@Unefougère personnellement ce qui me gène dans les exemples que tu donnes, c'est que j'ai l'impression qu'ils reposent tous sur une association étroite (et pas du tout remise en question) entre genre / comportements attendus de la part des individus de ce genre.
Par exemple pour le peuple indonésien dont tu parles, les 5 genres sont :
1 - femme cis (corps de femme et comportement de femme)
2 - hommes cis (corps d'homme et comportement d'homme)
3 - femme/homme (corps de femme et comportement d'homme)
4 - homme/femme (corps d'homme et comportement de femme)
5 - intersexe (union sacrée des deux, comportement religieux)
Je trouve intéressant que cette société, et d'autres, reconnaisse plus de deux genres, en les décorrélant de la (plus ou moins) binarité sexuelle. Mais d'un autre côté, cette décorrélation renforce encore le poids des injonctions liées au genre (et aux genres biieen binaires au fond) : être une femme c'est, au-delà du corps, se comporter "comme une femme", et être un homme, idem. Quant à ceux qui se trouvent entre les deux, je suis très tentée de penser que leur divinisation résulte d'une impossibilité, finalement, d'accepter la réalité de la non binarité.
Pour moi, le gros problème de ce paradigme, c'est en fait toujours le même : qu'est-ce que ça veut dire, se comporter "en homme" ou "en femme" ? Et si je suis intéressée par des comportements attribués à ces deux genres, tout en étant tout à fait ok avec mon corps de femme ? Personnellement, ce que je n'aime pas dans le fait d'être une femme, c'est totalement lié au fait de vivre dans un monde qui a été et qui est encore inégalitaire en notre défaveur, dans quasiment tous les pans de nos vies. A part ça, je me sens bien dans mon corps, je ne ressens pas de fierté particulière avec le fait d'être une femme mais ça ne me pose pas de problème non plus, ce qui me fait me considérer comme une femme cis. (Pour répondre à la question de
@Petit bouchon : je pense que les personnes trans ressentent intimement le fait d'être considérée femme ou homme comme une erreur, engendrant potentiellement une grande souffrance. Personnellement, être considérée comme femme ne me fait ni chaud ni froid, c'est aussi ce que je suis à mes yeux, et c'est facile pour moi de comprendre que ce qui me déplait dans cette expérience est purement lié à des attentes sociales construites).
Mais je suis une personne qui : gagne sa vie, a de la force physique, sourit énormément, pleure parfois, s'enerve, parle très facilement aux inconnus, ne se maquille pas, vit seule, aime la solitude et le plein air, a toujours un opinel dans son sac, aime les jolies choses, est tout le temps à vélo, prend facilement la parole et le lead dans son domaine pro, regarde des vlog de youtubeuses, trouve qu'une bonne partie des mecs sont des gros nullos de la communication, s'intéresse beaucoup à la politique, ne veut pas d'enfant, a de très proches amies femmes et quelques proches amis hommes, attache de l'importance a avoir un appartement propre, bricole, a facilement une attitude un peu protectrice avec ses proches, etc, etc... Dans une société sclérosée du genre, ça fait quoi de moi ?
Je veux vivre dans une société ou personne ne trouve rien à redire à ce que je fiche, comment je vis et à quoi je ressemble sous prétexte que cela ne correspondrait pas à mon genre. Et je le souhaite à tout le monde. Ce qui me gène parfois dans les discours sur le genre avec ses innombrables cases (et cela sans du tout remettre en cause la transidentité) c'est qu'ils ramènent trop à ce vieux poncif de partition des activités sociales en fonction du genre. Et de ce point de vue, le peuple indonésien en question fait pas tellement avancer le bouzin selon moi : j'ai aucune envie d'être une femme cis chez eux non plus, si cela présuppose de porter des robes et du maquillage, m'occuper d'enfants ou travailler en salon de beauté.