Veille Permanente Classisme

[Cocoeau]

J'ai un truc qui bout en moi depuis des mois et je viens seulement de dénicher ce topic... Donc je le partage avec vous.

Cette année, j'ai fait du bénévolat auprès de collégiens en difficulté d'un quartier dit "populaire".
Je ne donnerais ni le nom de la ville ni celle de l'association, encore moins celui du quartier, pour préserver l'anonymat des protagonistes.
On a fait une intervention avec quelques autres étudiants dans les classes de 4ème 3ème, pour leur parler de la vie étudiante, du fonctionnement des facs, etc. Pas vraiment de l'orientation puisque nous n'avons pas évoqué les diverses filières de fac, plutôt une présentation d'un des nombreux trucs qu'il peut y avoir après un bac.

La Conseillère d'Orientation Psychologue, à la fin de l'intervention, nous a remercié puis a dit "Enfin de toute façon, on est à [nom du quartier], ils iront tous en pro hein, faut pas rêver non plus"
Le tout sans aucune discrétion, sous nos regards consternés et à portée d'oreille des gamins...

Comment peuvent ils croire en eux si les adultes de l'éducation nationale eux-même n'y croient pas ? Ca me désespère...
En plus j'ai l'impression que les COP sont souvent à la ramasse totale, paumées... Celles que j'ai pu rencontrer dans ma vie n'étaient pas mieux, que ça soit dans les CIO ou les collèges - lycées. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas de très bons, bien formés et de bon conseil, je dis que c'est rare.
Les seuls géniaux que j'aie vu c'était les personnels du SCUIO-IP de ma fac, mais s'il faut attendre d'être en post-bac pour trouver des conseils judicieux, ça risque d'être problématique...

 

[Cocoeau]

En L2 je suis allée voir la conseillère d'orientation (la meuf s'obstine) de ma fac, en lui disant que je savais pas quoi faire après, que je voulais connaître les différents masters etc. Quand je lui ai dit que j'avais fais un bac pro elle m'a demandée trois fois si j'avais eu mes années du premier coup, et elle m'a conseillée de faire une licence pro parce qu'après ça deviendrait trop difficile pour moi.

Tu fais quoi maintenant ? Un master ? Si oui, pense à retourner la voir avec ton diplôme quand tu l'auras obtenu... Juste pour voir sa tête

@JuneBouvier J'ai connu une fille dont le père était paysagiste, qui rêvait de reprendre l'entreprise familiale - une boîte qui marchait bien, donc elle avait un avenir tout tracé dans le domaine !
Et en fin de 3eme, la conseillère d'orientation et les profs ont donné un avis défavorable à son voeux de bac pro, parce qu'elle était "trop bonne pour faire ça" et qu'elle "allait gâcher sa vie"
Bon, elle a quand même pu faire son bac pro, elle l'a eu et elle les emm*rde, mais je trouve ça affreux de dire ce genre de chose à un gamin.
D'autant plus qu'elle souhaitait une voie avec des débouchés et un emploi tout trouvé en fin de cursus, pas un truc très peu demandé ou avec des salaires tout pourris...

Concernant le couple et les efforts à faire, je crois pas que ça soit exclusivement une idée des classes populaires.
Par contre plus tu es "riche" plus tu as aisément accès à la culture : livres, journaux d'actu et magazines, visites culturelles diverses, internet, etc. Donc tu es peut-être plus informé, notamment des lois qui te protègent.
Par exemple, j'ai connu une fille, issue d'une famille de classe populaire, qui s'est retrouvée victime de viol conjugal et qui n'imaginait pas que ça puisse être puni par la loi. Pour elle, c'était un devoir dans un couple, même si elle n'en avait pas envie.
Je pense, mais je peux me tromper, que les familles les plus aisées sont les mieux informées le plus souvent, et que ça aide quand on a besoin d'avoir la loi pour soi comme ça a été ton cas.

 

[Tardigrade]

Votre débat sur les parcours professionnels me fait penser que j'aurais bien aimé faire du pro, mais personne ne m'a jamais encouragée là-dedans. J'étais une bonne élève (sauf en sciences, mais je pense qu'il y a une part de sexisme là-dedans même si mon frère était nase aussi), et sans avoir une idée bien précise, ben ... Non. On ne m'a jamais rien proposé, à part une conseillère d'éducation qui trouvait ça dommage l'idée que je puisse m'arrêter à bac+2 seulement quand je lui parlais de DUT (mais c'est déjà super cool, meuf ).
En revanche, une fois, j'ai été bien conseillée par une conseillère d'éducation (elle a proposé deux métiers, l'un d'eux sera mon plan B si je ne réussis pas et j'aurais des matières communes aux deux dans mon parcours rêvé ). Ils existent. Mais en petit nombre.

