@Farane
Je réponds à toi mais pas que, ton message arrive au bout de 14 pages de discussions, donc ne prends pas tout ça personnellement.
Même si certains éléments de sa réponse ne sont pas nécessaires, on ne peut pas mettre le message du gars (dont elle n'a pas donné le nom, et qui ne me parait pas identifiable) et la réponse de la fille sur le même plan. C'est ce qu'on appelle une fausse équivalence, et en mettant les deux sur le même plan on silencie les femmes en leur retirant tout moyen de dénoncer et de parler de ce qu'elles vivent. Encore une fois si elle a reçu de nombreuses réponses d'autres femmes qui ont dit avoir vécu ça, c'est parce que c'est quelque chose de courant que les femmes soient rejetées plus violemment quand elles ne correspondent pas aux normes de beauté.
En revanche, et pour l'avoir vécu, le fait que le mec se sente mal euh pas vraiment, surtout si l'intention était mauvaise (et d'après ses dires, et je dois être la seule mais j'ai envie de lui faire confiance étant donné que c'est à elle qu'il parlait). Il n'y a qu'à voir ici le nombre de personnes qui réagissent de façon virulente envers elle et disent que ce n'est qu'une "enfant pourrie gatée" qui n'accèpte pas la critique. Expliquer à quelqu'un (et qu'en plus il s'excuse (!)) je ne doute pas que ça existe, mais ça implique que l'autre soit vraiment dans une volonté bienveillante, ce qui est, sans vouloir être cynique, plutôt rare, surtout si la personne se sent attaquée (même quand c'est dit gentiment se remettre en question ce n'est pas quelque chose d'évident). Dans le cas d'un contexte sexiste et grossophobe c'est encore plus rare que les personnes soient prêtes à se remettre en question, car elles ont l'impression d'avoir une sorte de "droit" sur les personnes féminines et/ou rondes. Je prends encore une fois pour exemple ici le nombre de personnes qui après 14 pages de messages continuent à argumenter sur le fait que quelque part cette situation est normale (pas toutes, je précise), pas mal de gens ont quand même dit que c'était pas si méchant, etc. Le fait de le rappeler ici n'a pas pour but de les blâmer mais de montrer que si ces personnes qui ne sont pas concernées personnellement (et qui sont pour la plupart des femmes je pense) ne voient pas le problème et surtout refusent de comprendre l'aspect insultant (et y voient même un geste noble de franchise/sincérité) alors un mec dont les paroles sont directement visées encore moins. Je suis allée voir un peu les réactions sur d'autres sites, j'ai rarement lu des hommes réagir en disant "si ça avait été moi et qu'elle me l'avait dit personnellement, je me serais excusé", c'est pas vraiment la tendance et je pense que c'est pour ça qu'elle a reçu autant de réponses.
En ce qui concerne le fait de se déconstruire, déjà c'est pas parce qu'une personne n'est pas déconstruite qu'on peut passer l'éponge sur son comportement insultant. Et je trouve ça vraiment abusé de parler de "victime" quand tu parles du mec au final alors que tu n'emploies pas le terme pour Michelle. C'est ELLE la victime du système grossophobe, pas lui. Lui est une partie du problème, mais il n'en est pas victime, il n'en souffre pas, et même si elle lui répond il n'en souffrira pas davantage. Ensuite il y a une grosse différence entre une femme qui fait du slut shaming (pour reprendre ton exemple) et un homme qui en fait. C'est que l'homme est en position de dominant, il a un privilège et un avantage direct à faire ça alors que la femme non. Lorsqu'une femme se fait insulter par un homme à cause de son poids, ils sont tous les deux dans une position inégale. Donc on ne peut pas demander aux femmes qui sont victimes de sexisme ordinaires de résoudre le problème, elles ont un impact limité sur l'homme, et ce n'est pas leur job. Les fois où ça marche et que l'homme est d'accord pour se remettre en question, c'est plutôt une exception au regard du système. En tout cas on ne peut pas faire reposer EN PLUS sur les épaules des femmes le fait d'être suffisamment sympathique pour mettre en confiance les mecs qui les insultent.
Enfin une personne insultée a le droit d'être en colère, et c'est du tone policing que de demander toujours aux victimes de réagir "de la façon la plus intelligente" (en considérant automatiquement que dénoncer publiquement n'était pas intelligent?). Je pense que finalement c'est rassurant pour beaucoup de femmes de voir qu'elles ne sont pas les seules à vivre ça, et qu'on peut répondre avec tout ce qu'on a, sans avoir à encore une fois faire de la pédagogie (si tant est que ça n'en est pas d'ailleurs, parce que son message me parait suffisamment explicatif pour comprendre en quoi c'est problématique, et ça expose le problème non pas à un seul homme mais à des milliers donc c'est plutôt pédagogique). Une personne insultée n'a pas l'obligation (je sais que tu ne dis pas ça mais comme ducoup tu la mets dans le même sac que lui, je comprends que c'est un peu obligé quand même) de devoir expliquer à la personne qui l'insulte en quoi cette personne lui a fait du mal, dire ça c'est sous entendre qu'en plus d'être insultée, on est encore redevable vis à vis de la personne qui nous insulte et on doit prendre le temps de l'éduquer et de ne pas le blesser.
