Mon propos ne vise pas la vie de Northup Solomon mais vise ce que Hollywood se sent obligé, impose et s'impose, pense être normal, etc...(au choix) dans les critères pour scenariser des histoires puis tourner des films calibrés pour les Oscar. Cela retire tout spontanéité ou au contraire tout le fond historique, ou l'aspect polémique ou encore analytique d'une oeuvre, d'un fait historique, d'une crise etc...Et c'est le cas de 12 years a slave qui joue uniquement sur les ressorts de l'affect qui fait appel uniquement à l'émotion sans faire appel à une réflexion plus profonde sur cette histoire américaine qui a des impacts encore aujourd'hui. Aller au-delà de l'affect pour vraiment contextualiser, saisir et faire saisir l'importance de l'histoire des Afro-américains dans l'histoire américaine. Mais aussi s'interroger sur la façon dont ils ont été perçus et comment des politiques ont pu traverser le temps etc...
Alors, autant je trouve la critique sur la "tokenisation" des minorités à Hollywood dans le but de gagner des "woke points" très intéressante, autant je trouve surprenant d'utiliser, pour illustrer ce problème, un film comme "12 years a slave", qui est le projet très personnel de Steve McQueen, c'est-à-dire un des très rares réalisateurs noirs à avoir été oscarisés, et dont le travail était déjà encensé par la critique avant la sortie de ce film
Steve McQueen n'avait pas besoin gagner des "woke points", et il n'avait pas besoin de faire un film calibré pour les Oscars. "12 years a slave", ce n'est pas un film de commande, réalisé par un blanc qui voulait faire sa promo en passant pour super "woke". C'est le film d'un homme noir qui a eu envie d'utiliser sa réputation et sa notoriété en tant que réalisateur pour mettre la lumière sur l'histoire d'un autre homme noir, histoire qui lui semblait injustement méconnue. On est libre de trouver le film bon ou pas, mais je trouve vraiment étonnant de douter ainsi de sincérité de la démarche juste parce que le film reste dans l'affect et "n'intellectualise" pas l'esclavage. Et étonnant de l'associer automatiquement à un Hollywood blanc qui "s'impose" des choses, se sent "obligé" de "repentir".
Je trouve très étonnant aussi de lui opposer "Danse avec les loups", qui traite peut-être d'un sujet peu abordé à l'époque de sa sortie, mais qui de nos jours offre une vision plutôt consensuelle de l'histoire des Amérindiens. ça reste un film réalisé par un blanc, qui se base sur un roman écrit par un blanc, dont le héros est blanc. Dans le genre "film fait par le Hollywood blanc pour s'acheter une conscience", ça se pose vraiment là, quoi. On a quand même vu mieux pour représenter les Amérindiens. J'ai lu des auteurs Amérindiens, le moins qu'on puisse dire, c'est que le ton n'est pas tout à fait le même, et que le propos est un peu moins édulcoré.
Enfin, dernier point : pourquoi un film portant sur l'esclavage devrait-il absolument nous apprendre des choses et ne pourrait pas se contenter de montrer la brutale réalité de ce qu'était l'esclavage, sans plus d'intellectualisation ? C'est très bien, de faire un film qui apprend des choses à son public, mais il ne faut pas oublier que l'esclavage, ce n'est pas juste un épisode historique, ce n'est pas juste un sujet d'étude, ce n'est pas juste quelque chose de très théorique, c'est aussi des millions de vies bien réelles qui ont été touchées dans l'intime, et je ne vois pas le problème à juste parler de ça, à juste rappeler que derrière, il y a des tragédies humains qui se sont jouées. Parce qu'à trop vouloir intellectualiser la chose, c'est tout l'aspect humain qui finit par passer à la trappe.