La discussion que vous avez à propos de la violence que le monde médical exerce sur le corps me fait penser à un très bon article que je viens de lire dans
The Economist : "
Circumcision and the law : a clash of entitlements". Le/la journaliste part d'un sujet que l'on pourrait trouver trivial : la circoncision et la manière dont elle est traitée par les politiques (Hollande, Merkel, le gouverneur de la Californie) et esquisse les problèmes étiques que cela pose.
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Je n'ai jamais consacré beaucoup de réflexion à ce sujet (je me sens bien plus concernée et inquiète vis-à-vis de l'excision, par exemple) mais quand on y réfléchit, ça y ressemble pas mal.
[NB : j'espère que je ne dis pas de bêtises, je me lance un peu sans filets]
Il s'agit d'inscrire une loi religieuse/culturelle sur le corps de l'individu -et plus précisément, sur ses organes sexuels- à un âge où il n'est pas en état de donner son accord (on a circoncis mon demi-frère alors qu'il ne savait pas encore lire, par exemple).
Toujours est-il que dans cet article :
[ul]
[li]on apprend que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a,
dans une résolution passée récemment, comparé la circoncision à l'excision et à l'infibulation ainsi qu'aux interventions chirurgicales qui visaient à modifier les organes sexuels des enfants intersexes. Cette comparaison a été rejetée par, entre autres, François Hollande de manière peu convaincante à mon sens.
"The resolution expressed concern over a "category of violation of the physical integrity of children, which supporters...tend to present as beneficial...despite clear evidence to the contrary. This includes...female genital mutilation, the circumcision of young boys for religious reasons, early childhood interventions in the case of intersexual children....."
On this point, the French president was clear: "France totally rejects the assimilation [into a single category] of the excision practised on young girls and the ritual circumcision of boys. An unacceptable form of mutilation with heavy physical and psychological consequences for the women who are subjected to it cannot be compared to a ritual practice which is widespread across the world and sometimes encouraged by the medical profession...""
[/li]
[li]certains insistent sur les avantages que présentent cette pratique en termes de santé et d'hygiène
[/li]
[li]certains voient dans cette résolution des relents racistes (le ministère des affaires étrangères israélien)
[/li]
[li]en Californie, certains hommes se mobilisent pour rendre illégal le fait de pratiquer la circoncision sur des mineurs et font valoir le traumatisme physique et psychologique qu'a constitué pour eux leur circoncision [/li]
[/ul]
Le/la journaliste conclut ainsi :
"Il est difficile de trouver un sujet plus contentieux et qui concentre autant d'inquiétudes propres à notre époque. D'un côté, on nous parle beaucoup de "droits culturels" (le droit pour une minorité religieuse, linguistique ou ethnique de pratiquer les coutumes et rites qui donnent du sens à la vie). La déclaration de Vienne sur les droits de l'homme de 1993 mentionne le droit qu'on tous les peuples de poursuivre librement "leur développement économique, social et culturel" et souligne le fait que "les mebres d'une minorité ont le droit de vivre selon leur culture, ainsi que de professer et de pratiquer leur propre religion..."
Parallèlement à cela, et particulièrement dans les démocraties avancées (?), le droit qu'ont les individus de disposer de leur propre corps et considéré comme de plus en plus sacré : cela inclut le fait de choisir sa sexualité, celui de changer de genre et même celui de mettre fin à sa propre vie.
Ce qui est fâcheux, c'est que toutes les cultures et religions ont quelque chose à dire sur ce que nous devrions faire de notre corps et de celui de nos enfants. Et on ne peut pas croire de manière inconditionnelle et simultanée en nos droits culturels et en nos droits sexuels et corporels -et la circoncision n'est qu'un exemple extrême de ce genre de dilemmes. En pratique, la plupart d'entre nous se fient à notre intuition. Notre intuition nous dit que la circoncision de bébés de sexe masculin ne pose probablement pas problème, qu'elle est au pire bénigne et culturellement très importante pour certaines religions, tandis que l'excision pratiquées sur des bébés de sexe féminins dans certaines cultures pose clairement problème."
=> j'ai l'impression qu'il s'agit d'une
différence de degré et non de nature entre circoncision et mutilations génitales commises sur des femmes :
quid des hommes qui sont traumatisés par leur circoncision ? Et qu'en est-il des conséquences qu'aurait la circoncision sur le plaisir sexuel -cela diminuerait la sensibilité du gland => moins de plaisir éprouvé pendant certaines pratiques sexuelles- ?
Et en fait, je viens de trouver un article très similaire publié sur Rue 89 - en français, donc : "
Aux Etat-Unis, tout est bon pour justifier la circoncision"
On pratique dans ce pays une circoncision systématique des enfants quasi dès leur naissance -sauf si les parents s'y opposent. Il ne s'agit pas pour autant d'une pratique religieuse mais plutôt d'une spécificité culturelle du pays.
Pourquoi les médecins ont-ils le droit d'intervenir de manière "agressive" sur le corps du patient sans l'accord de celui-ci et, qui plus est, sans justification médicale réelle ?