Pour faire un parallèle, ça me rappelle fortement quand à l'école, un enfant est agressif envers ses camarades (que ce soit volontaire ou "pour jouer" ou parce qu'il pense que c'est comme ça qu'on se fait des copains peu importe), que personne ne fait rien, et quand toi tu en as marre et que tu réponds, c'est à toi qu'on vient dire que tu aurais du être plus intelligent que lui, que tu aurais du lui expliquer en quoi c'était méchant, etc. Comme si 1) personne n'avait déjà essayé d'exposer le problème à cet enfant, 2) comme si c'était toi le problème et pas son comportement en amont, 3) comme si c'était à toi de tout résoudre. Au final, on vous demande A TOUS LES DEUX de vous excuser (sauf que lui a été agressif gratos, et que toi tu n'as fait que te défendre, et que comme personne ne faisait rien, si tu n'avais pas fait ça, tu n'avais plus le choix que de subir comme tous les autres avant toi), et à la fin on te demande de faire un câlin à l'enfant qui t'agresse... En agissant ainsi et en faisant comme si vos deux actes étaient identiques, on donne carte libre à l'enfant agressif.
Et je ne vois pas trop comment dénoncer sans exposer le message, sachant que même quand elle le montre, personne ou presque ne la croit... Elle ne donne pas son nom complet (et on ne sait pas si le prénom est vrai), donc le mec est protégé. Régulièrement, des femmes dénoncent publiquement des faits de sexisme, allant de ce genre d'accusation, à des affaires de viol rendues publiques dans les médias. On s'inquiète toujours de protéger l'homme, et on se demande systématiquement si la victime a bien fait ce qu'il fallait pour bien protéger son agresseur. C'est encore un phénomène qui mène à la silenciation. Dénoncer, oui, mais sans avoir le droit de dénoncer les actes. L'acte en question c'est le message, je trouve ça important qu'il soit montré (et encore une fois l'auteur est protégé). Dénoncer avec des preuves c'est déjà dur, mais si en plus on doit cacher l'acte sexiste en question pour protéger l'auteur on ne va pas s'en sortir. En plus, quand je relis son message, la plupart des paragraphes sont tournés vers elle, et pas vers lui. Franchement elle est plutôt soft avec lui, et vis à vis d'elle elle est plus dans la justification (ce qui est déjà triste), elle explique son parcours, comment elle a pris le message, son poids, comment elle se voit, etc. Enfin quand je lis ton message et d'autres j'ai l'impression que vous parlez d'une sorcière qui a crucifié un mec et lui crache dessus en public, c'est loin d'être le cas. Si je me faisais remettre à ma place, honnêtement je préférerais 10 fois la façon dont le fait Michelle, que de la façon dont il le fait lui, et pourtant, encore une fois, c'est elle qui s'est faire insulter. Donc je ne comprends pas qu'on lui demande DAVANTAGE de douceur dans ses paroles. Au secours. Combien de cuillères de sucre et de miel de fleur une femme doit elle employer pour dire qu'elle s'est faite insulter??
Pour finir il me semble que le passage sur sa fille est plutôt important et argumenté, je n'y vois pas de "mesquinerie" (encore un mot qui place la culpabilité du côté de Michelle). Elle explique que c'est justement la raison qui la pousse à en parler publiquement. Elle lui fait finalement un paragraphe de "pédagogie" que tu réclamais indirectement de sa part. Elle explique bien que le corps de sa fille lui appartient, qu'il est important qu'elle développe ses qualités et que ce serait bien qu'elle n'aie pas de peur (concernant son corps en particulier j'imagine) afin qu'elle ne puisse pas être brisée par les paroles d'un homme qui comme lui voudrait la remettre à sa place. Et elle espère qu'ainsi d'autres filles se sentent capable de répondre à ce genre de commentaires sexistes/grossophobe sur leur poids.
Je trouve ce passage particulièrement bien expliqué et surtout bienveillant. Elle ne lui dit pas "en plus t'es père c'est la honte" mais plutôt lui donne des clefs pour se déconstruire et comprendre que tout ça va au delà d'eux deux. Donc je trouve ça particulièrement ben... "mesquin" de transformer la réponse bienveillante de cette personne insultée en "mesquinerie".
Au bout d'un moment j'aimerais savoir qu'est-ce qu'on est sensé faire quand on est une femme pour lutter contre le sexisme? Quand on ne fait rien et qu'on le tolère, on nous le reproche. Mais quand on fait quelque chose, et en plus de façon construite et bienveillante, on est "une enfant pourrie gâtée", qui fait "un caprice" et s'exprime de façon "mesquine"...
En gros quand on dénonce on est une "pétasse" quoi (mais l'homme est une "victime"), donc c'est bien une injonction à se taire et à accepter le sexisme.