Puisque ça parle beaucoup de visibilité des femmes en ce moment, j'ai une anecdote à vous faire partager que je trouve assez éclairante: comment ça se passe pour la visibilité des hommes quand on est dans un milieu très féminin .
J'enseigne le français comme langue étrangère dans une université ukrainienne, et comme en France, les langues étrangères c'est LE domaine féminin par excellence dans l'enseignement supérieur. Il y a quatre profs de français dans ma fac, toutes sont des femmes; plus moi qui suis stagiaire, donc. Et parmi les étudiants, les garçons ne sont guère nombreux. Pour faire le total de tous les garçons que je vois passer en cours: les 3 qui font français en LV3 et ne le parlent quasiment pas; un qui ne vient presque jamais en cours et est en cinquième année, un qui ne vient presque jamais en cours et est en première année, un qui s'en sort plutôt pas mal mais débute tout juste, un qui n'ouvre jamais la bouche en cours et fait juste plante verte, et deux et demi qui sont à peu près motivés, participent bien en cours, mais n'ont pas un niveau très avancé.
Je dois organiser pour demain un événement pour la fête de la francophonie (avec une semaine de retard par rapport à la date fixée par les ambassades françaises...). Ma collègue qui supervise avec moi semble vouloir que j'organise tout moi-même, mais en lisant dans ses pensées pour que ce soit fait comme si c'était elle qui l'avait fait (ça se sent que j'en ai marre déjà?). Et parmi les trucs qui m'énervent bien dans l'organisation (je ne développerai pas ici le reste parce que c'est pas le sujet, mais qu'elle veuille en plus que ça se limite à parler de Paris et de la tour Eiffel...
): une des étudiantes, très motivée et avec un bon niveau de français pour une fille dont ce n'est pas la matière principale, m'avait demandé si elle pouvait m'aider pour l'organisation. (Vu le bordel qu'est l'organisation, j'ai d'ailleurs pas super bien pu mettre son aide à contribution...) Ma collègue a parlé d'elle en disant qu'elle voulait "présenter" la fête (non, elle avait utilisé le mot "préparer") parce que "elle est jolie, elle veut se montrer" (non, c'est juste que c'est une étudiante très motivée qui veut s'investir parce qu'elle veut savoir bien parler français). Et après ça, elle m'a imposé de trouver un garçon pour co-présenter la fête, parce qu'ils ont toujours fait avec un garçon et une fille pour mettre en avant les garçons qui ne sont pas assez nombreux. Alors qu'aucun ne s'est porté volontaire, donc on a du choisir un étudiant à qui imposer ça au dernier moment sans qu'il ait rien demandé, juste parce que c'est un garçon et qu'il faut donc qu'il soit visible. Alors oui, l'étudiant en question est top, il s'exprime bien devant un public, s'investit beaucoup en cours, a de l'humour et de l'éloquence. Mais des étudiantEs qui ont autant d'humour et d'éloquence et un meilleur niveau de français que lui, je pouvais en trouver facilement une demie-douzaine.
Ceci me rappelle (pour éviter que des âmes chagrines puissent penser que "en France c'est pas comme ça") que quand je faisais du théâtre au lycée, il y avait un seul garçon pour une dizaine de filles dans notre groupe. Et quand il a fallu choisir une personne pour faire un discours explicitant la mise en place de notre spectacle, c'est bien sur tombé sur lui. Et il a fait une intervention totalement à la ramasse, et je pense que les 3/4 des filles du groupe étaient capables de faire beaucoup mieux. Mais "c'est le seul garçon, il faut le mettre en avant", parce que c'est une telle fierté d'avoir un garçon dans un domaine féminin.
Idem à la fac de lettres modernes où j'ai étudié, même si j'ai pas d'exemples aussi flagrants: on était une grosse majorité de filles, donc en tant que fille, je me fondais dans la masse (et ce, même si je me distinguais systématiquement en faisant les meilleurs exposés... (oui, ça va les chevilles)) alors que les garçons attiraient davantage l'attention, les profs retenaient très vite leurs noms.
Pour résumer: quand on est dans un domaine majoritairement masculin, il ne faut pas chercher à mettre les femmes en avant parce que ce serait faire passer le genre avant les compétences; quand on est dans un domaine majoritairement féminin, c'est entièrement normal de chercher à mettre les hommes en avant à cause de leur genre, même si les compétences ne le justifient pas du tout. Et ce alors même que de toutes façons, la société les met déjà en avant dans tout le reste.
Faut arrêter de se voiler la face: on a juste pas envie de voir des femmes, dans quelque domaine que ce soit.
Et maintenant je suis en train de penser que, vu le système de pensée de mes collègues, s'il y avait eu un homme qui avait postulé au même stage que moi, même en étant moins compétent que moi, c'est lui qui aurait eu le stage parce que "on est que des femmes parmi les profs de français, ça changera d'avoir un homme, on le prend!". Sans l'ombre d'un doute. Et on veut nous faire croire que c'est de la discrimination de donner un coup de pouce aux femmes à l'embauche? A toutes celles qui ont bénéficié ou pensent avoir bénéficié d'un coup de pouce à cause de leur genre pour bosser/étudier dans un domaine masculin/élitiste: bien sur que non, c'était un rééquilibrage par rapport aux inégalités qui existent, pas un traitement de faveur; par pitié, ne vous sentez pas privilégiées.
@saphiah: je peux pas te souffler d'arguments supplémentaires pour ton échange teeeellement passionnant, parce que comme toi, j'en peux plus là... Mais je t'admire d'avoir la force de te lancer là-dedans et je t'envoie tout mon soutien!
