@Elliana (ou d'autres) je trouve ça toujours dommage de voir ces discussions comme des batailles, mais c'est je pense le problème de la notion de débat. Au lieu d'échanger, d'écouter les expériences des autres et d'aller vers plus de compréhension commune, le débat ou ou la bataille amène l'idée qu'il faudrait défendre ses opinions, entrer dans un affrontement d'idées pour déterminer une opinion valide. Et donc désigner des vainqueurs (c'est quoi le féminin de vainqueur ?) et des perdant-e-s. Alors qu'à écouter les expériences et les points de vue des un-e-s et des autres j'ai la faiblesse de croire qu'on en sort tou-te-s gagnant-e-s.
@La femme de Frank le souci de la critique de l'Islam telle qu'elle se déploie en ce moment dans notre société c'est qu'elle sert
principalement à stigmatiser les musulman-e-s français-e-s, et derrière de viser les maghrébins, d'utiliser cette partie de notre population pour créer un Ennemi commun. Il suffit de voir le point de départ de ces arrêtés, une rixe entre maghrébins et blancs, et comment on en arrive à parler de droits des femmes, de burkini, de terrorisme et d'islamisme. Je pense que tu admets volontiers que la critique de l'Islam cache parfois un racisme, donc je ne reprends pas les éléments qu'on a pu donner précédemment.
A partir de là je suis assez d'accord avec
@madmoizelle N : de quoi on parle ? Qu'est ce qu'on critique ?
Et surtout, comment on le fait, quels moyens on se donne ? Dans notre société, a fortiori dans la France du #JeSuisCharlie, c'est tout juste si le droit de taper sur les musulman-e-s n'a pas été inscrit dans la constitution, pour le bénéfice de celleux qui utilisent cette critique pour légitimer leur racisme. La France c'est réveillée avec 66 millions de spécialistes de l'Islam, de théologien-ne-s en mesure de dire ce qu'un bon-ne musulman-e doit faire ou pas. Mais rares sont les réflexions sur l'Islam qui sont menées en se donnant tous les moyens, en ayant étudié l'Islam, en maîtrisant les différents courants, en ayant soit-même une expérience de la religion, ou simplement en prenant le temps de mener cette réflexion, et pas juste en plein milieu d'un débat sur un tout autre sujet. Et bien souvent on ne s'en donne pas les moyens parce que l'objectif n'est pas la discussion de la religion, mais l'utilisation de cette discussion pour limiter les libertés de culte des musulmans (à nouveau je ne parle pas forcément de ce débat mais plus généralement de ce que j'observe dans les polémiques sur l'Islam).
Tu dis que tu fais une différence entre critiquer une religion et critiquer les croyant-e-s. Je pense que la disctinction, qui devrait être salvatrice, est cependant extrêmement fragile dans le contexte actuel, parce que la critique des religions, en particulier l'Islam, sert à introduire des privations de libertés bien réelles pour les croyant-e-s. Cette fragilité, c'est ce qui à mon avis devrait nous amener à être très prudent-e-s dans la façon dont on mène les discussions sur la religion musulmane. Les discussions qu'on peut avoir sur l'Islam n'interviennent pas dans un vide, elles interviennent dans un contexte :
1.
un contexte personnel (ce qui ne l'empêche pas qu'il soit systémique) : certaines Madz ici ont par exemple vécu des cantines où on n'avait rien prévu d'autre que du porc, certaines Madz ici ont vécu l'utilisation du "débat sur l'Islam" pour les infantiliser, certaines Madz ici ont vécu des violences parce qu'on les identifie à un Islam majoritairement fantasmé par des personnes non-musulmanes.
2.
un contexte de la discussion : quand dans une discussion sur un arrêté anti-burkini, pris à la suite d'une rixe dont personne n'est capable de dire si le fait religieux était le déclencheur, on (je ne vise personne, juste la direction prise par la discussion) en arrive à parler de musulmans qui en font trop, qui revandiquent trop de choses, est-ce qu'on est pas au delà du hors-sujet, dans une justification de ces mesures anti-musulmanes ? Il faut se poser la question de pourquoi la dérive est si facile.
3.
un contexte social : on observe depuis 10, 15, 20 ans un discours sur l'Islam récurrent, qui arrive souvent dans des périodes de crises sociales ou identitaires, et qui se solde souvent par des mesures très concrètes de limitations de libertés pour les musulman-e-s (aujourd'hui les mamans musulmanes sont toujours à la merci de la bonne volonté des équipes pédagogiques si elles souhaitent accompagner une sortie scolaire voilées). Et qui se traduit aussi par des violences comme des arrachages de foulard, des crachats, des agressions physiques, des agressions policières, des incendies de mosquée. (ou encore récemment
http://www.bfmtv.com/mediaplayer/vi...our-du-port-du-voile-sur-la-plage-851773.html, ou
ce restaurant de Tremblay qui refuse de servir des femmes musulmanes).
Au final pour moi on a toujours le choix : on peut exercer ce nouveau droit constitutionnel (
@Nour + Nad c'est du second degré
ne me cite pas la constitution
) qu'est la critique de l'Islam, la critique de la pratique de la religion musulman-e, le débat sur qu'est ce que l'Islam de France (
), sans prendre de pincettes,
sans s'intéresser aux conséquences de ces débats ou au contexte, et je peux vous garantir que dans la plupart des espaces, des groupes, on aura pas de comptes à rendre,
pas de menace de censure ou de modération (Denis ici présent en est garant).
Ou bien on peut prendre en compte le contexte, les contextes, parler de ce qu'on connaît vraiment, faire attention au fait que ce sont parfois de l'existence même de Madz qu'on parle ici, qu'on "débat", et quand même discuter de ce dont on voulait discuter. Si on n'est pas capable de faire notre introspection (je parle pour les personnes non-musulmanes comme moi), si on est pas capable de prendre en compte des commentaires qui signalent des stéréotypes islamophobes ou des réflexions racistes, si on est pas capable de répondre aux questions que j'ai cité dans
ce message,
alors à mon avis on court le risque très réel de participer (sans en avoir l'intention) à l'islamophobie et au racisme anti-arabes. Et ça pour moi qui souhaite absolument lutter contre ces racismes, c'est quelque chose que je éviter à tout prix. Et je ne comprends pas qu'on ne soit pas plus (puisqu'apparemment tout le monde veut lutter contre le racisme ici) à vouloir l'éviter.