Ca me questionne : d'un côté, je "valorise" une industrie et l'économie d'un pays, de l'autre, voyager quelques jours au sein d'une culture, c'est un peu court pour dire qu'on la connaît...
Pourquoi vouloir dire que tu connais cette culture ? Je pense que beaucoup d'actes de consommation peuvent être vécus comme de l'appropriation, quel que soit le niveau de connaissance de la personne qui consomme. Donc pour moi ça ne doit pas guider tes actes.
Ensuite effectivement acheter à des personnes issues de la culture, c'est une façon de rémunérer au lieu de voler purement. Mais çe ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'impact. Le tourisme notamment, a un fort impact négatif sur certains pays visités, en créant des déséquilibres, des perturbations, tout comme il peut avoir un impact positif, en apportant des ressources. De même si tu achètes un Tshirt représentant un motif sacré dans un pays, vendu par un-e habitant-e du pays, tu auras rémunéré cette personne, mais est-ce que ça autorise à trivialiser cet élément sacré ? Note bien que je ne réponds pas à cette question, principalement parce que je pense qu'il n'y a jamais UNE seule réponse. Les situations sont complexes, les points de vue sur l'AC aussi, ce qui n'excuse pas de ne pas faire de notre mieux pour casser le cycle de l'exploitation raciste de cultures dominées.
Pour avoir une vision la plus claire possible de nos responsabilités et des conséquences de nos actes, je pense qu'il faut se questionner sur les impacts potentiels :
- est-ce que je rémunère à hauteur de ce que je prends ? qui est-ce que je rémunère ?
- est-ce que ce que je prends va être visible par des personnes qui pourraient être blessées par mon comportement ?
- est-ce que je tire un profit de ce que je prends (en terme d'image, en termes financiers) ?
- est-ce que je ne m'intéresse à cette culture que par ce qu'elle peut m'apporter ou est-ce que je sais ce que vivent les personnes qui sont issues de cette culture, et les éventuels privilèges que je peux avoir par rapport à elleux ?
- en particulier, est-ce que le fait de revendiquer cet élément culturel que je prends, comme faisant part de ma décoration, de mon imaginaire, de mon esthétique, est possible pour moi mais n'est pas possible pour quelqu'un issu de cette culture (dreadeux blanc-he-s je pense fort fort à vous) ?
- est-ce que le fait de prendre cet élément bien que vendu par des personnes issues de cette culture, dans le pays d'origine, et de l'utiliser comme on souhaite le faire est respectueux de la culture concernée ?
A nouveau, je ne crois pas qu'il existe de réponse toute faite, mais qu'il est possible de mener des réflexions systématiques, et nous positionner au mieux, afin de faire des choix les plus éclairés possible, et prendre nos reponsabilités.
(edit) et une réflexion personnelle sur l'idée de "déconstruction" : je crois que cette phase n'existe pas vraiment, ou peut-être qu'elle est mal nommée. J'ai l'impression qu'il y a derrière ce terme l'idée qu'il y aura une phase ultérieure, une phase "déconstruite". Or je crois que c'est un des dangers du militantisme des "alliés" : vouloir atteindre une phase qui donnerait un laisser-passer, une phase de confort, d'expertise ou de maîtrise. Or pour moi il n'y a pas de fin à la "déconstruction", mais plutôt une prise de consience de plus en plus complexe des impacts de nos actions, et forcément, un compromis permanent entre nos engagements intellectuels et nos actions pratiques, qui doit nous appeler en permanence à une certaine humilité.
Exemple bête : j'ai le souhait d'être le plus végan possible, je ne mange plus de produit issus d'animaux, ni n'achète de vêtement avec des produits animaux, mais j'utilise des infrastructures comme les routes qui perturbent les habitats naturels et tuent des animaux, je consomme des légumes issus de monocultures intensives qui polluent la terre et détruisent des écosystèmes, etc. Ou autre exemple : j'ai un téléphone dont les ressources ne sont pas issues de pays en guerre et est construit dans des usines avec une certaine exigence de conditions de travail, mais j'ai un ordinateur, des consoles de jeu, des écrans, qui ne respectent pas ce cahier des charges. Donc les choix que l'on fait s'inscrivent toujours dans un contexte, dépendent parfois des privilèges que la société nous donne, et ont des impacts à des degrés divers et complexes.