@
Shinypony dans la peau d'un animal sauvage
L'odeur des Hommes. Elle est là, partout autour de moi. Je ne vois rien, mais je le sens. Elle m'est familière cette odeur, je me souviens d'avant. Avant, je vivais chez les Hommes. Dans une
maison, ils me disaient
Allez viens, on rentre à la maison. C'était chaud, c'était doux. Il y avait à manger et à boire, toujours au même endroit. Ici, l'eau remue, elle change de place. Parfois elle disparaît. Il n'y a pas de nourriture. Rien de ce que j'avais, avant.
L'odeur des Hommes. J'ai beaucoup oublié d'eux, il ne me reste que quelques brumes de souvenirs. Une femelle, elle me prenait toujours contre son corps, je sentais son cœur battre contre moi, une berceuse pour chiot. Un mâle aussi, il criait parfois très fort. J'avais beau me rouler sur le dos, lui présenter mon ventre et lâcher quelques gouttes d'urine - parce-que c'était le
Chef de meute, je lui devais du respect - il criait encore plus fort.
Il est sale ce chien ! Dégueulasse ! T'apprendras jamais à être propre !
L'odeur est plus puissante. Je ne l'avais pas sentie depuis longtemps. Elle m'effraie un peu, ou sont-ils, ces Hommes ? Les images tourbillonnent. Il y avait un chiot d'Homme dans la
maison, c'était le
petit. Il me serrait fort. Parfois il me tirait la queue, me mordait les oreilles. J'avais un peu peur, alors je grognais. C'était pour le prévenir, lui dire
Arrête, j'ai peur, je veux que tu arrêtes. Mais il n'arrêtait pas. Le mâle criait plus fort, me secouait. Un jour, il m'a tiré si fort la queue que tout mon corps s'est mis à hurler de douleur. Je l'ai mordu, il fallait que je me défende, qu'il
arrête.
Les Hommes sont comme devenus fous. Beaucoup de cris. Toute la tension de la
maison frappait mon crâne, je tremblais. Même tout aplati contre le sol, ils continuaient à crier vers moi. Le mâle m'a attrapé, toute la douceur avait disparu, ne restait qu'une haine sourde, je la sentais battre dans mes flancs.
L'odeur des Hommes. J'ai entendu des branches craquer. Quelqu'un parler. On dirait des petits Hommes. Je remue lentement la queue, et si je retournais dans une
maison ?
La peur et l'espoir se mélangent. Les Hommes d'avant m'ont fait mal. M'ont jeté dans le froid et la nuit. Hors de la
maison, j'étais seul, sans manger ni boire, sans coussin ni caresses. J'ai hurlé, aboyé autant que possible, pour qu'ils puissent me retrouver, qu'on vienne me chercher. Mais je suis resté là, seul.
Quelque chose vient de frapper ma croupe, quelque chose de dur, qui m'a fait mal. Qu'est-ce qui se passe ? Il y a des cris, aigus, des cris de petits d'Homme, tout autour.
Sale clébard dégueulasse ! Allez, à ton tour, lance-lui la pierre ! Aïe ! Deuxième impact, plus douloureux. Je les vois maintenant, ils sont beaucoup, ils m'entourent en montrant leurs dents. Peur, froid. Je m'aplati au sol, me fait tout petit.
Je ne suis pas une menace, regardez je ne suis pas une menace, vous êtes plus forts. Un petit me donne un coup de pied. Je couine, je rampe, lape l'air avec ma langue,
arrêtez. Un autre coup, dans les flancs, je laisse échapper un cri.
Il chiale comme une salope ce chien ! On va te faire chialer, sac à puces !
Il faut partir. Je cours. Mal au flanc, mal là ou les pierres m'ont touché. Je n'ai pas beaucoup mangé ces derniers temps, mais je sais courir. L'odeur des Hommes qui me poursuivent. Les cris des Hommes qui partent en chasse. Il faut courir plus vite, ne plus penser qu'à courir. Leur souffle et leur haine, derrière moi. Les cailloux qui volent, je zigzague entre les arbres.
Sale clébard, on va t'avoir ! Sale clébard, sale clébard, sale clébard !
Avant, je vivais chez les Hommes.