En parler relève probablement du masochisme. Mais en lisant les autres récits et ce titre, ce simple titre, je pense à lui.
Je suis en couple et fiancée déjà depuis quelques années, et qui plus est fidèle. Il ne m'est jamais arrivé de songer à mettre fin à cette union là, à l'avenir en croquis, aux idées prévues, pour qui ou quoi.
Lui et moi, pourtant, nous sommes abordés en douceur il y a plus d'un an et demi, jaugés en coin, jugés beaucoup, avons joué. De 6 ans plus âgé et déjà de plein pieds dans une remarquable situation professionnelle, il m'a apprivoisée par sa faculté à raisonner, au contrôle, à l'analyse. Tout et tout le temps. Il esquissait les contours du vrai des choses, de façon certes carrée mais toujours pleine de sens. Sensé, trop profondément sensé. Il disséquait et dénudait jusqu'à fleur de chair, surtout la mienne, sans que je me laisse pour autant trop faire. Car j'étais (et suis) tout son contraire : emportée, trop touchée, instinctive, tête en l'air. Et engagée, toujours. Je réagis avec force et par sauts, suis brutale dans le théâtral, me replie facilement en foetus. Je supportais mal un tas de choses de "la vraie vie" sur lesquelles il semblait posséder tout pouvoir et toute compréhension.
Il avait des défauts, certes, et un joli tas. Un bel orgueil de surface, un regard trop droit, une sensibilité difficile à ébranler. Un être manichéen. Mais malgré ça, il compensait tout, se plaisait à arrondir mes angles et m'apportait un éclairage fou sur des éléments qui jusqu'ici, me rebutaient, me blessaient ou me fascinaient. Il me parlait de physique quantique de façon blanche et pure, à moi, la littéraire écoeurée par le moindre chiffre et l'infime atome. Il m'expliquait par croquis les hors-jeu et corner, m'initiait au poker, à la science, au travail, à l'avenir.
Quant à moi, je lui parlais mouvements, peinture, couleurs, écrits. Douceur. Instinct.
La raison et le coeur, tout ce qu'il y a de plus con.
Il semblerait que je lui aie apporté trop de sentiments pour sa mesure, trop d'imprévu et trop de flou. Trop de ce qui ne rentre pas dans le cadre mesuré des choses de sa vie. Nous avons rompu tout contact en des éclats effroyables il y a plus de 3 mois, et pour cela, il est le seul que j'ai haï. Haï avec force, harge, dégoût, nausée, parce que je l'ai aimé, cette brute d'enfoiré, et qu'il est parti pour trop ressentir.
Aujourd'hui encore, je ne saisis pas pourquoi. Pourquoi on part quand on aime, pourquoi la préférence va au rien plutôt qu'au bon, au doux, à ce qui effleure et plaît. Apaise et apprend. Aujourd'hui je le déteste et le regrette, car il me manque dans ses savoirs et sa Bêtise.
L'an prochain, j'entame une nouvelle vie que je n'aurais pu débuter sans lui. Je me rapproche dangereusement de l'endroit où il vit, bouge, évolue, et n'est donc plus à l'abri de le croiser au détour d'une rue. En pareil cas, je ne sais encore si je le giflerai ou me nicherai dans ses bras.