destynova;4554937 a dit :
saphiah;4554728 a dit :
Je viens d'avoir une conversation avec un collègue d'asso et ça m'a vraiment mise en rogne !
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Puisque je m'intéresse au conseil en management et en stratégie (orienté "diversité" et genre) et que je cherche un stage pour cet été, je lui demandais s'il avait eu des échos de ce secteur et leurs éventuelles pratiques discriminantes (de manière à les éviter : beaucoup de ces grosses boîtes n'ont pas le label diversité) : il connaît pas mal de personnes là-dedans.
En gros, pour lui, non, d'après les témoignages qu'il a eu (de femmes), ça se passe bien, il n'y a pas de discriminations.
Pourquoi ? Parce que leur seul but est de faire du fric, donc seule la compétence compte. Je le cite : "Une femme noire, musulmane, transsexuelle et lesbienne n'aura aucun problème : ils s'en foutent de qui elle est, tant qu'elle est la plus compétente".
Déjà, je suis bien perplexe : ok pour le fait d'avoir pour but premier de faire du fric, elles sont à visée lucrative ; mais de là à dire que ça empêche toute pratique discriminatoire parce que seule la compétence compte, c'est bien balayer d'un revers de main tous les préjugés discriminatoires conscients ou inconscients.
Et là où son "mais non, il n'y a pas de discrimination" devient complètement risible : "Après, c'est vrai, s'il faut envoyer quelqu'un chez un client d'un secteur très masculin, comme l'automobile, on va préférer envoyer un homme. Mais c'est normal, c'est un milieu très machiste, on sait qu'une femme n'y sera pas à l'aise. Est-ce que toi, ça te plairait de passer une soirée avec un tas de mecs à boire de la bière et à parler de football et de cul, parce qu'il faut qu'il y ait une affinité avec le staff pour signer un contrat ? Pareil, si on t'envoie au Japon et qu'il faut traiter avec des clients qui feront un tour dans un bar karaoké avec des prostituées ?"
Ok, donc en gros, en tant que femme, si je suis intéressée par un secteur qui reste encore masculin (par exemple le numérique), je ferais le boulot derrière et on enverra un mec pour présenter le travail à ma place et établir tous les contacts : super ! Après, je ne nie pas que certains milieux restent très machistes et misogynes, mais le coup de la petite femme qu'il faut protéger parce qu'elle risque de pas être à l'aise… comment dire ?
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Et décider si je veux ou non y aller, c'est de ma responsabilité ! Mais pour lui, forcément, ce serait mauvais pour l'entreprise parce qu'il y aurait moins d'affinités.
Et il a fait bien fort sur la question "souhaitez-vous avoir un enfant?" en entretien d'embauche ! Je le cite encore une fois : "Moi aussi, en RH, j'ai dû poser des questions personnelles à des gens, pour mieux les connaître, autant des mecs que des femmes. Mais c'est normal ! On embauche une personne, pas juste un CV. Moi aussi on me demande si je suis marié, si ma copine sera mobile, etc. On ne peut pas risquer de m'embaucher si on sait que je ne changerais pas de région parce que ma copine ne le voudrait pas. Et pour la question des enfants, c'est normal ! Imagine que dans un département de communication, il y a 10 personnes et 9 femmes prennent leur congé maternité en même temps. Comment on fait ? Ca peut arriver ! Encore une fois, c'est le fric qui compte pour eux, donc si ton congé de 6 mois pour un contrat de 5000 balles par mois leur coûte trop cher, ils vont prendre la décision qui profite le mieux à leur boîte. Et il faut bien qu'ils puissent s'organiser. Et je sais que c'est illégal, mais de toute façon, tu n'as pas le droit de les enregistrer donc c'est difficilement prouvable. Et si tu les poursuis, tu peux être sûre que t'es grillée dans tout le secteur." Je lui ai parlé du fait de s'organiser à l'avance, du fait que l'on ne demande pas aux hommes leur certificat médical attestant qu'ils ne seront pas malades dans les prochains mois, mais pour lui, la maternité reste un risque majeur et genrée (les femmes aussi peuvent tomber malade, mais en plus peuvent prendre un congé maternité).
