Je suis en train de lire le
Forbes Africa d'août. Pour celles qui ne connaissent pas,
Forbes c'est un gros magazine business américain qui publie chaque année ses prestigieuses listes des personnalités les plus puissantes au monde.
Alors je ne lis pas
Forbes hyper régulièrement mais je note quand même un effort plus important que d'autres magazines du style pour promouvoir les femmes en tant qu'actrices du pouvoir sans pour autant répéter à chaque paragraphe "c'est bien pour une femme".
Même le fait que
Forbes ait créé une liste "les 100 femmes les plus puissantes" me parait être une initiatives intéressantes car ça oblige les gens à associer "femmes" avec "puissance", "pouvoir", "politique" et "économie" et ça met en lumière des parcours passionnants alors que si on les mélangeait uniquement avec les hommes, à l'heure actuelle, elles seraient quasiment invisibles car ils trusteraient toutes les premières places (en 2013 elles sont seulement 3 dans le top 20 et 6 dans le top 71)!
Bon après, ils ont senti le besoin de créer un
ForbesWoman que je ne suis pas sûre de trouver pertinent même si ça s'adresse aux femmes sur un ton business et économie et que je veux bien qu'il y ait des thématiques spécifiques aux femmes (comment gérer une carrière ambitieuse sans sacrifier le reste, comment s'en sortir dans un milieu sexiste etc.), mais ça ne ferait pas de mal aux hommes de lire aussi sur ces sujets et ce serait donc plus intéressant de mélanger la partie "femme" et la partie "neutre".
Bref, dans ce numéro de
Forbes Africa, ce n'est pas un numéro spécial femmes mais on a deux femmes en couverture et d'habitude quand je parcours les pages des magazines business-éco-finances on a une majorité ECRASANTE d'hommes en photo (je m'étais amusée à compter dans une série de mags une fois et c'était de l'ordre de 3 à 15 femmes pour une cinquantaine d'hommes en sachant que les femmes étaient souvent en plus petit ou figuraient surtout sur les pubs) alors que là, c'est l'inverse!
Dans ce numéro de
Forbes, on a donc une écrasante majorité de femmes présentées et balayant toutes sortes de sujet (politique, économie, business, culture, médias, sport, mode etc.)
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Par contre, je lis un article à la fin sur le pouvoir des femmes par les réseaux sociaux et le début est intéressant : l'auteur (un homme) nous explique que les stats montrent que plus de femmes utilisent les réseaux sociaux que d'hommes, or à l'heure actuelle, une forte visibilité sur Internet donne du pouvoir puisqu'on peut se faire entendre et mettre en avant ses idées, en gros influencer. C'est donc un début de réflexion intéressant sur comment les femmes pourraient développer leur empowerment grâce à Internet...
Mais le mec continue en parlant de Pinterest, visiblement à 90% féminin. "Elles épinglent tout que ce soit leurs plans de vacances, leurs idées de fêtes, leurs inspirations de mariage ou la dernière mode". Alors perso, j'utilise pas du tout Pinterest mais je suis un peu perplexe devant la définition de "tout" (loisir, mariage et mode, c'est ça "tout" dans la vie d'une femme?)
Ensuite il enchaine sur les blogs de Maman, une partie de la blogosphère très respectable et intéressante certes mais qui ne résume pas tout! Il y consacre plus d'un quart de son article en mettant en lumière comment ces mères discutent de leurs gosses et de leur vie de maman (je trouve ça très cool et souvent intéressant, ne vous méprenez pas sur mes propos) et ne rajoute rien sur les autres types de blogs tenus par des femmes. Il aurait pu, au hasard, parler d'autres "tendances-blogs-que-tiennent-massivement-des-femmes" qui donnent un pouvoir d'influenceur comme les blogs féministes, les blogs culture, les blogs société, les blogs voyages etc. Mais non, ils s'en tient à blog féminin = blog de Maman. Bon, il aurait aussi pu parler des blogs mode et beauté mais il ne l'a pas fait non plus, je le reconnais.
Puis il poursuit "Mais comme dans la vie réelle, tout n'est pas que roses et petits chiots. Parce qu'elles ont une présence en ligne écrasante, les femmes souffrent aussi du côté obscur des médias sociaux".
Là je me suis dit "ah! il va parler du harcèlement, des commentaires haineux, des camapgnes de dénigrement etc."
MAIS NON! Pour lui, le côté obscur que subissent les femmes c'est "l
'envie des copines quand on part en weekend au spa, les statuts Twitter de jalousie et la vanité d'Instagram. Les pressions sociales ancestrales maintenant étalées à l'échelle mondiale par le biais des plateformes de médias sociaux, peuvent envoyer certaines utilisatrices dans une spirale d'envie amère et de dépression après qu'elles aient vu le statut de relation d'une amie passer de 'fiancée' à 'mariée' alors qu'elles sont célibataires ; après avoir vu des corps athlétiques ou après avoir été victimes de commentaires Facebook malveillants"
Il continue en nous parlant des femmes qui sont déprimées parce qu'on les unfollow ou qui passent leur temps à cliquer sur "actualiser" etc.
Et il conclut (j'imagine que c'est une blagounette mais je suis pas sûre) que tout ça laisse aux hommes la même place que dans la vie réelle : YouTube pour regarder les rediffs sportives et des pubs rigolotes.
Hum...
Non mais le mec tenait un sujet intéressant : comment les femmes peuvent s'approprier un pouvoir social grâce à Internet... Et il en fait une question de mode, de vie de famille, de besoin d'attention et de jalousie des copines!
Quand il parle de "commentaires Facebook malveillants" c'est plus qu'un euphémisme : Slade Girl anyone? Le viol de Steubenville? Les appels au viol via Twitter sur Caroline Criardo-Pérez ou Rokhaya Diallo? Les millions de commentaires haineux que se reçoivent les femmes qui remettent en cause le système sur leur blog? Celles qui se font harceler au point qu'on déterre leur vie privée, leur envoie des menaces accompagnées de photos flippantes de leurs gamins à la sortie de l'école ou de la porte de chez elles prouvant qu'on sait où elles habitent parce qu'elles ont évoqué des sujets sensibles?
Et le mec résume ça à des copines jalouses parce qu'on va au Spa ou à une aigreur parce que Jeannette se marie et pas nous????
Je pense que ça ne partait pas d'une mauvaise intention mais ça veut dire qu'un mec qui prépare un article sur les médias sociaux et les femmes arrive quand même à ne pas voir du tout un pan important de ce phénomène alors même qu'il s'en approche en voulant aborder les "côtés obscurs".
Comment peut-on vivre autant dans deux mondes différents???