@Sighel : Si je peux me permettre, ton analogie est très mal choisie puisqu'elle ne touche pas du tout au même domaine et que les notions de transethnies sont principalement empreintes de fétichisme et de racisme (et j'ai du mal à comprendre où tu veux en venir).
J'ai envie de revenir sur plusieurs notions, mais je ne suis pas forcément la personne la plus légitime pour en parler dans la mesure où je suis plus en questionnements qu'autre chose.
D'abord, quelques personnes ont évoqué le fait d'aimer une personne pour ce qu'elle est et non pour son sexe et donc la difficulté à concevoir qu'un type d'organe génital puisse repousser. Personnellement, je suis d'accord qu'il y a pas mal de problèmes dans le fait de définir l'homosexualité en fonction du sexe et non du genre, ne serait-ce que parce que ce raisonnement mégenre les personnes trans en leur attribuant une sexualité en fonction de leur sexe assigné ou de leurs organes génitaux, c'est assez violent. En revanche, je pense qu'on peut avoir des réticences, voire être repoussé par un type d'organe génital sans être transphobe et sans que cela soit en lien avec la sexualité. Il y a des femmes hétérosexuelles qui ont du mal avec les pénis. Pas mal de lesbiennes se font harceler parce qu'elles n'aiment pas les pénis et je trouve que c'est un vrai problème (et du coup, je comprends que certaines en arrivent à se sentir obligées de prouver en permanence qu'elles n'ont aucun lien avec les pénis ou ce qui pourrait ressembler à des pénis, ça prend des proportions parfois graves). Personne n'est obligé d'aimer les pénis ou les vulves ou autre chose. Ce qu'il convient de rappeler, c'est surtout qu'on ne peut pas deviner si une personne a un pénis, une vulve ou un autre type d'organe génital sans le/la voir nu.e. Il est donc absurde et surtout profondément transphobe de dire "je n'aime pas les femmes trans car je n'aime pas les pénis".
Pour ce qui est du sexe biologique, si les médecins ne se basent pas sur rien, iels ne se basent pas non plus sur tous les éléments permettant de déterminer le sexe biologique. Ce n'est pas pour rien que des personnes intersexes le découvrent très tardivement, on ne se base que sur les organes génitaux externes et on peut avoir des organes génitaux externes ne permettant pas le doute à priori et ne pas correspondre entièrement à ce qu'on attend du sexe biologique de la personne. En réalité, c'est très courant. Des exemples ? J'ai souvent lu "hormones" ici, l'hirsutisme et la gynécomastie sont souvent liées à un profil hormonal atypique, mais pas si rare (je suis moi-même hirsute, pas à un degré important, mais hirsute quand même, je ne souhaite aucun "traitement" pour mon profil hormonal et il me convient, mais clairement, il ne rentre pas dans la norme d'autant plus que j'ai une structure osseuse plutôt masculine aussi). Et là, je parle d'exemples qui donnent une variation légère, mais existante, je ne parle pas nécessairement de ce que ça peut révéler au niveau chromosome, etc.
Ce que je veux dire par là, c'est que ce n'est pas une science exacte et qu'il y a réellement un côté artificiel. De plus, notre système binaire pose d'énormes problèmes, il est anormal de mutiler encore des enfants et de considérer cela comme un traitement alors que le but est uniquement de ne pas sortir du système binaire bien ancré dans notre culture.
Ensuite, je tenais à dire que l'identité de genre existe, ce n'est pas que le reflet des constructions sociales et des attentes genrées, plusieurs éléments tendent à démontrer qu'il ne suffit pas que l'éducation "efface" les attentes genrées ou les modifient pour que l'identité de genre ne soit plus une question essentielle. Le truc, c'est que même s'il y a une construction sociale derrière tout cela, ça ne signifie pas que ça n'existe pas. Nous vivons constamment dans des constructions sociales. Je vous renvoie à l'histoire de l'homme réassigné femme suite à un incident lors de sa circoncision.
Si ça ne suffit pas, l'existence de la dysphorie de genre devrait rendre l'identité de genre plus palpable. Je peux comprendre qu'il soit difficile de faire la différence entre identité de genre et rôles genrés dans la mesure où le discours qu'on attend des personnes trans et apparemment aussi des personnes non binaires est "j'ai toujours aimé ceci, je me suis toujours senti à l'aise dans tel rôle, etc." mais c'est pas toujours le cas et ce n'est pas une nécessité. Les rôles genrés peuvent entrainer la dysphorie, mais le problème ne se situe pas dans les rôles genrés. Il y a des mecs trans efféminés, des femmes trans butch, des personnes non binaires qui "ressemblent trop à leur genre assigné" au goût de certain.e.s, mais c'est peu admis.
Pour ma part, je me considère comme en questionnement / probablement genderfluid parce que j'ai des périodes de très forte dysphorie depuis mon adolescence notamment vis-à-vis de ma poitrine, mais je m'identifie aussi parfois comme femme sans problème (et pour cette raison, je ne me dirai pas transgenre, mais non binaire me va) ou encore plutôt agenre-mais-féminin.e. La dysphorie que je ressens, j'ai mis des années pour la comprendre, des années pour comprendre pourquoi parfois me donner un nom de mec me soulageait, pourquoi "je devrais être un mec" n'était pas que du ressentiment parce que pas hétéro, etc. (Le truc drôle, c'est que, encore maintenant, je me dis que je ne suis pas légitime dans mon questionnement et que je vole la parole de personnes qui sont réellement non binaires). C'est certain, y a des trucs qui vont faire penser "ah, mais si tu t'identifies pas tout le temps à une femme, c'est parce que tu ne veux pas tout le temps répondre aux attentes genrées, regarde tu cites les vêtements de mec, les poils, le prénom, etc." mais, la réalité, c'est que le ressenti est sur l'identité, se "conformer" plus ou moins aux attentes que les gens ont pour d'autres genres, c'est plutôt un moyen de me sentir mieux, d'alléger la dysphorie parce que je me sens / suis moins perçu.e comme femme. Parfois, je vais avoir une tenue butch juste par esthétique sans me sentir mec, ça ne servira pas à alléger la dysphorie. J'ai pas de moyen d'expliquer clairement pourquoi j'ai souvent envie qu'on m'arrache les seins ou pourquoi je me sens parfois mec, parfois agenre, parfois presque mec / femme, parfois femme. Je peux pas l'expliquer, c'est comme ça, mais après tout, combien de personnes peuvent expliquer leur identité de genre ?
Un truc que j'ai trouvé génial dans la BD "Assignée garçon", c'est quand Stéphie n'aime pas le maquillage. Le fameux "ah, mais je jouais à la Barbie / je me maquillais" est hyper attendu quand une femme trans parle de sa vie, des discours stéréotypés qu'on attendrait pas d'une femme cisgenre sont hyper attendus pour commencer une transition, j'adore la BD de Sophie Labelle parce qu'elle brise certains tabous.