de virilité toxique dans la franchise, et je trouve que quelque part, c'est une plus grande facilité de chercher à être progressiste en mettant en avant une femme plutôt que de vraiment chercher à questionner le modèle masculin qu'on promouvait jusque là.
Mais en dehors de ça, je ne vois pas le souci à réécrire la franchise en mettant une femme noire en avant et James Bond en retrait. Pourquoi pas? Des millénaires d'artistes ont fait ça avant les créateurs de James Bond, je ne comprends pas trop en quoi le concept pose problème en lui-même.
Jusqu'à présent, les règles de la réécriture de James Bond, c'était de garder un personnage très similaire, mais si la nouvelle règle c'est de prendre plus de liberté avec le personnage, certes ce n'est plus exactement le même type de réécriture et ça ne va pas intéresser tout le monde, mais ça a du sens aussi.
Et sinon, juste par rapport aux commentaires trolls sur "on va réécrire l'histoire", je souligne que non seulement la réécriture littéraire est un procédé littéraire bien connu, car l'art n'est pas supposé être figé éternellement, bien au contraire, donc rien à voir avec des faits historiques, mais en plus nos représentations historiques telles qu'elles sont illustrées dans l'art, la littérature et la fiction, ce ne sont pas des faits. Ce sont des interprétations liées à notre époque. Le monde du passé complètement blanc et très masculin, ce n'est pas la réalité historique, c'est notre représentation moderne du passé. Donc même pour la représentation de faits historiques, l'introduction de plus de diversité n'a rien à voir avec vouloir se donner un air woke, c'est simplement questionner nos représentations récentes et parfois au contraire se rapprocher d'une vision du passé plus nuancée et proche de la réalité que celles dont les représentations du 20e siècle et du début du 21e siècle se sont nourries.