Et avec tout ça, pour lui : "Non, je ne pense pas que les femmes doivent batailler plus que les hommes. Ce sont des milieux très compétitifs, très masculins, tout le monde doit batailler. Après, il faut savoir ce que l'on veut ! Mais après, faut pas croire que les femmes sont forcément discriminées. Si moi je veux travailler à l'ONU, je ne serais pas pris parce que je suis un homme blanc : vu leurs quotas, une femme éthiopienne a beaucoup plus de chance que moi. Et il y a plein de femmes à la tête d'entreprises du CAC40, mais si elles veulent aussi batailler !".
Je suis restée un peu abasourdie, ça m'énerve ! Il sait en plus que je suis féministe et intéressée par les gender studies ; du coup, je n'ai pas pu aussi m'empêcher d'appréhender ce ton très paternaliste et sur la défensive en ce sens là.
En gros, je passe pour l'idéaliste, qui n'a rien compris au monde de ces entreprises dont le but est de faire du fric.
Si j'argumente en me fondant sur des principes du type : "la discrimination, c'est mal", je suis la bisounours qui adopte un langage inadaptée et vain puisque le but de l'entreprise est le profit.
Si j'argumente en disant : oui, mais les femmes aussi sont compétentes et les entreprises auraient tord de pas profiter de ces compétences, il me sort que c'est vrai, mais que vu notre société est encore genrée, les entreprises doivent faire des choix qui prennent en compte ce contexte, et donc des choix genrés (ne pas envoyer des femmes chez des clients machistes, maternité prise en compte, etc.) et qu'elles trouveront autant d'hommes compétents.
Et j'ai l'impression d'être bloquée : je suis obligée de me placer du point de vue de l'entreprise qui veut faire des profits pour être prise au sérieux, et je suis bien obligée d'admettre que la société est genrée (ex : je ne peux pas dire : "mais non, le milieu automobile n'est pas masculin, les femmes y seront très bien reçues") et que les femmes, contrairement aux hommes, peuvent prendre des congés maternité.
Et son discours m'inquiète d'autant plus qu'il est un des principaux responsables de l'asso où je suis engagée et que je souhaite l'orienter vers des problématiques féministes : ça n'est pas gagné !
Mais je ne peux pas rester sur ça : c'est trop attristante, rageant, frustrant… Il faut que je puisse lui répondre.
Heureusement qu'un espace existe ici pour en discuter !
Vous auriez des idées ?
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Quel boulet
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Déjà le truc sur le CAC 40 ... n'importe quoi. Je suis allée vérifier (quand même on sait jamais). Quand on prend en compte les conseils d'administration des entreprises du Cac40 on note qu'il ya
peu de femmes moins de 25% (une seule entreprise respecte la parité), et dans les conseils exécutifs elles ne sont que
8% et quand on regarde les postes de dirigeants, on n'a que 8 DRH et 0 PDG...
Il ne m'a fallu que 5 minutes pour trouver tout ça et apparemment dans les entreprises du SbF 120 c'est pareil...
Ensuite pour l'ONU s'ils ont créé un ONU Femmes c'est peut être pas pour rien (et j'adore l'exemple tout à fait exceptionnel où les hommes seraient (j'ai pas trouvé de chiffres) discriminés pour justifier tout le reste). Et puis si des femmes noires ont besoin d'être représentées, c'est peut-être parce qu'elles sont sous représentées ailleurs...
Mais c'est un ressort classique du sexisme de dire que tout est bien tout va bien, les féministes viennent faire chier les gens honnêtes qui veulent juste faire leur boulot de façon totalement paritaire.
Et pour le reste de ses explications ça consiste donc à dore "je ne suis pas sexiste, je ne regarde que la compétence SAUF quand c'est mieux d'envoyer un homme" -> et maintenant il suffit d'aller voir en proportion combien de fois il préfère envoyer un homme.
Après si tu veux le titiller tu peux toujours lui dire "oui mais si la compétence compte, on s'en fiche que la nana tombe dans un milieu machiste, les cons yen a partout, et puisqu'elle est compétente de toute façon il vaut mieux l'envoyer non?"