@salvia: face à un mec qui s'imagine que le patriarcat n'existe pas, en général je pars de la base, mais alors vraiment de la base, sans commencer par parler des discriminations en tous genres: "Tu sais, "patriarcat", de base, ça veut dire que l'autorité est détenue par le père en tant que chez de famille. Et par curiosité, ton nom de famille... il vient d'où? Et sinon, t'as jamais eu à remplir de formulaires du style "demande de bourses" où on te pose encore la question (bien que ce terme ait été officiellement supprimé) "profession du chef de famille"? Tu inscrivais la profession de qui dans cette case?".
Une fois qu'il a reconnu ça, il admet qu'on vit dans une société patriarcale, et la deuxième étape est de prouver que c'est nocif, et là tu peux aborder les discriminations en tous genres.
J'enseigne le français comme langue étrangère dans une université ukrainienne, et comme en France, les langues étrangères c'est LE domaine féminin par excellence dans l'enseignement supérieur. Il y a quatre profs de français dans ma fac, toutes sont des femmes; plus moi qui suis stagiaire, donc. Et parmi les étudiants, les garçons ne sont guère nombreux. Pour faire le total de tous les garçons que je vois passer en cours: les 3 qui font français en LV3 et ne le parlent quasiment pas; un qui ne vient presque jamais en cours et est en cinquième année, un qui ne vient presque jamais en cours et est en première année, un qui s'en sort plutôt pas mal mais débute tout juste, un qui n'ouvre jamais la bouche en cours et fait juste plante verte, et deux et demi qui sont à peu près motivés, participent bien en cours, mais n'ont pas un niveau très avancé.
Je dois organiser pour demain un événement pour la fête de la francophonie (avec une semaine de retard par rapport à la date fixée par les ambassades françaises...). Ma collègue qui supervise avec moi semble vouloir que j'organise tout moi-même, mais en lisant dans ses pensées pour que ce soit fait comme si c'était elle qui l'avait fait (ça se sent que j'en ai marre déjà?). Et parmi les trucs qui m'énervent bien dans l'organisation (je ne développerai pas ici le reste parce que c'est pas le sujet, mais qu'elle veuille en plus que ça se limite à parler de Paris et de la tour Eiffel...
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Ceci me rappelle (pour éviter que des âmes chagrines puissent penser que "en France c'est pas comme ça") que quand je faisais du théâtre au lycée, il y avait un seul garçon pour une dizaine de filles dans notre groupe. Et quand il a fallu choisir une personne pour faire un discours explicitant la mise en place de notre spectacle, c'est bien sur tombé sur lui. Et il a fait une intervention totalement à la ramasse, et je pense que les 3/4 des filles du groupe étaient capables de faire beaucoup mieux. Mais "c'est le seul garçon, il faut le mettre en avant", parce que c'est une telle fierté d'avoir un garçon dans un domaine féminin.
Idem à la fac de lettres modernes où j'ai étudié, même si j'ai pas d'exemples aussi flagrants: on était une grosse majorité de filles, donc en tant que fille, je me fondais dans la masse (et ce, même si je me distinguais systématiquement en faisant les meilleurs exposés... (oui, ça va les chevilles)) alors que les garçons attiraient davantage l'attention, les profs retenaient très vite leurs noms.
Pour résumer: quand on est dans un domaine majoritairement masculin, il ne faut pas chercher à mettre les femmes en avant parce que ce serait faire passer le genre avant les compétences; quand on est dans un domaine majoritairement féminin, c'est entièrement normal de chercher à mettre les hommes en avant à cause de leur genre, même si les compétences ne le justifient pas du tout. Et ce alors même que de toutes façons, la société les met déjà en avant dans tout le reste.
Faut arrêter de se voiler la face: on a juste pas envie de voir des femmes, dans quelque domaine que ce soit.
Et maintenant je suis en train de penser que, vu le système de pensée de mes collègues, s'il y avait eu un homme qui avait postulé au même stage que moi, même en étant moins compétent que moi, c'est lui qui aurait eu le stage parce que "on est que des femmes parmi les profs de français, ça changera d'avoir un homme, on le prend!". Sans l'ombre d'un doute. Et on veut nous faire croire que c'est de la discrimination de donner un coup de pouce aux femmes à l'embauche? A toutes celles qui ont bénéficié ou pensent avoir bénéficié d'un coup de pouce à cause de leur genre pour bosser/étudier dans un domaine masculin/élitiste: bien sur que non, c'était un rééquilibrage par rapport aux inégalités qui existent, pas un traitement de faveur; par pitié, ne vous sentez pas privilégiées.
@saphiah: je peux pas te souffler d'arguments supplémentaires pour ton échange teeeellement passionnant, parce que comme toi, j'en peux plus là... Mais je t'admire d'avoir la force de te lancer là-dedans et je t'envoie tout mon soutien!
@salvia: face à un mec qui s'imagine que le patriarcat n'existe pas, en général je pars de la base, mais alors vraiment de la base, sans commencer par parler des discriminations en tous genres: "Tu sais, "patriarcat", de base, ça veut dire que l'autorité est détenue par le père en tant que chez de famille. Et par curiosité, ton nom de famille... il vient d'où? Et sinon, t'as jamais eu à remplir de formulaires du style "demande de bourses" où on te pose encore la question (bien que ce terme ait été officiellement supprimé) "profession du chef de famille"? Tu inscrivais la profession de qui dans cette case?".
Une fois qu'il a reconnu ça, il admet qu'on vit dans une société patriarcale, et la deuxième étape est de prouver que c'est nocif, et là tu peux aborder les discriminations en tous genres.