Je m’excuse d’avance pour ce pavé assez décousu, mais ce sujet me pose bon nombre de questionnements. S’il est nécessaire que je mette tout ça en spoiler faites le moi savoir.
@Neverland90 et
@Denderah Je vous rejoins totalement sur la nécessité de supprimer la précarité et la situation de survivance des tds autant pour leur sécurité que pour proposer un débat un temps soit peu plus serein notamment pour les personnes concernées. Dans un monde idéal personne ne se retrouverait contraint de faire quelque chose qu’ielle n'a pas désiré pour survivre. Nous n'en somme malheureusement pas encore là.
Neverland90 pour ce qui est de ta réponse quant à la façon de ne pas précariser plus les prostitué-e-s dans le cas d'une abolition je ne suis qu'à moitié convaincue. Effectivement j'avais cité le cas des prostitué-e-s immigré-e-s et sans papier, pour mettre en avant les situations les plus difficiles, et ce type d'approche, si correctement mise en œuvre, pourrait être salvateur pour un bon nombre d'entre elleux. Mais comme tu l’as souligné, pas sûre que le gouvernement accepte de mettre en place ce type de dispositif et surtout d’y mettre l’argent et le personnel nécessaire. On parle ici de personnes qui sont potentiellement en danger ou au moins en situation de détresse et de précarité extrême. Pour que ce que tu proposes soit viable et efficace, il faudrait que tout ça soit rapide à l’exécution et quant on voit la capacité de la France à faire trainer le moindre dossier, ou encore toutes les demandes qui n’aboutissent jamais pour des choses moins complexes que ça... Sans parler qu’il faut dans certains cas, il me semble, trouver des moyens efficaces de tenir les macs à distance pour empêcher les tds de se retrouver à nouveau piégé et donc leurs fournir un foyer, ou une chambre d’hôtel pour une durée temporaire. Sachant que dans ce cas là, l’idée d’un genre de « refuge » me parait inadaptée étant donné qu’il faut que ces personnes puissent rester cachées le temps que leurs situation se régularise et qu’ielles soient protégé-e-s.. Même si ça serait formidable, en l’état actuel des choses, j’ai l’impression que ça reviendrait à prier pour la réapparition des dodos…
Là où ça me semble en partie biaisé en revanche c’est pour toute la population déjà intégrée. Je pense à celleux qui se prostituent pour essayer de joindre les deux bouts, qui ne sont pas forcément dans une situation aussi critique que des sans-papiers, mais qui n’y arrivent pas financièrement (il ne s’agit pas de dire qu’ielles ont plus de poids, mais simplement de mettre le doigt sur une situation différente, malgré tout problématique, mais qui ne réclame pas forcément les mêmes solutions). Ielles ont déjà potentiellement la possibilité de demander des aides mais soit elles leur sont refusées, soit elles ne sont pas suffisantes. On propose quoi dans ces cas là, une nouvelle forme de prise en charge? Je vois la difficulté avec laquelle notre système gère les SDF qui constitue une population à laquelle on accorde un peu plus facilement de l’attention, de droit de paroles et auxquels l’opinion publique tournent déjà plus aisément son empathie qu’aux tds (en tout cas j’en ai l’impression), et autant dire que c’est franchement limité pour ne pas dire quasi inefficace. Alors pour mettre en place des systèmes de prises en charge pour les prostiué-e-s, alors que leurs travail serait considéré comme illégal… J’ai de sérieux doutes sur le fait que le gouvernement serait prêt à tenter l’expérience, sans compter que j’ai l’impression que l’opinion publique entre relativement en ligne compte pour ce type de mesures.
Je crois surtout qu’en plus de tenter de créer des structures adaptées, il faudrait de toute façon commencer par créer un statut, qui à défaut de légaliser leur travail, leur donnerait accès aux droits les plus élémentaire : la possibilité de porter plainte sans être directement inquiété et aussi la possibilité de visites médicales gratuites ou quelque chose dans le genre afin de leur procurer un temps soit peu de sécurité mais aussi de visibilité. Faute de leur reconnaitre un travail accepté par la loi, rien ne nous interdit de leurs fournir une situation au moins un peu plus sécurisante qui pourrait leur permettre entre autre d’être un peu moins stigmatisés. J’ai tendance à penser que c’est cette invisibilisation dans la sphère publique et politique (là je parle de la voix des principaux concernés) qui est entre autre la cause d’une bonne part du manque de crédibilité qu’on accorde à leurs témoignages et interventions. Ce qui en soit est déjà problématique.