Mais bon par expérience c'est très difficile de traiter d'un tel sujet avec ce genre de personne. Le conseil que je peux te donner c'est de ne pas trop l'attaquer frontalement parce qu'il va se braquer (c'est son travail que tu remets en question, c'est une réaction de défense que de nier en bloc). Peut-être utiliser l'humour? je te dis ça mais moi même j'ai du mal (c'est un peu le genre de mec, si tu lui mets des chiffres sur la table, des rapports, avec des sources solides, il trouvera toujours le moyen de te dire "mais non t'as rien compris mais je dis ça pour ton bien")
Pour la question sur les enfants ben...c'est juste illégal. Surtout si ELLE A LES COMPÉTENCES mais que ça pèse sur sa décision. Ensuite on est en 2013, les hommes aussi prennent des congés paternité (en fait, BIG NEWS beaucoup de gens ont des enfants, c'est ridicule de vouloir pénaliser les femmes qui en ont/en voudraient, on pourrait tout autant pénaliser les gens qui deviennent proprio par exemple parce qu'après c'est plus compliqué de partir, et puis ça peut prendre des années à retaper une maison blablabla), et puis un congé mat, contrairement à un congé maladie, ça se prépare (le coup des 9 femmes sur 10 enceintes MAY BIEN SURH).
Après moi aussi je peux décider d'employer moins d'hommes parce qu'il se peut que je tombe sur 9 branleurs sur 10, c'est complètement absurde de tabler sur un hypothétique futur c'est pour ça qu'on est sensé se baser sur la compétence.
La discrimination c'est ça : pénaliser les femmes enceintes ET celles qui ne le sont pas, donc sur la base du sexe on fait payer à toutes les femmes, que tu joues le jeu du patriarcat ou pas, tu pars perdante.
De toute façon ya un truc que ces mecs vont devoir comprendre c'est que le sexisme, la parité dans le travail, et le féminisme ce ne sont pas DES OPINIONS, ce sont des vérités. Le plafond de verre, les inégalités salariales, la précarité des femmes, la discrimination à l'embauche, tout ça ce sont DES FAITS, il n'y a pas à discuter dessus. C'est pour ça qu'il y a des quotas OBLIGATOIRES qui, s'ils ne sont pas respectés entraient DES SANCTIONS, à cause de gens comme lui qui misent sur "la compétence avant tout" mais continuent de croire que leurs attitudes sexistes sont justifiées par ailleurs.
Enfin je ne sais même pas pourquoi j'essaie d'expliquer,ce genre de mec me gonfle, je compatis (je travaille dans l'automobile, haha
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).
Sinon pour l'asso, contacte moi en MP : ) tu es dans quel coin?
Merci pour ta réponse
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! (désolée, je réponds des jours plus tard, je viens de terminer mes partiels...)
Finalement, je n'ai pas encore répondu à ce collègue-"ami" : déjà, je n'avais pas le temps, et je pense en plus comme tu le dis qu'il va se braquer, n'écoutera aucun de mes arguments et essaiera seulement de se conforter dans sa vision des féministes qui ne comprennent rien aux vrais enjeux de l'entreprise et voudraient des passe-droits pour les femmes, ces feignasses qui en plus de plomber les profits des entreprises avec leurs congés maternité, la ramènent dans des services où leur utérus les empêchent d'avoir les compétences nécessaire (malgré tous leurs diplômes et leurs expériences), gâchent l'ambiance des réunions entre hommes et voudraient par-dessus le marché qu'on les embauche sans problème !
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Je crois qu'il perçoit profondément les entreprises (enfin, sauf les micro-entreprises de création de sacs à main et de pots pour bébés...) comme faites par les hommes, pour les hommes, et ne devant surtout pas considérer que les talents comme présents autant chez les hommes que chez les femmes.
Par exemple, pour le congé maternité, si on se plaçait dans la perspective d'une entreprise qui ne prendrait pas pour norme les seuls hommes, s'organiser pour l'éventualité de congés maternité serait normal, et non pas un effort supplémentaire que doivent fournir les entreprises, de la même manière que l'on ne demande pas aux hommes de détailler leurs activités et leurs problèmes de santé en entretien d'embauche sous prétexte qu'ils s'engagent statistiquement dans des activités plus à risque et sont plus sujets à des accidents cardio-vasculaires.
