Le vrai problème de "Je ne suis pas comme toutes les autres filles", c'est qu'effectivement c'est empreint de misogynie, et qu'il faudrait dire "Je ne suis pas comme tous les autres gens". Mais ça reste inexact bien sûr. Personne ne se ressemble exactement, pas même les jumeaux monozygotes, et chacun est différent de toute façon...mais on l'est plus ou moins.
Ça ne vient pas de nulle part, pour celles et ceux qui affirment cela. Mais d'une blessure profonde, souvent ouverte à l'adolescence. Au collège et lycée, la pression sociale est énorme. Quiconque ne s'habille pas, ne fait pas, et n'aime pas les mêmes choses que tous les autres, aura une vie d'enfer. En réalité, les tourmenteurs n'apprécient pas forcément ces choses, mais font comme si. Le conformisme est alors très fort, et "Tu n'es pas comme tout le monde !" une insulte. Celui/ celle qui entend cette assertion finit par l'intérioriser. Et soit par se déprécier, (surtout une fois sorti(e) du milieu scolaire), soit par se dire: "Je suis différent(e)? Très, bien, ce sera ma force." Le problème, est quand ça s'accompagne de mépris pour ces fameux autres...mais comment s'en étonner, quand on a eu des condisciples qui se comportaient de façon ni très gentille ni très intelligente? Ils n'ont rien fait pour qu'on les admire...
Dans le cas des femmes, il y a, en sus, le pression de devoir correspondre à un idéal féminin. Lequel? Je constate que la "cagole" proposée en contre exemple (sans méchanceté pour les cagoles réelles, mais elles sont les plus proches de la parodie présente) est une caricature extrême du genre féminin. Avec le fameux sous-entendu que ce qui est féminin est mal, mais de façon optimiste peut-être, je me disais qu'en affirmant: "Je ne suis pas comme les autres filles", on veut dire: "Je ne correspond pas à la façon dont la société patriarcale oblige les filles à être." Soit la "putain" (la caricature dont je parlais à l'instant) qui est hypermaquillée, court après les hommes, est peu vêtue...Soit la vierge ou la mère, selon son âge, qui est polie, gentille, délicate, habillée chic (jusqu'ici pourquoi pas) mais, argh, soumise, façon femme de Stepford! Pas étonnant de n'être tentée ni par l'un ni par l'autre. Or on est sûrement plus nombreuses qu'on le pense à prendre une troisième option, cependant.
Connaissez-vous le manga
Switch girl? Nika, l'héroïne, a au naturel un mode off. Elle porte des lunettes, lit des mangas shonen, aime les aliments au goût très fort (voire désagréable) , a des culottes laides et usées (mais pas de soutien-gorge), traîne en pyjama, joue aux jeux vidéos, pète sans retenue, ne se maquille et ne se coiffe pas, ne range pas sa chambre...
Mais son mode "on" (public, notamment au lycée) est très différent. Elle est toujours impeccablement coiffée, maquillée, habillée, a des lentilles, va jusqu'à porter des sous- vêtements "à risque" (jolis) quand on risque de les voir (les jours où il y a EPS). Et bien sûr prétend avoir des goûts qu'on pourrait qualifier de féminins. Le tout dû à une déception amoureuse quand elle avait onze ans: son crush d'alors lui a mis un râteau pour une fille plus coquette. Ça donne la Nika présente, fille la plus populaire de son lycée. Mais dans le présent, elle trouve néanmoins un garçon qui l'aime telle qu'elle est.
Mais des filles comme elle en mode off, il y en a plein, non? Non! Dans le manga, elle n'en rencontrera qu'une seule autre, qui est Aya (et qui est fan d'anime en prime).
L'autrice, qui a mis beaucoup d'elle même en Nika, a l'air de penser qu'elle est l'exception (mode off) par rapport à la norme (mode on, ce que les filles seraient jusque dans l'intimité). En réalité, il est des filles on, off...et celles qui alternent les deux sans s'y sentir obligées.
Si on le croit, c'est que la pression de la société, via la culture populaire, y est pour beaucoup. L'image des femmes est beaucoup utilisée, mais presque toujours de façon très stéréotypée (belle, soignée, apprêtée, habillée à la mode, anorexique ou presque, etc). Encore une fois, rien d'étonnant à refuser ce carcan. Et à se croire la seule ou quasiment. Souvenez-vous du début du film
Le Diable s’habille en Prada: On voit la
morning routine d'un tas de femmes qui se révèlent très coquettes...toutes sauf l'héroïne, Andy. Alors qu'en réalité la moitié au moins des femmes fait comme elle!
Pas si unique qu'on le pense, mais le rejet n'est pas forcément pour la même raison.
Jusqu'ici j'aimais beaucoup ce dessin (dont il existe une variante)
mais parce que je le percevais comme une révolte contre ce que la société exige des femmes. En réalité, il se peut qu'il y aie aussi une forme de mépris pour les jolies blondes aimant se maquiller...
D'ailleurs, quel mal y a -t-il à se maquiller? On peut se maquiller, aimer lire, et s'habiller gothique à la fois pas vrai?
Depuis l'avènement d'internet, on remarque de plus en plus aisément que les autres en général et les autres filles en particulier sont une masse moins uniforme qu'on pourrait le croire.
Par exemple, il y a quelques années, j'ai lu que les youtubeuses parlant d'autre choses que de tutos maquillage étaient rares et ça me semblait dommage. Aujourd'hui (peut-être que les choses ont changé), je constate que je pourrais citer un paquet de youtubeuses parlant d’autre chose: de cinéma, de Disney, d'histoire, de récits criminels, d'urbex, d'archéologie, de littérature...