@JuneBouvier je pense que ça touche toutes les classes sociales.
Dans les médias, c'est frappant de voir comme un amour qui se passe tranquillement n'est jamais valorisé. Il faut toujours du drame, de la violence. Du bad boy, du passé sombre ...
Je pense que c'est lié aux injonctions de virilité et de féminité. On ne voit jamais un héros mec se remettre en question ou être doux (ou alors, c'est le nice guy, pauvre de lui), il faut qu'il pose ses couilles tout le temps (j'ai en tête tous les blockbuster hollywoodiens, mais aussi l'époque Rockabilly avec ses mecs en blousons de cuir, les clips de rap, les romans-à-l'eau-de-rose et les trucs plus trash comme Fifty Shades of grey). Quand aux femmes, ces mêmes oeuvres les présentent comme soumises, dociles, douces et conciliantes. C'est à elles qu'il appartient de s'arranger pour que le couple tienne (elles claquent rarement la porte, c'est souvent l'homme qui revient s'excuser et oh, quel romantisme ! ).
 Je pense que les injonctions sociétales, qu'on retrouve pas mal dans les magazines féminins, viennent de là.
C'est important d'être en couple + tu DOIS faire marcher ton couple me semblent peser sur toutes les femmes. Avec la même force, ça, je ne sais pas.
En me mettant en couple avec mon mec, j'ai relativisé un grand coup. Le fait de se soutenir, de s'entraider et de s'adapter l'un à l'autre (en s'étant demandés si on pouvait s'adapter, si ça valait le coup de se mettre ensemble ou si ça serait trop sacrifié moi / lui au profit de nous deux), ça m'a semblé ... Ridiculement simple. Heureux.
J'ai des amis qui viennent de classes plutôt aisées et qui ont vraiment intégrée la notion de sacrifice pour un couple. Pas la concession, le sacrifice. Est-ce que c'est lié à un héritage judéo-chrétien ? Ca ne me paraît pas impossible.

 

[Fruits]

Bonjour les filles ! Je ne passe pas souvent ici, mais j'ai pensé à vous quand j'ai vu que l'une des meilleures bachelières de 2014 était issue d'un milieu ouvrier 

Lien vers l'article.

Spoiler

Ce contenu est réservé aux membres inscrit.es. Inscris-toi par ici.

 

[Etoile d-araignée]

Bonjour, je suis une sous-marineuse du topic J'aime beaucoup vous lire, vous m’apprenez plein de choses, merci

Je viens avec une question : est ce que vous auriez des ressources (site internet, articles, livres) à me conseiller pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants du classisme ?

 

[AngelTen Richard II]

@Fruits : +1 pour ton spoiler, issu d'un niveau social "au milieu" (ni trop ni pas assez), j'ai parfois tendance à penser que "tel truc c'est vraiment pour les beaufs" "tel truc c'est vraiment pour les bourges", et heureusement, parfois ça fait du bien qu'on est tous le bourge et le beauf que quelqu'un d'autre.

Après je pense qu'on ne doit pas pour autant s'interdire une certaine... je vais utiliser le mot "hiérarchie" mais je le trouve encore trop connoté négativement. Je veux dire, je pense sincèrement qu'il y a plus de recherche, d'intelligence, d'épaisseur dans un Victor Hugo que dans Spirou Magazine. Le fait que l'un soit plus connoté populaire et l'autre intellectuel n'y change rien, parce que ce n'est pas une cause, mais une conséquence.

Je sais pas si je suis claire. Si quelqu'un comprend et veut approfondir, amour et arc-en-ciel sur vous.

 

[Fruits]

Après je pense qu'on ne doit pas pour autant s'interdire une certaine... je vais utiliser le mot "hiérarchie" mais je le trouve encore trop connoté négativement. Je veux dire, je pense sincèrement qu'il y a plus de recherche, d'intelligence, d'épaisseur dans un Victor Hugo que dans Spirou Magazine. Le fait que l'un soit plus connoté populaire et l'autre intellectuel n'y change rien, parce que ce n'est pas une cause, mais une conséquence.

Je sais pas si je suis claire. Si quelqu'un comprend et veut approfondir, amour et arc-en-ciel sur vous.

Est-ce que tu veux dire qu'on fait une catégorisation arbitraire du genre :
- c'est recherché donc c'est pour les classes supérieures (Victor Hugo, les films en allemand sous-titrés le soir sur Arte, les plats de chef...)
- c'est pas recherché donc c'est pour les classes populaires (Spirou, Confessions Intimes, les fast-foods...)
?