Et l'histoire des compétences et intérêts statistiquement différents dans notre société qui est sexiste, et qui doivent donc être pris en compte (du type, même si on admet que ce n'est pas naturel, mais culturel et dû au patriarcat, c'est quand même un fait que les femmes sont généralement plus intéressées par les cosmétiques, moins sûres d'elles-mêmes, etc. et les hommes plus tournés vers l'action, les technologies, etc., donc il faut utiliser cette grille de lecture pour prendre des décisions genrées en entreprise) : c'est de la responsabilité des ressources humaines de recruter de manière précise et donc d'analyser les profils de manière personnalisée. Le but est bien de trouver la meilleure personne
pour un poste : si les données sont prise en compte de manière individuelle et non pas statistique en ce qui concerne les aptitudes, l'expérience, la personnalité, etc. pourquoi choisir d'applique une analyse très globale et statistique dès qu'il s'agit du genre des candidats ? Ces entreprises décident de ne pas faire correctement leur travail et prennent pour prétexte la recherche de profits pour cacher la réelle raison qui est le sexisme.
Je pense reprendre la discussion si le sujet se présente de nouveau sur la table en partant cette fois de la remise en cause des la compétence organisationnelle de ces entreprises : le fait qu'elles utilisent ce système discriminant en arguant de ce qu'il est efficace pour faire des profits, ne veut pas dire qu'il est le meilleur pour faire des profits, notamment sur le long terme (c'est une quantité de talents que ces entreprises découragent en rejetant la moitié de l'humanité).
Et il faudra aussi que j'arrête de répondre aux questions personnelles lors de ces discussions, qui ne sont que des tentatives de dévier la conversation ; par exemple "et toi, tu aimerais passer la soirée avec des mecs machos à boire des bière en parlant foot et cul parce que c'est le type de réunions informelles pour signer un contrat dans un milieu masculin ?", et pleins d'autres du même acabit. Le problème ici est que ce soit ce genre de réunion qui est utilisé pour finaliser un contrat, pas mon avis sur la question qui n'est d'ailleurs certainement pas représentatif.
Pour montrer l'illogisme de ce mec : il a aussi déclaré : "Mais non, les Noirs ne sont pas du tout discriminés, ou à peine : regarde Obama, il est Président de la première puissance mondiale !".
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Dans tout son discours j'ai l'impression qu'il se sert de ce genre de pirouette : regarder quelques exceptions (par exemple, une femme qui sera nommée à la tête de la FED, quelques femmes dirigeantes) et se fonder sur ces cas pour dire que si ces personnes ont pu y arriver, ça signifie que c'est possible et que celles qui n'y arrivent en ont simplement été incapables. Alors que ce qu'il faudrait voir, c'est les pourcentages de ces cas, qui sont très bas, comme tu le rappelles, puis en trouver les causes (plafond de verre, pratiques discriminantes, socialisation sexiste, etc.) qui montrent bien que les obstacles ne sont pas du tout les mêmes. Certes, certaines personnes arrivent à réussir malgré ces obstacles, mais ça ne signifie pas que les difficultés sont au même niveau que celles que doivent affronter les hommes blancs cis hétéro, etc.
Au fait, j'ai écrit cette réflexion à ce sujet (Denis Colombi, du blog
http://uneheuredepeine.blogspot.fr/, que j'ai contacté à cette occasion, m'a donné des idées de pistes de réflexions intéressantes, dont je me suis inspirée) :
"Concernant les objectifs des entreprises, je vois trois points :
- Si l'on se place d'un point de vue extérieur à l'entreprise, il est légitime de juger ces entités qui ont une influence considérable sur la société (d'autant plus qu'il était question de grandes entreprises multinationales). Ce ne sont pas des zones de non-droit qui, sous prétexte de maximiser leur profit, devrait être autorisées à pratiquer toutes les discriminations qu'elles souhaitent. Ces entreprises font partie de la société, et donc du domaine politique, lequel porte sur la construction d'un modèle de société ; c'est le rôle législatif, par la loi, et citoyen, par une action directe de la société civile, que de modeler cette société, ses entreprises incluses. A ce stade, il n'est pas question de savoir si ces pratiques discriminantes sont justifiées par une recherche du profit, mais uniquement de savoir si elles s'inscrivent dans notre projet de société ("notre" concernant ici tout•e citoyen•ne).
