J'ai dévoré
Mille petits riens de Jodi Picoult.
Quelle claque! Je l'ai lu avec une boule au ventre et des noeuds dans le cerveau.
Boule au ventre parce que, en tant que cis blanche hétéro ni trop grosse ni trop maigre (à un chromosome près du st graal de la tranquilité citoyenne, donc), le racisme je pensais savoir ce que c'était mais cette lecture a vraiment bouleversé la vision (bien pauvre) que j'en avais. D'ailleurs j'apprécie d'autant plus que l'autrice ait pris la peine de se documenter avant d'aborder cette thématique. Alors, soyons clair: non, je ne sais toujours pas ce que c'est que d'être Noire, et je ne le saurai jamais, néanmoins cette lecture m'a ouvert des fenêtres (sur des paysages pas bien beaux, d'ailleurs) et ça m'a chamboulée. Et puis alors cette plongée dans le quotidien de suprémacistes blancs, tellement de détails qui m'ont filé la nausée.
Des noeuds au cerveau parce que ce livre est bourré d'infos, de thèmes, de détails tellement durs à concevoir et/ou à accepter. On a tellement tendance à "isoler" le raciste en oubliant qu'il a une vie, qu'il peut être fou amoureux, qu'il veut le meilleur pour ses enfants, qu'il souffre lorsqu'il perd un enfant: ce mélange d'humanité et d'inhumanité en une seule personne me perturbe. Et puis cette sensation du serpent qui se mord la queue: les racistes proclamés, celleux qui se jugent non racistes mais qui ne s'insurgent pas (parce que souvent leur position fait qu'iels ne s'en rendent même pas compte, moi la première) contre le système qui insidieusement les privilégie alimentent la rancoeur des personnes de couleur, et parfois cette rancoeur déborde (c'est bien compréhensible), est mal perçue et alimente les discours racistes et c'est reparti pour un tour... Prendre conscience de ça me démoralise un peu (et la terreur que m'inspire l'idée que les nouveaux skinhead font volontairement profil bas pour distiller la peur au compte-goutte au sein de la population)
Concernant l'écriture en elle-même, tout est fluide, la trame est bien ficelée, la présentation en "roman à 3 voix" est parfaite. J'ai trouvé une partie de la fin un peu tirée par les cheveux, même si je comprends que l'autrice avait envie de caser toutes les situations possibles.
Ce roman, je l'ai lu par longues tirades en apnée, jusqu'à ce que l'écoeurement, l'injustice me fasse lever mon nez du livre, pour faire une pause et "oublier" un peu. Oublier, un privilège qui n'est jamais octroyé aux Noirs. Sûrement le message le plus important de ce livre.