On confondrait ainsi, comme tu l'as fait en opposant "populaire" à "intellectuel" (j'avoue que j'aurais inconsciemment fait pareil ), l'intelligence/le niveau de culture/les goûts, et la classe sociale.

 

[LovelyLexy]

@Cocoeau: dans la même optique, il y a quelques années, alors que je corrigeais le bac de français d'une série STMG, l'inspectrice nous a dit de ne pas trop relever les fautes d'orthographes ( alors qu'on a des consignes) car (ton méprisant) "Pour ce qu'ils vont faire, il n'y a pas besoin d'un bon orthographe". Genre je poursuis le mythe qu'un élève qui n'est pas en général est un cancre dans l'EN même... Et encore, on parlait de bac STMG, j'ose même pas penser ce qu'elle aurait dit de bacs pro ou de CAP

 

[Cocoeau]

Et encore, on parlait de bac STMG, j'ose même pas penser ce qu'elle aurait dit de bacs pro ou de CAP

Elle aurait dit de mettre 20 sans lire les copies, parce que "pour ce qu'ils vont faire, ils ont pas besoin de connaître le français"...

Ca me donne envie d'enseigner en ZEP tout ça. Je veux être prof d'anglais, donc je prends toutes les expériences qui s'offrent à moi et du coup j'ai bossé auprès de jeunes de zones dites "difficiles" dans différentes circonstances et... P*tain que c'est gratifiant !
Je sais que c'est pas l'adjectif qui viendrait en premier à la majorité des gens, mais c'est ce que je pense !

 

[LovelyLexy]

Et encore, on parlait de bac STMG, j'ose même pas penser ce qu'elle aurait dit de bacs pro ou de CAP

Elle aurait dit de mettre 20 sans lire les copies, parce que "pour ce qu'ils vont faire, ils ont pas besoin de connaître le français"...

Ca me donne envie d'enseigner en ZEP tout ça. Je veux être prof d'anglais, donc je prends toutes les expériences qui s'offrent à moi et du coup j'ai bossé auprès de jeunes de zones dites "difficiles" dans différentes circonstances et... P*tain que c'est gratifiant !
Je sais que c'est pas l'adjectif qui viendrait en premier à la majorité des gens, mais c'est ce que je pense !

Je me rappelle lors de passages en zep en tant que prof, des formateurs et des inspecteurs qui préconisaient de SURTOUT pas donner de littérature qui ne soit pas de jeunesse ( mais attention, jeunesse très simple/simpliste), pendant que les élèves d'autres collèges étudiaient normalement des œuvres un peu plus ambitieuses. Déjà que leurs familles ne peuvent pas leur donner forcément une culture ( le manque de temps, d'argent, de références faute d'avoir étudié soi même), en gros ces personnes disaient que l'école/le système scolaire ne devait pas le leur donner car "c'est trop compliqué", nonobstant le fait que ces gamins sont peut être pauvres mais pas plus cons que les autres, qu'ils travailleront peut être de leurs mains mais aimeront quand même la littérature ou l'art pour se détendre. Notamment j'ai vu un formateur conseiller de faire "Petit cochon rentre à l'école" en collège car "c'est de leur niveau"...

 

[Cocoeau]

@LovelyLexy Mon dieu mon dieu... Quand bien même la famille ne donne pas accès à la culture, ils ont été à l'école avant ces gamins ! Et leur maitresse de CP leur a surement lu Petit cochon rentre à l'école...
Et même si ça n'était pas le cas, c'est pas une raison pour les tirer vers le bas... En 6eme, j'ai lu l'Odyssée d'Homère, Tristan et Iseult, pour ne citer que ce qui me revient. Des versions abrégées, mais qui nous tiraient vers le haut !

 

[LovelyLexy]

@LovelyLexy  Mon dieu mon dieu... Quand bien même la famille ne donne pas accès à la culture, ils ont été à l'école avant ces gamins ! Et leur maitresse de CP leur a surement lu Petit cochon rentre à l'école...
Et même si ça n'était pas le cas, c'est pas une raison pour les tirer vers le bas... En 6eme, j'ai lu l'Odyssée d'Homère, Tristan et Iseult, pour ne citer que ce qui me revient. Des versions abrégées, mais qui nous tiraient vers le haut !

Surtout que les livres que tu cites sont au programme, donc sont considérés comme nécessaires pour l'instruction et la culture des élèves. Donc les gamins de Zep risquent de se retrouver en dessous du niveau général si les profs/formateurs/équipes enseignantes ont suivi le modèle auquel j'ai été confrontée. Une anecdote ( pas citer please)

Spoiler

Ce contenu est réservé aux membres inscrit.es. Inscris-toi par ici.