Toutefois, cet argument utilisé seul ne me paraît pas suffisant : cela signifierait admettre que pratiquer ce type de discriminations est utile au profit des entreprises.
- D'un point de vue interne à l'entreprise, si l'on postule que son intérêt premier est le profit, ces discriminations permettent-elles d'atteindre cet objectif ?
Je reprendrais d'abord votre exemple des discriminations à l'encontre des Noir•e•s qui étaient elles aussi fondées sur des stéréotypes : les entreprises qui ont étaient obligées de cesser ces discriminations n'ont pas été financièrement lésées.
Concernant les discriminations sexistes, il est évident qu'une entreprises non organisées, choisissant comme norme les hommes et faisant des femmes une exception dérangeante devant s'adapter à un environnement fait seulement pour les hommes ou partir, aura des difficultés en embauchant des femmes. Un choix doit donc être fait : profiter des talents des hommes et des femmes, ou bien mettre de côté la moitié de l'humanité ? Et cela est d'autant plus vrai à un niveau de responsabilité élevé où les profils recherchés peuvent être très spécialisés et rares. Et cela nécessite certaines mesures, dont :
> Lutter contre le sexisme en entreprise : une entreprise faite pour les hommes et les femmes n'a pas à accepter (voire encourager) les ambiances type "vieux clubs masculins" faites d'humour misogyne, d'harcèlement sexuel, etc. pour protéger les femmes et conserver une harmonie entre les collègues. Il est facile de dire qu'une entreprise d'un milieu majoritairement masculin doit éviter d'intégrer des femmes pour leur éviter ce climat délétère ; si l'entreprise veut vraiment viser la maximisation de ses profits et, partant, profiter de tous les talents potentiels du marché du travail, et non pas seulement de ceux des hommes, une décision vraiment efficace serait de sanctionner ce sexisme. Je ne vois pas non plus en quoi il serait de l'intérêt d'une entreprise de maintenir des stéréotypes du type l"automobile, c'est pour les hommes, le cosmétique, c'est pour les femmes" : une entreprise profiterait plutôt d'un vaste vivier de personnes intéressées par le domaine, et donc aurait intérêt à lutter contre ces préjugés de manière à encourager les vocations de plus d'une moitié de l'humanité ; qui, en outre, ne fonderait pas leur cohésion de groupe sur leur genre, mais sur leur passion commune, ce qui me semble bien plus utile à l'entreprise.
> Organiser les congés maternité : il est bien de la responsabilité des ressources humaines de prévoir l'éventualité de départs en congé maternité et parentalité. Je ne pense pas argumenter trop longtemps sur le fait que les hommes aussi peuvent prendre un congé paternité, un congé parentalité, et sont aussi affectés par la naissance de leur enfant (les nuits blanches ne concernent pas que les mère) : il lui serait trop facile de me rétorquer qu'actuellement, les femmes sont largement majoritaires à prendre un congé parentalité et que le congé paternité ne dure que 10 jours. Encore une fois : il est de l'intérêt de l'entreprise de pouvoir profiter d'un large bassin de talents potentiels et de ne pas écarter des profils extrêmement compétents parce qu'ils ont un utérus (par exemple, Marissa Meyer, qui a fait bien mieux que ces 4 prédécesseurs). Et il se trouve que les congés liés à la naissance d'un enfant ont l'avantage d'être prévisibles, contrairement aux congés maladie. Si une entreprise ne sait pas gérer le remplacement d'un départ en congé maternité (qui n'est en général pas annoncé le jour du départ en congé pré-natal), cette entreprise a un département des ressources humaines défaillant, et on se demande comment sont alors a fortiori géré les congés maladie (pour reprendre son exemple, il est bien plus probable et imprévisible que 9 salarié•e•s sur 10 prennent un congé pour grippe ou dépression qu'un congé maternité). Je me demande d'ailleurs dans quelle mesure les femmes - en plus de leur socialisation genrée, des discriminations et des répartitions déséquilibrées des tâches ménagères - choisissent de privilégier leur vie de famille à leur vie professionnelle parce qu'elles se savent déjà désavantagée en entreprise et perdantes d'avance : ne prendraient-elles pas moins de congés parentaux si elles ne subissaient pas tant de discriminations en entreprise ?