Bref, pour les raisons que j’ai citées au dessus, j’ai l’impression que la légalisation, si elle peut effectivement être considérée comme la solution du fainéant, reste la plus viable. Car une prostitution encadrée implique aussi un type de prostitution refusée : l’esclavagisme sexuel subit et non voulut, et donc une forme de pénalisation mais qui pourrait aller pour une fois dans le sens des prostitué-e-s. Ce qui permettrait de reconnaitre enfin de façon officiel le statut de victime aux personnes qui la subisse. Parce que pour parler des propositions officielles qui ont été faite, du coté des abolitionniste (de mémoire) on propose soit de condamner tout le monde (bonjour la double peine pour les personnes qui sont victimes du système et qui sont considéré-e-s comme coupables), soit de condamner uniquement les clients sans prendre en compte la situation des tds. Donc au final les prostitué-e-s sont toujours les grand-e-s perdant-e-s de l’affaire puisque soit on les punit soit on les oublis purement et simplement. Ceci étant dit, je suis peut être mal renseignée et je dis peut être une bêtise plus grosse que moi à cet instant précis.
Pour la libération sexuelle sous couvert de prostitution je crois que nous tombons d’accord Neverland90, je vois mal comment on peut parler de libération quand le sexe est obtenu via rémunération et dans un rapport de domination, je n’irais pas juger les clients, mais je ne peux pas m’empêcher d’y trouver mois aussi un aspect malsain tant sur le modèle que cela renvoi que sur le principe (je me sers et quand j’en ai assez je jette, l’autre est à ma disposition). Quant aux femmes qui ont bien vécus la prostitution, sans vouloir invalider leurs témoignages ou leur donner moins de valeurs, je crois qu’il faut qu’elles gardent à l’esprit qu‘elles restent une minorité privilégiée ayant fait le choix de faire ce travail, ce qui, il me semble est loin d’être le cas de la majorité des tds.
Pour ce qui est de ta réflexion sur le patriarcat et la prostitution, je plussoie. En tout cas, pour son versant féminin. On nous montre effectivement à tout les niveaux (j’entends par là les journaux pour le procès du Carlton par exemple, mais aussi les fictions, livres, films et séries) une sorte de prostituions banalisée, avec une violence érotisée faite aux femmes prostituée sur lesquelles ont projette tout les fantasme. Au final c’est l’idée que l’homme est insatiable et que la femme en tout cas son versant « salope » est là pour satisfaire tout ses désirs sans salir la « femme idéal » comme le soulignait
@Maelyra . Au final on nous montre toujours des femmes en position de faiblesse et dégradante, abusées par des hommes contre rémunération et pas forcément bien traitées, le tout de façon extrêmement sensuelle, érotique et surtout normalisée et acceptée partout dans la pop culture et la culture tout court en faite. il n’ya qu’à voir le sur-usage des clichés type : bar à prostitués dans les films noirs, ou encore la fameuse scène ou un personnage masculin encore vierge vas découvrir le sexe avec une prostituée payée par son « mentor » lui aussi masculin afin qu’il deviennent un homme, un vrai… Bref l’image de la femme prostituée est fantasmée par la société de façon à en faire un objet sexy dénué de volonté, de désir ou de caractère ; et c’est cette image déshumanisée qu’on plaque sur tout les tds sans chercher à comprendre la portée humaine qu’implique ce statut. Au final on est toujours dans l’idée que la violence, ou le sexe imposé aux femmes est jouissif, autorisé et quelque part sexy. Il s’agit surtout de poursuivre un système de domination en l’appliquant à des personnes dans une situation déjà affaiblie mais en donnant la sensation dans la façon de le présenter que la situation est enviable et parfaitement normale (la base du patriarcat en somme). Là ou ça devient complexe c’est que les déclarations du type « je vis bien ma prostitution et je veux être une prostituée » fait le jeu de ce système de domination en sous entendant que c’est effectivement ce que les femmes veulent au fond d’elles (le fameux derrière tout « non » de la part d’une femme il ya un « oui »). D’un autre coté on ne peut pas décemment demander à ces personnes de se taire ou remettre ne cause leurs ressentit, d’autant plus que ces personnes auront sans doute un point de vue intéressant pour proposer des façons de faire avancer les choses, si on leur laisse la parole…
En revanche, ce discours me gène sur un point : cela invisibilise quasi totalement, et je me doute que ce n’était pas ton but, la présence des hommes prostitués, dont on parle très peu d’ailleurs, voir pas du tout, mais qui existe pourtant bel et bien et qui sont confrontés au même problématiques. Je me demande d’ailleurs si au même titre que les viols masculins leur parole n’est pas encore plus silenciée que celle des femmes…