Pour troller un peu, je pourrais ajouter que pour suivre son raisonnement, l'idéal serait d'embaucher en priorité des femmes : du fait du patriarcat, les hommes sont plus nombreux à adopter des comportements risqués, et sont aussi plus sujets que les femmes aux accidents cardiovasculaires ; la probabilité est alors plus élevée qu'ils partent en congé maladie, bien plus difficile à prévoir. Les résultats des femmes prouvent en outre qu'elles sont plus compétentes (entreprises dirigées par des femmes, résultats durant les études, etc.), ce qui est bon pour le profit. Bizarrement, ce n'est pas le choix des entreprises. Pourquoi d'ailleurs se limiter aux congés maternité et ne pas limiter tous les risques, bien plus fréquents ? Le mieux serait de demander le dossier médical complet de tout•e employé•e potentiel•le, puisque la discrimination ne pose pas problème.
- D'un point de vue interne à l'entreprise encore, je reprendrais là les recherches sur les organisations que vous évoquer : que le profit soit ou non l'objectif premier d'une entreprise, il n'en va pas de même de toutes les entités qui la composent, que ce soit ses départements ou les personnes qui y travaillent.
Je ne m'y connais pas encore très bien en sociologie des organisations, mais je peux pour le moment parler des recherches de Dan Pink, de la pyramide de Maslow et d'Herzberg : le profit (de l'entreprise et individuel) n'est pas du tout l'objectif principal des salarié•e•s. Globalement, ce qu'il est en ressort est le désir de participer à un projet qui fait sens, de pouvoir peser sur la direction de ce projet, d'avoir une indépendance de décision. Le moyen le plus efficace pour une entreprise d'atteindre ses objectifs serait alors de répondre à ces demandes.
Si l'on se place dans une entreprise dont la majorité des salariés sont sexistes et ne comprendraient pas le sens de projet d'élimination des discriminations, est-ce bien sûr que ces profils sont les mieux adaptés au succès de l'entreprise ? Effectivement, je ne pense pas qu'être motivé simplement par l'ambiance de camaraderie misogyne et les virée en boîtes donne de très bons résultats (de même pour les clients qui seraient donc susceptibles de rejeter un contrat non pas pour des raisons rationnelles mais parce qu'ils n'ont pas aimés la sortie en boîte) et dans le cas d'une recherche de promotion la compétition entre salarié•e• seraient donc fondées non pas sur les compétences mais sur la popularité machiste. Ne faudrait-il pas rechercher des personnes, qui, en plus d'occuper légitimement leur poste (et y resteraient pour leurs compétences et non pas pour leur popularité virile), auraient des motivations plus compatibles avec les visées de l'entreprise et son projet global ?
Du même coup, l'argument selon lequel ce type de décisions de l'entreprise ne serait pas discriminatoire parce qu'uniquement fondé sur les compétences et du même acabit que demander à un candidat s'il pourra se déplacer fréquemment ou se renseigner sur son éventuelle pédophilie ou alcoolisme incompatibles avec un poste de travail en contact avec des enfants, est faux. D'abord selon le code pénal (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417831&cidTexte=LEGITEXT000006070719) et aussi parce que la raison n'est pas la compétence : comme montré plus haut, cela contrevient aux intérêts même de l'entreprise et n'a pour but que de maintenir des stéréotypes et une ambiance sexiste (en plus de la facilité de faire perdurer la situation actuelle plutôt que de se réorganiser).
Au-delà de la situation actuelle - entreprises globalement considérées d'abord motivées par le profit - il me semble bon de s'interroger sur la légitimité de cette mesure de l'efficacité d'une entreprise : son impact sur la société (en interne et dans l'image qu'elle projette) me semble autant, sinon, plus important. Je n'ai en revanche pas d'idée de solution, si ce n'est des incitations en direction des actionnaires (l'essentiel serait de savoir lesquels)."